Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Trouver sa place au travail P
EXPÉRIENCE DANS DES ENTREPRISES DU CENTRE VAR
Sur le chantier de construction d’un édifice religieux au Moyen-Âge, la même question est posée à trois ouvriers, affairés devant leur pierre à sculpter : « Et toi, que fais-tu là ? » Le premier répond, las : « Je taille des pierres »; le second, plus optimiste, lance: « Je réalise une belle oeuvre ». En revanche, le troisième, complètement habité, s’enthousiasme : « Moi, je bâtis une cathédrale ! » Une fable qui permet de comprendre comment est perçue la tâche de chaque salarié au sein d’une entreprise, au regard de sa raison d’être.
« Ce n’est pas facile parce qu’on a la tête dans le guidon tous les jours, mais, en tant que dirigeant, on peut se demander : “Est-ce que les compétences et les connaissances de chaque membre de l’entreprise sont valorisées ?” », interroge François Huet, expert accompagnateur ImmaTerra .« Je travaillais moi-même dans l’hôtellerie à l’étranger lorsque je me suis rendu compte que la logique financière seule ne me convenait plus ». Un constat qui va durablement bousculer son quotidien (et celui de son épouse) en rentrant en France pour changer de paradigme. « Et toi, que fais-tu là? », c’est la question que se sont également posée tous les dirigeants invités à témoigner lundi soir dans les locaux de l’Union patronale du Var à Brignoles, après moins d’un an au centre de formation ImmaTerra.
Gonzague de Borde, responsable Développement chez Mini Green Power, travaille dans une entreprise transformant les déchets verts en énergie. «On avait déjà des succès commerciaux : on a monté une centrale à Madagascar, commencé une autre en Sicile…, explique-t-il. Notre motivation, ce n’est pas de faire des machines pour faire des machines, mais c’est d’apporter à nos clients et aux collectivités plus d’autonomie énergétique, une énergie locale et à l’impact carbone le plus bas ». Une logique la plus éloignée possible des produits à obsolescence programmée. Quand au salarié, il est placé au coeur des préoccupations. « Nous, dans la boîte, on essaie de balayer par le haut. De faire en sorte que le salarié soit également responsable. Les valeurs de confiance, transmission de l’exigence et de sobriété font que, depuis un an, tout le monde semble plus impliqué. »
Philippe Brel, directeur général de la marque Estandon, acquise en 2005, est parti d’une problématique: «« Comment fédérer les 250 viticulteurs, leur donner envie de rester, de s’étendre, pour créer plus de richesse et de satisfaction dans une économie vertueuse ? ». Après quelques mois de travail, un grand pas a été franchi : « Ona fait le choix de privilégier les acteurs plutôt que le… client ! Nos viticulteurs réclamaient de la prospérité, de la pérennité et de la qualité de vie et les salariés ont mis l’accent sur le lien social, la progression, les valeurs et le sens. C’est pour cela qu’aujourd’hui, on affirme jusque sur nos étiquettes qu’on est une “coopérative”. On est tous là pour coopérer. Côté management, je n’ai plus à suivre de très près tout le monde dans la mesure où je suis certain qu’ils partagent le sens général. »
Joël Lauvige, président du groupe Lauvige, centre d’embouteillage. En suivant une conférence de Christophe Sempels (président et directeur scientifique d’ImmaTerra) et sa grande philosophie qui consiste à modifier le modèle économique en se focalisant sur les ressources immatérielles, par définition infinies, par rapport aux ressources matérielles, le quinquagénaire remplit son premier chèque.
« À 57 ans, je suis en phase de transmission des responsabilités du groupe. Que dois-je faire afin de leur donner un outil pour qu’ils puissent se réaliser, répondre aux demandes du marché, supporter les mutations et s’éclater comme je l’ai fait? » Il souhaite aujourd’hui créér un centre d’embouteillage vertueux pour les années à venir, qui rejette le moins d’effluents possibles « et qui fait qu’à terme les clients me préfèrent à un autre. On peut produire sans détruire. Ceux qui doivent décider, ce n’est pas nos hommes politiques, c’est nous, c’est vous. Et maintenant ! »