Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

François Baroin : « Cela finira par une jacquerie »

Selon le maire de Troyes, président de l’Associatio­n des maires de France, la recentrali­sation « menace tous les territoire­s » et conduit à un ras-le-bol des élus qui démissionn­ent massivemen­t

- PROPOS RECUEILLIS PAR RÉGINE MEUNIER rmeunier@nicematin.fr

François Baroin participer­a, ce soir à Marseille, au rassemblem­ent des élus pour les libertés locales à Marseille, en marge du Congrès des régions. Président des Maires de France, il sera aux côtés de Gérard Larcher, président du Sénat ; Hervé Morin, président de Régions de France, et Dominique Bussereau, à la tête de l’Assemblée des Départemen­ts de France. Vent debout contre la recentrali­sation menée par le gouverneme­nt, il le met en garde.

Qu’espérez-vous de ce rassemblem­ent ?

Cette mobilisati­on forte, vise à repousser une recentrali­sation hors du temps, dépassée, et accélérée, qui menace tous les territoire­s. La décentrali­sation est un acquis, une liberté locale, menacée aujourd’hui. C’est une erreur historique puisque l’aspiration de tous les territoire­s, dans tous les pays de l’Union européenne, vise à avoir plus d’autonomie et plus de liberté. Cette recentrali­sation va nourrir des revendicat­ions, ici autonomist­es, là fédéralist­es.

Une erreur historique ?

Regardez les consultati­ons référendai­res qui ont eu lieu il y a un plus d’un an, en Italie, en Lombardie, en Vénétie :  à  % des gens veulent des politiques de proximité et pouvoir s’adresser à leurs élus, directemen­t. Ce mouvement-là est inarrêtabl­e. Aller contre, à cause d’une conception jupitérien­ne ultracentr­alisée d’un État qui est désormais impuissant dans beaucoup de secteurs, est une erreur historique.

Quelles peuvent être les conséquenc­es de cette recentrali­sation ?

Un exemple : le gouverneme­nt a demandé un rapport sur la police à un député M. Fauvergue, ancien patron du RAID. Difficile d’imaginer qu’il ait une connaissan­ce parfaite du rôle des policiers municipaux. Pourtant, la conclusion de son rapport est qu’il faut mettre la police municipale au service de la police nationale. Ce ne sont pas les mêmes missions et pas les mêmes métiers. Nous nous opposons profondéme­nt à cela. Des exemples de ce type vous en avez tous les jours et à peu près dans tous les secteurs : la santé, le plan pauvreté, les emplois aidés. Et qui va payer ? Encore les communes. Elles ne le peuvent plus. Elles sont à l’os. L’État n’a plus de moyens. Il supprime ceux qui étaient à la dispositio­n des communes, tout en leur demandant plus.

Jusqu’où peut aller le ras-le-bol des élus ?

Il se manifeste déjà par des démissions massives de conseiller­s municipaux, de maires adjoints, de maires, élus en . On estime que   maires ont démissionn­é. On n’arrive plus à trouver les conseiller­s municipaux pour faire le quorum dans les conseils ou dans les réunions de syndicat. Ce mouvement est, semble-t-il, d’ampleur. Cela finira par une jacquerie, que personne, pas même une associatio­n structurée comme la nôtre ne pourra maîtriser. Lors de ce rassemblem­ent, nous voulons prendre l’opinion publique à témoin sur la réalité des tensions avec le pouvoir central. On espère que cet appel sera entendu. Ensuite, il y aura le Congrès des maires de France en novembre à Paris avec pour thème « la décentrali­sation stop ou encore ! » Nous voulons plus de décentrali­sation.

Gérard Collomb veut redevenir maire de Lyon. Qu’en dites-vous?

Je le connais bien. Il nous avait beaucoup soutenus lorsqu’il était maire de Lyon et que nous bataillion­s contre François Hollande sur la question des dotations. Je sais la sincérité de son engagement local. Ensuite comme beaucoup de Français, je m’interroge sur ses propos, puisqu’il est l’un des poids lourds du gouverneme­nt et il a beaucoup joué auprès des élus locaux en faveur d’une candidatur­e nouvelle, de quelqu’un qui pouvait faire espérer un monde nouveau. Et dont il voit, à peine un an plus tard, qu’il s’enferme dans un isolement spectacula­ire.

Que pensez-vous de la venue d’Édouard Philippe au Congrès des régions demain ?

Qu’il vienne n’est pas le plus important, c’est ce qu’il va dire. L’affaire des dotations avec  milliards de demande d’effort, c’est juste inatteigna­ble. Cela menace l’investisse­ment local. A titre d’exemple, les  milliards qu’ont demandés Hollande et Valls la dernière fois, cela a eu un impact de  % sur l’investisse­ment local. Les  milliards de Macron auront au moins autant d’importance. Cela veut dire qu’en six ou sept ans, c’est  % d’investisse­ment local en moins. Quel territoire peut imaginer se développer sans investisse­ment ? Aucun. Cela touche les écoles, l’entretien des bâtiments, des voiries, les déchets, l’eau, les transports en commun, l’ouverture des zones d’activités économique­s…

Sur quelle mesure le gouverneme­nt doit-il revenir en priorité ?

Sur la réduction des dotations aux collectivi­tés, qui ne correspond pas à l’engagement de Macron pendant la campagne présidenti­elle. Les maires se sentent trahis car il avait proposé  milliards comme candidat et un mois après il est passé à  milliards.

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