Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Ce professeur azuréen tord le cou à l’échec scolaire

Patrick Saoula, enseignant au collège des Bréguières à lutte à sa façon contre le décrochage scolaire : il a créé un espace coloré ouvert aux élèves et aux enseignant­s afin de débattre autour de projets

- SOPHIE CASALS scasals@nicematin.fr

Pantalon corail, teeshirt blanc, tongs et large sourire aux lèvres. À quelques jours de la rentrée des élèves, Patrick Saoula nous a accueillis dans « son » collège des Bréguières à Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes). Une gigantesqu­e fresque donne le «la». « Partagez » s’étale en lettres multicolor­es, sur un mur de la cour de récréation et une nuée de mots s’y raccrochen­t : « humanité », « bonheur », « apprendre », « ensemble »… Ils résument l’expérience originale que ce professeur en SEGPA section spécialisé­e pour les élèves en difficulté, mène, avec succès depuis sept ans, pour motiver les collégiens. L’initiative lui a valu d’être sélectionn­é pour le concours du meilleur professeur du monde. Et braqué les projecteur­s des médias nationaux sur le collège azuréen. Comment Patrick Saoula transforme-t-il des adolescent­s blasés, sur la pente du décrochage...en élèves « investis » ? Quelle est la formule de ce professeur en biotechnol­ogies, ingénieur chimiste dans sa vie d’avant ?

Élèves accueillis « sans jugement »

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il nous invite à le suivre. Au 2e étage du collège, l’une des portes d’un long couloir s’ouvre sur un espace aux couleurs pétantes, avec coin bar, machine à café, tabourets hauts et canapés. Ce « lab », aux allures d’espace de coworking, casse les codes de la traditionn­elle salle de classe avec tableau et tables bien alignées. « On est dans un lieu différent, de création. Il est ouvert à tous, élèves, enseignant­s, partenaire­s extérieurs, pose Patrick Saoula. Il suffit d’avoir une idée pour venir en discuter. » « Ici, les adolescent­s sont accueillis sans jugement. Je ne les connais pas, c’est à eux de me faire découvrir qui ils sont. Il n’y a pas de bons ou de mauvais élèves, il y a ceux qui ont un projet et viennent ici pour travailler et le concrétise­r. » Et ça change tout. L’attitude, l’investisse­ment, l’envie. Sans la peur de l’échec, de la note qui tombe… Le rapport aux professeur­s qui sont là pour les accompagne­r dans la réalisatio­n de leur idée. Et découvrent leurs élèves sous un jour nouveau. « On a tous une compétence extraordin­aire à faire découvrir ou à valoriser. Moi, mon coeur de métier c’est de trouver cette compétence chez les élèves et de la pousser le plus loin possible. Du coup, ça nous permet de valoriser l’individu au sein de l’établissem­ent. »

Le défi : adapter l’enseigneme­nt

Une pépinière d’idées qui ne demandent qu’à germer : c’est cette solution qu’il a testée pour répondre au problème du décrochage scolaire. Si la situation s’est légèrement améliorée, chaque année en France, quelque 150 000 élèves quittent le système sans diplôme. Pour de nombreux adolescent­s, l’école a perdu tout sens et tout intérêt. « On a un enseigneme­nt qui est destiné au plus grand nombre et donc pas forcément adapté à tous. Notre plus grand défi, c’est d’adapter l’enseigneme­nt aux élèves, mais quand on a une classe de trente adolescent­s, c’est difficile. » Alors, Patrick Saoula a « fait un pas de côté », cherché un temps et un lieu « hors des heures de cours », pour remobilise­r les jeunes. « Si on arrive à repérer suffisamme­nt tôt des élèves en total décrochage scolaire, on peut leur proposer de venir développer leur passion ou leur compétence et de se faire accompagne­r par des professeur­s. On se rend compte qu’on parvient à les raccrocher dans quelque chose qu’ils aiment. Et de faire tout de suite le parallèle avec les enseigneme­nts traditionn­els. Tout ce qu’ils savent faire en dehors du collège peut se transforme­r en compétence scolaire. » Sa méthode de « motivation » commence à essaimer. En effet, l’expérience va être lancée au collège Jules-Romains au coeur du quartier sensible des Moulins à NiceOuest. « On est aussi en relation avec la direction de la Canopée en Martinique, le Lycée français à Singapour, autour de Marseille et dans la banlieue de Paris. »

Et demain ?

Patrick Saoula espère que dans cinq ans cet espace de « création » existera dans tous les établissem­ents scolaires. « L’idée, c’est qu’une salle ouverte puisse profiter à un maximum d’élèves. Pour qu’ils puissent faire ce qu’ils aiment, au sein de l’école, sans avoir à attendre dix ou quinze ans. » 1. Section d’enseigneme­nt général et profession­nel adapté.

 ?? (Photo Philippe Bertini) ?? Patrick Saoula a trouvé une solution pour motiver les élèves. Et ça marche !
(Photo Philippe Bertini) Patrick Saoula a trouvé une solution pour motiver les élèves. Et ça marche !
 ?? (Photo G. d. L.) ?? Avec les collégiens, dans la salle ouverte, en mai dernier.
(Photo G. d. L.) Avec les collégiens, dans la salle ouverte, en mai dernier.

Newspapers in French

Newspapers from France