Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
C. Lanfranchi, sénatrice au service des communes
Voilà désormais un an que Christine Lanfranchi-Dorgal a choisi de céder son fauteuil de maire de Saint-Maximin – sans trop s’en éloigner pour autant – pour celui de sénatrice… L’occasion de faire un premier bilan sur sa vie de parlementaire au Palais du L
La loi sur le non-cumul des mandats et sa présence sur la liste LR lors des sénatoriales de 2014 ont valu à Christine Lanfranchi-Dorgal un siège de sénatrice du Var, pour un mandat de trois ans, au Palais du Luxembourg. Un an après avoir entamé ce nouveau mandat électoral, tout en restant conseillère municipale à Saint-Maximin, elle dresse un premier bilan.
Découverte du Sénat ?
Je ne connaissais pas ce monde de l’intérieur. Cette institution est d’une densité incroyable, d’une grande richesse. J’ai pu apprécier la qualité du travail réalisé là-bas. Une année a tout juste été suffisante pour l’observer, comprendre ses ressorts, quels leviers y activer pour aider les Françaises et les Français, à commencer par les Varois…
Comment “mettre à profit le Sénat” pour les territoires varois ?
Toutes les lois sont discutées au Sénat. Il y a donc une réelle corrélation entre l’institution et les préoccupations de nos vies quotidiennes. Et puisque je tiens absolument à rester une élue du terrain, du territoire, les élus locaux, associations, entreprises, institutions, citoyens, etc, me sollicitent sur des thématiques très diverses : la formation, les déserts médicaux, le handicap, les anciens combattants, la jeunesse, la scolarité, l’élevage des poules pondeuses en cage… Tout ce sur quoi on me sollicite. Et je les invite à le faire encore et encore !
Vous considérez rester avant tout une élue locale ?
Tout à fait ; je travaille à SaintMaximin, comme je m’y étais engagée, de la même manière que lorsque j’étais maire. Je considère d’ailleurs qu’il faudrait rétablir les mandats de sénateurmaire et de député-maire. Cela permet une unicité entre les institutions parisiennes et les territoires. Cette incompatibilité est une hypocrisie.
En termes d’emploi du temps…
On peut très bien exercer ces deux mandats. En s’organisant, c’est faisable. Évidemment, cela demande des sacrifices sur la vie privée. Mais vous savez, ces engagements politiques sont basés sur une profonde passion, une réelle volonté de faire avancer collectivement les choses…
Question volontairement provocatrice par rapport à un débat récurrent depuis l’avènement de la Ve République : le Sénat n’est donc pas inutile ?
Il est toujours très décevant, voire choquant, d’entendre des débats sur l’inutilité de mandats de la République. L’écosystème politique “élu plus fonctionnaire” est particulièrement opérationnel en France. Le savoirfaire des fonctionnaires et l’enthousiasme des élus représentant le peuple se complètent très bien. Dans le même état d’esprit, la navette législative entre les chambres basse et haute fonctionne bien, et donne de l’équilibre. Le bicamérisme permet une lecture très fine de la loi.
Les élus sont, à vous entendre, trop critiqués…
Il faut défendre les élus. Dans leur immense majorité, ils s’engagent par passion, et avec le souci de travailler pour les autres, de défendre l’intérêt général. Ils sont trop souvent caricaturés, stigmatisés. Qu’on arrête de dire qu’ils sont “là pour se remplir les poches”, c’est faux ! De manière générale, je rêve que l’on arrête d’opposer les jeunes aux vieux, le public au privé… Que notre société repose davantage sur le dialogue, l’écoute, le respect… Cela peut sembler candide, dit comme ça, mais c’est ce qui me guide. Et pour en revenir aux élus, il faut évidemment les respecter. Sinon comment voulez-vous ramener la population aux urnes ?
En termes d’opposition, pourtant, le clivage politique reste prégnant… Où vous situezvous par rapport à ça ?
C’est compliqué… C’est un crèvecoeur quand la politique n’est là que pour servir des intérêts personnels… Pour ma part, je suis apparentée “Les Républicains”, et je me dois d’être loyale, puisque c’est à ce parti que je dois mon élection au Sénat. Pour autant, je n’ai pas l’instinct grégaire, et il faut savoir exprimer ses positions personnelles… Il faut de la gravité, notre mission est importante, nos votes engagent tant de personnes. Et il faut aussi avoir de l’humilité, si l’on a des convictions, il est parfois difficile de dire qui a raison ou tort à l’avance…
Le gouvernement envisage de revoir à la baisse le nombre de parlementaires, y êtes-vous favorable ?
Non… Une réflexion simpliste peut me conduire à penser que “certains élus ne servent à rien”. Mais maintenant que je suis sénatrice, je vois tous les jours l’énorme travail de représentativité mené par les parlementaires… Je me demande même s’il n’en faudrait pas davantage ! (rire) Non, je ne suis pas pour réduire le nombre de parlementaires, ce qui ne signifie pas qu’il ne faut rien changer… Quels changements prôneriezvous ? Cela peut sembler à la fois candide et présomptueux, mais il faudrait une vraie révolution, en profondeur, des mentalités politiques. Moins de clivages partisans… Que chacun soit capable de voir ce qu’il y a de bon dans les autres camps politiques… Et puis, le calendrier électoral pèse trop lourd. Peutêtre serait-il bénéfique de rallonger la durée du mandat présidentiel, en le limitant à deux maximum ? De manière générale, limiter les mandats dans le temps me semble une bonne chose, utile au renouvellement indispensable…
Aujourd’hui, le travail des parlementaires peut également être jaugé () à l’aune de leurs présences, interventions, amendements, propositions de lois, etc.
Cela ne signifie pas grandchose… Si l’on cède à ce genre de pression du chiffre, on fait quoi ? On finit par parler pour parler, par déposer un amendement juste pour gonfler sa statistique… J’en vois en effet qui, sur leurs smartphones, semblent obsédés par leur “classement”... Quand j’échange, à Saint-Maximin ou ailleurs, toutes les semaines, avec des interlocuteurs de terrain pour faire remonter leurs doléances, cela rentre dans quels tableaux ? Je me suis engagée au Sénat, pour un demi-mandat, pour trois ans. Avec l’humilité, et la volonté de faire de mon mieux, ce que je m’attelle à faire chaque jour. Je ne me préoccupe pas des statistiques…
Vous prenez goût à votre mandat de sénatrice ?
C’est passionnant, c’est vrai, mais pas au point de continuer. La loi m’impose un choix ; je me suis engagé à Saint-Maximin en tant que maire en car, sans prétention, j’avais le sentiment que l’on avait besoin de moi. J’y reviendrai aux prochaines élections municipales, en , avec plus de force, et une connaissance plus forte du fonctionnement des institutions, que je pourrai mettre à profit pour nos territoires…
Quel regard portez-vous sur la politique du gouvernement ?
Je la respecte, tout simplement car c’est le choix des Français. Pour le reste, il est bien trop tôt pour la juger, ils ne sont au pouvoir que depuis un an, il faut les laisser travailler…
Vous avez tout de même un avis sur les réformes entreprises ?
Certaines me plaisent, d’autres moins… La hausse de la CSG, par exemple, est une mauvaise chose. On continue de “taper” fiscalement sur les classes moyennes, qui finiront, à ce rythme-là, par disparaître. Il faut trouver d’autres solutions, être plus inventifs. En termes de sécurité, je regrette aussi la mauvaise habitude prise par l’État de se défausser sur les collectivités : il s’agit bien d’une compétence régalienne. J’estime aussi qu’il faut mettre un terme à la déprofessionnalisation du service public, avec un mépris sous-jacent du fonctionnaire induit. Enfin, la mort annoncée des communes, vers laquelle on semble avancer irrémédiablement, serait une catastrophe d’un point de vue démocratique. Il faut arrêter de vouloir tout centraliser, tout diluer dans d’énormes systèmes éloignés du citoyen… Les Français ont souvent le sentiment que “tout se fait sans nous”, et ce genre de positions y participe évidemment.
Comment imaginez-vous les deux années de mandat qu’il vous reste ?
Je les espère aussi riches que la première. Et j’invite encore la population à me solliciter si besoin !
‘‘ Il faudrait rétablir les mandats de sénateur-maire et de député-maire.” ‘‘ La mort annoncée des communes serait une catastrophe.” ‘‘ Encore trop tôt pour juger l’action gouvernementale. Laissons-les travailler.”