Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
La fin de vie des sous-marins lanceurs d’engins
Le 11 septembre a commencé leur déconstruction à Cherbourg. Un chantier qui servira d’exemple pour les 6 sous-marins nucléaires d’attaque basés à Toulon, petit à petit remplacés par les Barracuda
Tout le monde a encore en mémoire le spectacle désolant de ces vieux sous-marins russes pourrissant dans la base secrète de Mourmansk, dans le Grand Nord russe. Un véritable « Tchernobyl flottant », en passe d’être dépolluée grâce à la coopération internationale. Heureusement, la France n’est pas l’ex-Union soviétique. Et si, depuis 1996, cinq des six sous-marins lanceurs d’engins (SNLE) de la classe Le Redoutable (1) sont progressivement venus s’entreposer dans le port militaire de Cherbourg dans l’attente de leur démolition totale, aucune fuite radioactive n’a été à déplorer. « Il ne faut pas se fier aux apparences. Si les coques sont maculées de déjections d’oiseaux, voire de rouille, elles ont toujours été surveillées de près, entretenues pour éviter toute voie d’eau ou fuite de liquide », assure Bertrand Guy, responsable de la communication de la Direction générale de l’armement (DGA).
Le réacteur préalablement retiré
Une surveillance maintenue même après le démantèlement du dernier de la série L’Inflexible en 2015, c’est-àdire le retrait du réacteur nucléaire. Les cinq « bateaux noirs » ne présentant plus aucun risque radiologique, leur déconstruction a commencé le 11 septembre dernier. Premier condamné à la disparition complète : Le Tonnant, désarmé en 1999. D’ici 18 mois, ce SNLE, cinquième de la série, qui, vingt ans durant, a assuré la permanence à la mer de la dissuasion nucléaire, aura complètement disparu. Les autres suivront jusqu’en 2027. « Pour l’industriel, il était important d’attendre que les cinq SNLE soient tous amputés de leur chaufferie nucléaire afin de pouvoir bénéficier de l’effet de série », explique Bertrand Guy.
Valorisation des métaux
Le marché de la déconstruction, estimé à quelque 120 millions d’euros pour les cinq SNLE, a été tout naturellement confié au Français Naval Group. « Pour une telle opération, des plans sont nécessaires. On ne pouvait donc pas confier la déconstruction des SNLE, bâtiments sensibles car liés à la dissuasion de notre pays, à un autre industriel que Naval Group », confie le responsable de la communication de la DGA. « Pionnier des technologies navales sous-marines, Naval Group maîtrise l’ensemble du cycle de vie des SNLE : construction, réalisation, entretien/modernisation, démantèlement et déconstruction », s’est félicitée Nathalie Smirnov, directrice des Services de Naval Group, lors de l’entrée au bassin du Tonnant, le 11 septembre dernier. Le chantier, auquel participeront également les soustraitants Veolia et Neom (filiale de Vinci, spécialisée dans le désamiantage), se veut exemplaire. « La forme Homet a été transformée en Installation classée pour la protection de l’environnement », précise Olivier Lezin, directeur du programme de déconstruction des sous-marins pour Naval Group. Particularité de cette déconstruction : « La coque sera découpée en tranches horizontales, servant ainsi de réceptacle à d’éventuelles fuites de liquides », explique encore Olivier Lezin. Quant aux métaux récupérés – 800 tonnes de plomb, 1 000 tonnes de métaux nobles (cuivre, inox), 2 000 tonnes de métaux ferreux et 1500 tonnes d’alliage – ils seront revendus. « L’objectif affiché est de valoriser 87 % de la masse. En fonction des cours, on pourrait récupérer quelques millions d’euros», confie Bertrand Guy. Si la déconstruction de ces cinq SNLE est un succès, le modèle de chantier pourrait être reproduit pour les six sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de type Rubis basés à Toulon et qui seront progressivement remplacés par les Barracuda à partir de 2020.
1. Premier de la classe des SNLE de première génération à laquelle il a donné son nom, Le Redoutable a été transformé en sous-marin musée en 2002. Il est visitable à La Cité de la Mer à Cherbourg.