Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Le médecin a une phobie administrative et fiscale
Se disant accaparé par son activité professionnelle, un médecin varois de 61 ans a été condamné hier à Toulon pour fraude fiscale. Huit mois avec sursis – et encore de grosses pénalités à payer
Trois ans de fraude fiscale « pure et simple », voilà ce qui est reproché à un médecin de l’aire toulonnaise qui a comparu hier matin à Toulon. À l’audience, l’homme argumente pied à pied. « Je suis submergé par la lourdeur administrative liée à mon activité professionnelle .»Ce médecin généraliste de 61 ans oeuvre dans un quartier difficile, une cité de l’aire toulonnaise, depuis vingt ans. Conformément aux réquisitions, le tribunal l’a condamné à huit mois de prison avec sursis.
« J’ai sombré »
« Phobie administrative. » Ce condensé du dossier est aussitôt nuancé par le prévenu : «Je suis sur-occupé par ma profession, je travaille dans une cité sensible, je suis débordé», répète-t-il, tout en fustigeant « la lourdeur de la paperasse » que son exercice lui impose. Il l’assure : « Je n’ai pas voulu éluder l’impôt, je me suis senti asphyxié par tout cela. Majoration après majoration, j’ai sombré ». Les sommes en jeu sont assez substantielles, le redressement fiscal atteint 164 000 € pour les trois années blanches, sans compter les majorations, qui elles, restent encore à payer.
« Volonté farouche »
« Quels sont vos revenus annuels, Monsieur ? » Le prévenu ne sait pas répondre. Toujours avec la même justification : « Je suis débordé.» Pourtant, il lui est arrivé de s’intéresser à la matière fiscale, puisqu’il perçoit des loyers pour trois biens immobiliers acquis en « placements défiscalisés », note le procureur. « La phobie administrative n’est pas une justification pour une infraction pénale, poursuit le ministère public. Ce n’est ni de la légitime défense, ni un état de nécessité. Ce comportement relève de la volonté farouche de ne pas payer l’impôt.»
« Un animal dans les phares »
La défense se place sur le terrain… du terrain justement. « Ses conditions d’exercice expliquent les faits. Beaucoup d’heures de travail. Une grande proportion de patients avec la CMU. Il se déplace au domicile. » Dans le type de quartier où le médecin exerce, «le Samu de Toulon porte des gilets pare-balles », commente encore son avocat, Me Joseph Méot. Face aux difficultés administratives, le docteur « s’est retrouvé comme un animal dans les phares d’une voiture. Il a lâché prise ». En ce qui concerne le manque à gagner, «le fisc a fait des prélèvements sur ses comptes bancaires. Il est déjà puni par les majorations qui s’élèvent à 40 % des sommes, c’est considérable ». Le médecin persiste à se déclarer de bonne foi. « Il fallait que je choisisse entre mes patients et les procédures de tiers payant », assène-til une dernière fois. Aux pénalités fiscales et à la prison avec sursis, le tribunal a ajouté une amende de 5 000€.