Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Découvrez si votre plage se réduit ou s’agrandit
L’érosion du littoral a fait disparaître 30 km2 de terres en France en seulement 50 ans. Qu’en est-il dans le Var ? L’appli Rivages permet de tracer la limite entre terre et mer avec votre smartphone
Si vous voyez un baigneur se promener, smartphone en main, le long de la plage, les yeux rivés sur le sable, c’est peutêtre qu’il vient de télécharger l’application Rivages(1). Créée par les scientifiques du Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), elle permet aux citoyens de mesurer l’évolution de la limite entre la terre et la mer. Objectif : obtenir une base de données au fil des saisons sur l’érosion des plages afin de mieux gérer ces zones fragiles.
Bétonisation de la côte
La mer grignote le littoral. Sous l’effet de la hausse du niveau des océans et des activités humaines, 20 % du trait de côte est en recul. En 50 ans, 30 km2 de terres ont ainsi disparu en France. « Le littoral bouge beaucoup, et l’homme a voulu le figer, pose Frédéric Pons, ingénieur expert inondations et aléas côtiers au Cerema. On a construit trop près de la mer. » Les vues aériennes de la côte entre les années 1960 et aujourd’hui témoignent de la « bétonisation » du littoral : routes, aéroports, habitations ont été édifiés en bord de mer. Zones portuaires et digues fixent artificiellement la côte et perturbent les dérives marines et les flux de sédiments. Or, si elles représentent moins de 5 % du littoral de Haute-Corse ou des Landes, cette part est en revanche supérieure à 30 % dans les Alpes-Maritimes et le Var. « Quand on aménage des barrages ou des seuils sur les fleuves, on diminue aussi l’apport en sédiment, relève Frédéric Pons. En montagne dans les périodes où l’on coupait beaucoup de bois, l’érosion des sols était plus importante, et donc les fleuves charriant davantage de matériau vers la mer, on a observé une progression des plages. » Comme l’explique de son côté Gil Bernardi, président du Syndicat des communes du littoral varois (SCLV) et maire du Lavandou, « le phénomène varie selon plusieurs paramètres : la typologie de la plage, la courantologie, l’exposition notamment au courant Ligure et aux tempêtes d’Est ou de Labé (au sud) Et dans une même commune, précise l’élu, certaines plages sont fortement touchées, d’autres pas, ou beaucoup moins. » Aujourd’hui, les principaux secteurs qui reculent sont les fins cordons sableux de la presqu’île de Giens, de nombreuses baies et anses de la Côte d’Azur : la CroixValmer, Ramatuelle, Grimaud, Fréjus, Cannes, Antibes, Nice, Villefranche-sur-Mer ou encore Èze et Menton…
Des mesures au fil des ans
Au Cerema, on est donc particuclièrement attentif à l’évolution du trait de côte. « Mais le problème, regrette Frédéric Pons, c’est qu’on ne dispose aujourd’hui que d’une mesure par an. Pour avoir une meilleure vision de la situation en fonction des saisons, il en faut une dizaine. » Afin de récolter un maximum d’informations et compléter les 6 220 km de trait de côte digitalisés par le Cerema, les scientifiques ont eu l’idée d’associer les citoyens à la surveillance de l’érosion du littoral. Ils ont donc conçu l’application Rivages (disponible gratuitement sur Android).
À quoi ça sert ?
Pour l’instant, l’appli lancée en 2016, a couvert 500 km de littoral, grâce à la participation d’une quarantaine de personnes. Dans les Alpes-Maritimes, les contributions se limitent pour l’instant à quelques relevés à Antibes et Golfe-Juan, et dans le Var : Cavalaire et Porquerolles. Les scientifiques du Cerema espèrent embarquer le plus grand nombre de citoyens dans l’aventure, et ainsi compléter la carte de l’évolution du trait de côte, qu’ils élaborent notamment grâce aux photos anciennes et aux images satellites. « En accumulant des relevés sur une zone, dans la durée, on pourra mieux observer le phénomène d’érosion. Par exemple, en Camargue, grâce aux contributions des citoyens, on a vu un recul depuis 2016, d’une dizaine de mètres par endroits. » Et l’ingénieur de poursuivre: «le fait de voir les évolutions du littoral autour d’aménagements, ou dans les secteurs où les collectivités procèdent à des engraissements de plage, permet aussi d’en mesurer les effets. De comprendre les processus pour éviter de faire des bêtises. » Grâce à ces précieux relevés, le Cerema pourra ainsi « prendre des décisions plus éclairées. »
Déséquilibres environnementaux
Car certaines mesures de protection peuvent créer de nouveaux déséquilibres. Dans un récent rapport, l’Institut français de l’environnement met effectivement en avant l’impact d’aménagements « perpendiculaires aux côtes : ils piègent les flux transversaux de sédiments et provoquent l’accumulation de sédiments en amont. En résolvant localement le problème d’érosion, ils peuvent nuire aux plages en aval des courants en les privant de ces matériaux et repoussent parfois le problème plus loin sur la côte. » D’où l’importance, selon Gil Bernardi, de développer « une gestion globale du phénomène érosif » .En favorisant notamment « la reconstitution des systèmes dunaires, la préservation des herbiers de posidonies et les récifs immergés (souples et réversibles) qui n’enlèvent rien au littoral environnant. Mais qui, au contraire, maintiennent l’existant. » Mais, pour cela, l’édile rappelle que « la problématique de l’érosion des plages ne pourra être enrayée, voire stabilisée, qu’avec une approche globale, incluant la mutualisation des expériences communales, de leurs études et de leurs moyens, comme par la gestion entière des « casiers » sédimentaires côtiers… » 1. Disponible sur la plate-forme Android.