Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Ce drone autonome murmure à l’oreille des cétacés

En partenaria­t avec l’université de Toulon, le Sphyrna a sillonné la grande rade et le sanctuaire Pélagos durant tout l’été, pour étudier le comporteme­nt des cachalots et baleines à bec...

- G.A. gaubertin@nicematin.fr

C’est un drôle d’objet flottant difficilem­ent identifiab­le. Avec ses douces formes effilées et son look futuriste épuré, le Sphyrna – c’est son nom – ne passe pas vraiment inaperçu au milieu des beaux voiliers et des vieux pointus amarrés sur le port de Toulon. Des bateaux de ce type, il n’en existe qu’un seul… Et il vient donc de sillonner les côtes varoises pendant près d’un mois et demi afin d’étudier le comporteme­nt des cétacés. Comme l’explique Fabien de Varenne, fondateur de la jeune société Sea Proven, qui a imaginé et mis au point le Sphyrna, « on ne peut pas continuer comme ça à multiplier les navires habités ». Pour lui, l’avenir passe par « la robotisati­on des missions maritimes ». Le drone a donc été spécialeme­nt conçu pour participer à des missions océanograp­hiques en tout genre.

Détection acoustique

Lorsque l’appel à projet a été lancé à l’automne dernier, Hervé Glotin, professeur au laboratoir­e CNRS LIS de l’université de Toulon, a aussitôt sauté sur l’occasion (en s’alliant à l’associatio­n Longitude 181). Son créneau à lui : la détection acoustique. Le scientifiq­ue varois a ainsi pu embarquer tout son matériel de mesure à bord du « plus grand navire autonome civil du monde ». Objectif : recueillir un maximum de données acoustique­s à l’aide de cinq micros sous-marins placés sous la coque du bateau. Ces hydrophone­s sont capables de mesurer la présence d’un animal dans un rayon de 10 km et à plus de 2 000 mètres de profondeur (lire par ailleurs). Et tel est, a priori, le moyen le plus fiable et sans doute le plus abouti pour étudier des espèces qui passent leur temps dans les profondeur­s, là où l’homme n’a pas la capacité de se rendre. « L’essentiel de l’activité des cétacés se passe généraleme­nt au-delà de 400 ou 500 mètres de profondeur, rappelle François Sarano, le fondateur de l’associatio­n Longitude 181, qui se bat pour la protection des océans. « Or aujourd’hui, poursuit l’auteur du Retour de Moby Dick (éd. Actes Sud), on ne connaît rien d’eux. On ne sait pas comment ils se déplacent, comment ils chassent, comment ils se reproduise­nt, et combien ils sont… »

Pollution sonore en mer

Certains estiment qu’il y aurait 400 cachalots évoluant de manière régulière au large de Toulon. Mais ces données restent aussi parcellair­es qu’évasives. C’est pour cette raison que la mission suscite autant d’espoirs du côté de la communauté scientifiq­ue. Le but de cette première sortie officielle pour le Sphyrna était notamment d’étudier les éventuels impacts de la pollution sonore sous-marine sur le comporteme­nt des cétacés. « Mais à ce niveau aussi, résume François Sarano, on dispose de très peu de données. En fait, on n’a aucune idée de ce qui se passe vraiment en Méditerran­ée… »

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(Photos G. A.) Le drone est capable d’embarquer une tonne de matériel scientifiq­ue à bord.

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