Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Bien qu’incompatible elle lui fait don de son rein
ABO incompatible, Roselyne donnait il y a 4 ans un rein à son mari, gravement malade. Ce type d’intervention, encore rare, est pratiqué depuis un an au CHU de Nice
Ces deux-là s’aiment, cela ne fait aucun doute. Mariés depuis 34 ans, Roselyne et Philippe ont dû pendant des années mener un combat sans répit contre la maladie. Un combat commun contre la maladie de l’un mais auquel l’autre fait totalement corps. Au sens propre, comme au figuré. En 1974, Philippe a 19 ans. C’est un jeune homme en pleine santé. Sa balance affiche 106 kg – « de muscles». Un an plus tard, il ne pèse plus que 32 kg. Entre-temps, la maladie a fait irruption dans la vie du jeune homme : il est atteint de la maladie de Crohn. «À cette époque, on ne savait pas bien la soigner. » Dès le début des années quatre-vingt, Philippe va subir une première et très lourde intervention chirurgicale. En 84, il commence un traitement par Rowasa, un médicament qui va l’aider à vivre avec sa maladie. Mais qui va détruire ses reins. En 2014, Philippe se retrouve en insuffisance rénale terminale. «Deux ans plus tôt, on avait découvert de façon hasardeuse, qu’il avait perdu un rein sans le savoir», se souvient Roselyne. Et cette année-là, le pire est proche de se produire. « Son deuxième rein s’est arrêté brutalement de fonctionner.» Pas d’alternative : Philippe doit être dialysé. «Cela a duré 6 mois; nous nous rendions trois fois par semaine de Mougins à l’hôpital de Monaco, où il était déjà suivi pour sa maladie de Crohn.» Philippe vit extrêmement mal cette nouvelle situation. Il a mal. Physiquement. Et psychologiquement. Cet homme, jusque-là très actif en dépit de sa maladie qui l’a contraint à l’âge de 38 ans à se retrouver en invalidité, se sent condamné. Le Mouginois ne veut pas lire la pitié dans les yeux des autres. La décision est prise : il est candidat à la greffe. «Il vous faudra patienter au moins 5 ans pour obtenir un rein issu d’un donneur décédé», lui annonce-t-on. « On va trouver une autre solution, je vais te donner un rein», promet alors Roselyne à son mari. «Je lui avais donné mon coeur 30 ans plus tôt, je pouvais aujourd’hui lui donner mon rein!» Mais les médecins sont catégoriques: c’est impossible ; leurs groupes sanguins sont incompatibles (lire ci-contre). Roselyne ne veut rien entendre ; « J’avais décidé de lui donner un rein, pour moi, c’était clair, je le lui donnerai.» L’épouse aimante passe des heures à tapoter sur des moteurs de recherches. Et elle finit par trouver ce qu’elle cherchait. Un médecin, le Pr Rostaing, qui exerce à l’époque à Toulouse réalise des greffes dites incompatibles. Ils le rencontrent, mais Philippe est hésitant. Il a peur pour sa femme. Peur pour l’opération qu’elle devra subir. Peur aussi que l’intervention soit un échec, qu’il ne rejette immédiatement le rein qu’elle lui a offert. Et il va tenter de la dissuader. Mais la décision de Roselyne ne supporte aucune objection : «Je ne voulais pas me dire toute ma vie: j’aurais pu le sauver en lui donnant un rein et je ne l’ai pas fait. » Pas un instant, Roselyne n’envisage de chercher un donneur parmi les autres membres de la famille. «Il n’était pas question de demander à quiconque d’autre que moi. Je me disais: on se mélange depuis tellement de temps, il n’y a pas de raison, que là, ça ne marche pas!», confie-t-elle dans un éclat de rire. Et ça a marché. Quatre ans se sont écoulés. Le couple vit très bien, chacun avec un rein. «On fait du sport ensemble, je le suis partout, je suis son ange gardien.» Et lorsque l’on s’aventure à les questionner sur l’impact de cette expérience sur leur relation, la réponse de Roselyne est lapidaire. «Aucune! Et il n’y a pas de dette de l’un vis-à-vis de l’autre. C’est un don. C’est son rein, pas le mien!»
« C’est son rein, pas le mien!»