Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Cancer du poumon, l’immunothérapie gagne du terrain
Des biomarqueurs permettant de réduire la chimiothérapie au bénéfice de l’immunothérapie, des mécanismes de résistance aux traitements mieux connus … Le Pr Hofman présente les avancées
On peut « changer le fusil d’épaule » Pr Paul Hofman Anatomo-pathologiste
Les 6 et 7 septembre derniers étaient présents à Nice des médecins du célèbre MD Anderson Cancer Center (Houston, Texas, USA), considéré parmi les meilleurs spécialistes au monde du cancer du poumon, des médecins et chercheurs. Une réunion organisée par le Pr Paul Hofman, dans le cadre d’un partenariat entre ce centre et le CHU de Nice (FHU OncoAge)/UCA, et qui a permis de faire le point sur les dernières avancées thérapeutiques contre cette maladie. Rencontre.
Quelques données clés concernant le cancer du poumon ?
Il diminue légèrement chez l’homme, mais progresse chez les femmes, parfois très jeunes : , ou ans. On retrouve aussi de plus en plus de non-fumeurs parmi les malades ; ils représentent aujourd’hui à % des cas.
Comment explique-t-on ces évolutions ?
Concernant la progression chez les femmes, elle s’expliquerait en partie par le fait qu’elles commencent à fumer très tôt ( ans, contre - ans pour les garçons) et qu’elles ont plus de difficultés à se sevrer. Chez les non-fumeurs, on l’associe à l’allongement de l’espérance de vie (le risque croît avec l’âge, même chez ceux qui n’ont jamais fumé) et probablement aussi à la pollution atmosphérique, considérée un carcinogène de type , au même titre que le tabac. Les cancers du poumon d’origine professionnelle (e cause chez les non-fumeurs) tendent, eux, à se stabiliser.
Quelles sont les principales thérapies contre le cancer du poumon en ?
Lorsque la tumeur est localisée, la meilleure chance de guérison reste la chirurgie. Pour les cancers du poumon avec des métastases, trois grands types de traitements sont proposés : chimiothérapie, immunothérapie (IT) et thérapie ciblée. Ces deux derniers types de traitements sont plus efficaces et mieux tolérés.
Quels traitements et pour qui ?
Pour % des patients diagnostiqués à un stade métastatique, seule la chimiothérapie peut à l’heure actuelle être envisagée. % des patients, répondant à certains critères, sont d’emblée traités par IT et un quart environ des malades, qui présentent certaines mutations, bénéficient de thérapies ciblées.
Les progrès en IT ont suscité beaucoup d’espoir.
C’est légitime. Les choses évoluent à grands pas dans le domaine. Et l’on espère qu’à court terme, de plus en plus en plus de patients, aujourd’hui traités par chimiothérapie, pourront bénéficier d’une immunothérapie en ère ligne.
Pourquoi n’est-ce pas déjà le cas ?
On manque encore de biomarqueurs d’efficacité, permettant de prédire que le malade répondra bien à l’immunothérapie. Mais cela devrait être très bientôt le cas, puisqu’on vient de découvrir un nouveau biomarqueur : la charge tumorale mutationnelle. En clair, on s’est aperçu que les tumeurs répondaient d’autant mieux aux traitements que les mutations étaient nombreuses. Cela s’explique assez simplement : plus une tumeur est mutée, donc agressive, plus forte est un certain type de réponse immunitaire. Et donc l’immunothérapie efficace. Notre laboratoire fait partie des six en France qui valident actuellement ce marqueur, que l’on devrait pouvoir utiliser dès . Et l’on espère que tous les patients pourront en bénéficier.
Les progrès passent aussi par une meilleure compréhension des mécanismes de résistance, dites-vous. Le cancer est très « malin » ; il s’adapte rapidement aux traitements qu’on applique et n’y répond plus. C’est ce que l’on nomme la résistance. Lorsqu’apparaît ce type de phénomène, on peut aujourd’hui « changer le fusil d’épaule », et proposer immédiatement d’autres molécules. Mais, on veut aller plus loin, en essayant de mettre en évidence les mécanismes de résistance très tôt, avant même que la progression de la tumeur ne soit visible sur les radios. Et anticiper ainsi le changement de traitement.
Où en est-on de cette recherche ?
Ces mécanismes commencent à être bien connus pour ce qui concerne les thérapies ciblées et les immunothérapies ; on avance plus lentement sur les résistances à la chimiothérapie.
D’autres progrès ?
Oui, dans le champ de la chimiothérapie. De nouveaux protocoles sont expérimentés qui associent un peu de chimiothérapie et de l’immunothérapie. La chimio permet en quelque sorte « de stimuler » la tumeur et par voie de conséquence la réponse immunitaire contre la tumeur. L’efficacité de l’immunothérapie est alors accrue, avec un pronostic nettement amélioré. Ces protocoles nouveaux devraient arriver dès en France. Plus globalement, et grâce à toutes ces évolutions, on recense aujourd’hui de plus en plus de longs survivants parmi des malades dont le pronostic était récemment encore très sombre.