Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Du « et-et » au « ni-ni »

- CLAUDE WEILL Journalist­e, écrivain et chroniqueu­r TV edito@nicematin.fr

Impression de déjà vu. Au plus bas dans les sondages, le président de la République en quête d’un second souffle s’adressera bientôt à la Nation. « Macron peut-il reconquéri­r l’opinion ? », s’interroge la presse. Remplacez Macron par Sarkozy et vous êtes en . Par Hollande, et vous voilà en . Causes différente­s, mêmes effets. Y aurait-il une malédictio­n de l’Elysée ? En France, l’opinion ne fait jamais crédit très longtemps. Seize mois après le grand chamboule-tout, la défiance est de retour. Un climat s’est installé, fait de désenchant­ement et d’inquiétude­s, et qui se nourrit de tout : l’affaire Benalla et la vacance de M. Hulot, les interrogat­ions sur la retenue à la source et le couac Collomb, les  km/h et l’Aquarius, la hausse de la CSG et celle, annoncée, du tabac et de l’essence. Tout ce qui fait le fil de l’actualité, quand il suffit d’un écart verbal de Macron devant un chômeur pour chasser le plan pauvreté de la « une » des journaux. Ce n’est pas seulement un problème de com’, ou de pédagogie, comme on se plaît à le croire dans la majorité. Ce que révèlent les sondages est plus profond : c’est un doute sur le cap suivi. C’est une impatience croissante devant le manque de résultats. C’est un scepticism­e quant à la capacité de l’exécutif de mener à bien les réformes promises (chômage, retraites), et désormais peutêtre redoutées autant qu’espérées. Ne s’en étonneront que ceux (nombreux dans l’équipe au pouvoir) qui ont cru que nous avions changé de France en mai . L’improbable victoire à la présidenti­elle d’un bizuth politique sur les décombres du « vieux monde » a nourri trois idées fausses. La première, c’est que la France serait désormais convertie à cette politique de réforme, d’inspiratio­n libérale, que la plupart de nos voisins ont menée avant nous, et devant laquelle elle se cabre depuis vingt ans. En fait, les Français ont moins adhéré aux propositio­ns de Macron qu’ils ne s’y sont ralliés… sous bénéfice d’inventaire : à condition qu’elles marchent. La deuxième, c’est que les Français seraient devenus un peuple pragmatiqu­e et « centriste », adepte de la politique du juste milieu (celle pour laquelle plaidait jeudi soir Edouard Philippe). Non, il est plus clivé que jamais, fiévreux, et tenté par les extrêmes. La troisième, c’est que le clivage gauche-droite serait périmé. Non, le « moment » Macron a correspond­u à celui où, constatant les échecs successifs de la droite et de la gauche, les Français ont eu envie d’essayer « autre chose » : une politique qui ferait la synthèse, ou prendrait le meilleur de l’une et de l’autre. Le fameux « et-et » macronien. A l’heure des déceptions, le clivage reprend vigueur et se transforme en piège pour un Emmanuel Macron forcément trop à droite pour la gauche (sur l’économie et le social) ; trop à gauche pour la droite (sur le sociétal et le régalien). Un président « ni-ni », dont le socle tend à se réduire à l’électorat En Marche pur sucre. Avec cela, et un groupe de députés assez discipliné, on peut gouverner. Pour transforme­r le pays, c’est un peu court. Macron ne l’ignore pas. « Aidez-moi », a-t-il lancé aux Antilles, comme pour conjurer la réputation d’arrogance qu’on lui a faite. L’appel était inédit ; et dans sa bouche, assez insolite. Qui aurait imaginé Jupiter humble ?

« A l’heure des déceptions, le clivage reprend vigueur et se transforme en piège pour […] Macron. »

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