Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Adolescence : quand la crise devient pathologique Psycho
Cette période de transition entre l’enfance et l’âge adulte est parfois redoutée par les parents. Elle se déroule souvent sans heurts mais parfois elle fait apparaître des failles
Il y a celle qui ne veut plus que sa mère la dépose devant le collège mais plutôt au coin de la rue (voire de l’autre côté du pâté de maison). Il y a celui qui passe des heures enfermé dans sa chambre à jouer à la console ou encore celui qui rechigne à répondre à la moindre question. L’univers merveilleux de l’adolescence est souvent un cassetête pour les parents, qui assistent, désarçornés, aux réactions inhabituelles de leur progéniture. « L’adolescence, c’est une période pendant laquelle l’individu essaie de s’adapter à tous les changements qui lui arrivent, que ce soit au niveau physique ou psychique. Elle est essentielle dans la formation de l’identité. La manière dont elle est vécue dépend de nombreux facteurs, la personnalité, l’environnement … », résume le Dr Iréna Cussac, psychiatre exerçant en libéral et au Centre hospitalier Princesse-Grace de Monaco. « L’entourage doit s’adapter en ayant conscience que c’est une deuxième période du “non” après celle qui intervient à l’âge de 2-3 ans. A la puberté, l’enfant devient adulte en s’émancipant, pour cela, il a besoin de dire non à ses parents qui doivent malgré tout l’accompagner ! », ajoute le Dr Mona Stoian, également psychiatre au CHPG. De nombreuses familles connaissent ainsi des frictions qui sont normales même si elles apparaissent pénibles pour les parents. Toutefois, il arrive qu’une grosse crise survienne. Qui s’accompagne de cris, de disputes et de beaucoup d’incompréhension, de toutes parts. À tel point que les pères et mères ont l’impression de ne plus reconnaître cet enfant qui a radicalement changé en peu de temps. « On ne peut pas dire que la rébellion manifestée par l’adolescent soit normale,
c’est davantage un signe de difficulté. S’il y a rébellion, il faut essayer de comprendre ce qu’il se passe, ne pas entrer dans un conflit direct, conseille le Dr Cussac. En général, l’intensité du trouble du comportement donne une indication sur ce qui est en train de se jouer: il y a quelque chose qui coince, l’ado ne s’en sort pas, a peutêtre l’impression que ses parents ne l’écoutent pas suffisamment, soit parce qu’ils sont trop laxistes (l’absence de règles et de limites est une grande source d’angoisse) soit parce qu’ils sont trop stricts et manquent de souplesse. » Engager le dialogue peut alors permettre de dénouer certaines situations. Mais cela ne suffit pas toujours. Si la démarche peut être difficile à faire admettre, il peut être nécessaire que l’ado rencontre un professionnel. « Il arrive qu’un jeune consulte spontanément parce qu’il y a des choses dont il ne veut ou ne peut parler devant ses parents. Mais cela reste rare.» À défaut d’un psy, il peut aussi se tourner vers un adulte référent : un professeur, un oncle… « Lorsqu’on reçoit un ado en souffrance, on met en place un travail individuel mais aussi une prise en charge globale de la famille, explique le Dr Cussac. On considère souvent à tort que le trouble de l’humeur est passager et normal. Quand est-il inquiétant ? Lorsqu’on observe certains symptômes (isolement, idées noires, anxiété envahissante, affirmation exagérée avec des conduites d’opposition, etc.), il faut alors aider ce jeune. Pour éviter de le voir développer plus tard des problèmes dépressifs, des conduites addictives, etc. »
Ce qu’elle peut cacher
Mais il arrive que ce que l’on prend pour une crise d’adolescence « cache » en réalité une pathologie plus sévère. « Des maladies psychiatriques peuvent apparaître à l’adolescence. Comme des troubles du comportement alimentaire: c’est un signal fort, l’adolescent n’arrive plus rien à contrôler d’autre que son corps, il est dans l’opposition avec les parents », explique le Dr Stoian. Les parents doivent aussi être alertés s’ils constatent que leur ado s’isole, manifeste des comportements bizarres, a des croyances mystiques, semble percevoir la réalité de façon manifestement modifiée, etc. Ils peuvent être les manifestations d’une psychose, d’une bipolarité, d’un état limite (borderline)... autant de pathologies qui apparaissent à l’adolescence ou se manifestent à cette période. « Il est impératif d’organiser la prise en charge très tôt. Le psychiatre joue un rôle fondamental: il va aider l’adolescent à se rééquilibrer, à bien prendre les traitements car souvent il est dans le déni », souligne le Dr Cussac. En résumé, tout comportement extrême doit être pris au sérieux. Il existe plusieurs structures dédiées aux jeunes telles que les maisons des adolescents, les BAPU (Bureau d’aide psychologique universitaire), en plus des cabinets libéraux. Inutile de se dire « ça va passer », dans le doute, il faut s’adresser à des professionnels.
La rébellion est un signe de difficulté Drs Mona Stoian et Iréna Cussac Psychiatres