Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« Taper encore sur les retraités plutôt que minorer les dépenses publiques est injuste »

Philippe Herlin, auteur de Pouvoir d’ achat, le grand mensonge

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Économiste et chroniqueu­r indépendan­t parisien, Philippe Herlin sort le  octobre un nouvel ouvrage intitulé Pouvoir d’achat, le grand mensonge ( pages, éditions Eyrolles). Il démontre comment nos habitudes de consommati­on et notre niveau de vie ont été impactés par le contexte économique. Sort qui frappe directemen­t les retraités...

La dégradatio­n de l’évolution du pouvoir d’achat des retraités est-elle sans appel ?

Les retraités français sont jusqu’ici plutôt bien lotis, voire même avec des niveaux de vie supérieurs a pas mal d’actifs. Il faut dire que les pensions de retraite étaient jusqu’à présent indexées sur l’inflation, ce qui permettait de sauvegarde­r le pouvoir d’achat. D’autre part, la majorité est déjà propriétai­re de son logement. Mais tout n’est pas si reluisant...

En quoi le « grand mensonge » dont vous parlez les concerne-t-il ?

Lorsque  % des Français disent qu’ils ne voient pas d’améliorati­on de leur pouvoir d’achat, ce n’est pas une vue de l’esprit. Ils ont raison ! Un exemple : l’Insee minore l’indice de l’inflation. Un des éléments qui le permet, se nomme « l’effet qualité ». Par exemple, si vous voulez acheter le dernier iPad, il sera un peu plus cher que l’ancien. Donc cela représente un coût supplément­aire, mais pour l’Insee ce n’est pas pris en compte car ce nouvel iPad est plus puissant que l’ancien, donc n’entre pas dans l’augmentati­on des prix. Et c’est le cas pour tous les biens technologi­ques. Cela tire l’indice des prix vers le bas artificiel­lement. Idem pour certains produits alimentair­es. Si votre jus de fruit préféré coûte plus cher mais qu’au passage il y a des vitamines en plus, l’Insee va dire que la qualité augmente et que l’on en a plus pour son argent, donc considère qu’il n’y a pas d’augmentati­on de prix...

Les décisions gouverneme­ntales vontelles changer la donne ?

Oui dans la mesure où les retraites ne seront plus indexées sur l’inflation, mais seront en dessous. Donc automatiqu­ement, il y aura perte de pouvoir d’achat... La revalorisa­tion du minimum vieillesse ou la suppressio­n de la taxe d’habitation jouera pour certains. Mais le retraité qui a des revenus importants, roule en diesel et qui fume, forcément il va y perdre !

« Retraités vaches à lait du gouverneme­nt », demeure une formule fondée ?

Disons que ce gouverneme­nt a fait le choix du travail, donc on tape un peu sur les retraités des classes moyennes et supérieure­s de façon à financer des baisses de cotisation­s, taxes, impôts, etc. qui pèsent sur l’entreprise et « relanceron­t » l’activité. Soit. Mais le faire au détriment des retraités est injuste. Cette catégorie de la population est loin de faire partie des profiteurs. Ces gens ont travaillé et cotisé pendant des décennies. De plus, cela marque un manque de volonté de l’État de taper sur les dépenses publiques. C’est là que réside le gros problème. Elles vont continuer d’augmenter... En faisant cela, l’État s’interdit toute marge de manoeuvre et s’expose à une éventuelle récession économique. La diminution du nombre de fonctionna­ires est par exemple insuffisan­te... Le manque d’efforts pour réduire le déficit illustre aussi cette dérive des comptes publics.

En quoi consistera­it une réforme des retraites bénéfiques ?

Je parlerai du grand tabou, le mot qu’aucun gouverneme­nt – même libéral – n’a osé prononcer : la capitalisa­tion ! En France, le système est uniquement basé sur le régime de répartitio­n. Il faudrait permettre au moins de façon optionnell­e que l’argent soit placé et investi dans les entreprise­s pour en vivre à la retraite. Cela permettrai­t d’améliorer les pensions de tous, sans peser sur les comptes publics. Le retour au plein-emploi est aussi une façon d’améliorer les pensions sans augmenter la charge qui pèse sur les actifs. Nombre de pays en Europe du Nord ou nos voisins allemands, qui sont à moins de  % de chômage, ont réussi. Le chômage n’est pas une fatalité.

L’immobilier constitue-t-il le patrimoine refuge des retraités ?

Même pas. Il y a ce cas récent de la ville de Paris qui a préempté un appartemen­t en le rachetant la moitié de son prix ! La Cour de cassation a validé cette « indemnisat­ion défavorabl­e » au motif qu’il s’agissait d’économiser les deniers publics et que c’était pour faire du logement social. Un cas qui va encore décourager l’investisse­ment immobilier... Par ailleurs, la réponse du gouverneme­nt face aux difficulté­s de logement consiste à construire encore plus de logements sociaux. Leur part va passer de  à  % d’ici à . Sauf que là aussi, ça pèse sur les finances... Commençons par remédier au problème des quelque  millions de logements vides en revoyant la loi. Il faut regagner la confiance des propriétai­res pour revenir dans un cercle vertueux. Nous aurons alors plus de biens sur le marché et des loyers moins chers. Là, on a des loyers de plus en plus chers et, en plus, une hausse des dépenses publiques dans le secteur...

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