Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Les infirmières libérales font part de leur colère sur le marché
Hier matin, elles ont sensibilisé le public quant à leurs craintes des répercussions de la réforme Ma santé 2022 sur leur profession, et exprimé un manque de reconnaissance
Vêtues de blouse, un masque autour du cou, équipée d’un stéthoscope ou d’un tensiomètre, des infirmières libérales avaient dressé un étal, hier matin, sur le marché. Contrairement aux commerçants ambulants, elles n’avaient rien à vendre. La seule raison de leur présence était de faire part de leur colère, de sensibiliser le public. D’exprimer un ras-le-bol face à un manque de reconnaissance. D’avertir des répercussions sur leur profession et la prise en charge des patients par rapport à la future mise en oeuvre de la réforme Ma santé 2022. « Nous sommes votre partenaire de soins au quotidien. Aidez-nous à nous faire connaître, aidez-nous à nous faire reconnaître », pouvaiton lire sur le tract distribué. Des mots qui synthétisent leur cri d’alarme. « Le plan santé de la ministre Agnès Buzyn qui doit être mis en place en 2022 vise à supprimer la majorité des actes réalisés par les infirmiers libéraux », martèle Jessie Anglade et Véronique Sion, respectivement présidente et membre de l’association AILCHO (voir par ailleurs).
« La coordination gratuite »
Dans le collimateur de la réforme « tout ce qui est du rôle propre, le nursing, les soins d’accompagnement et de prévention ». Par exemple, toilette, surveillance de pathologie lourde… « et surtout, toute la coordination gratuite que l’on fait entre les patients et leur pharmacien, médecin, spécialiste, kiné, assistante sociale… Les rendez-vous que l’on prend. La ministre veut que ces actes soient délégués aux auxiliaires de vie et aides-soignantes qui coûtent moins cher et sont moins formés. » Une aberration pour les infirmières, «on nous parle de garder les personnes à domicile pour éviter les hospitalisations. Nous avons cet oeil de professionnel qui nous permet de voir les patients dans leur globalité. » La création de 4 000 postes d’assistants médicaux dans le cadre de cette réforme inquiète les professionnelles. «Ils travailleront chez les médecins avec un rôle à mi-chemin entre secrétaire et infirmière. La formation sera financée par l’État. L’État veut créer des maisons médicales et de santé. » Les Maisons de santé justement engendrent aussi des inquiétudes : « la perte de notre autonomie ».« On doit tous se regrouper et les frais sont énormes pour les professionnels qui les occupent. Ces structures, financées par l’ARS, coûtent cher. Il n’y a pas de logique financière. Et nous, on nous reproche de coûter cher. »
«Disponibles heures sur »
D’autres craintes étaient exprimées en ce jour de marché à l’instar d’une lassitude sur un manque de reconnaissance. « Les pharmaciens vont pouvoir vacciner. Il va falloir les former pour faire des injections et ils vont être rémunérés plus que nous. La plupart des vaccins, on les fait gratuitement chez les patients à qui on fait déjà des soins. Il faut aussi que les gens sachent qu’il existe une loi qui nous fait facturer le premier soin à taux plein, le deuxième de moitié et le troisième est offert. » Les conditions de travail sont aussi particulières à leur profession. « Nous sommes disponibles 24 heures sur 24. Depuis 2011, notre nomenclature n’a pas évolué. Notre déplacement est rémunéré à 2,5 euros bruts. Il est de 5 euros pour les kinés et 10 pour les médecins. Avec ces tarifications et rémunérations on ne peut pas plus tirer les ficelles. Le seul moyen de limiter encore les dépenses des infirmiers libéraux, c’est de les dégager complètement de la piste. » Ce qui pour elles « se traduirait, outre la formation du personnel dont il est question et les Maisons de santé, par un engorgement des urgences parce que l’infirmier n’aura pas pu faire le tampon entre la situation critique du patient et le médecin traitant. Quand on repère une situation critique, on met tout en place pour organiser des soins en privilégiant le confort et la sécurité en attendant le médecin qui, lui, mettra en place des actions d’ordre médical. »