Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
POLLUTION AUX HYDROCARBURES: ET MAINTENANT?
François de Rugy s’est rendu sur les lieux touchés par la pollution aux hydrocarbures suite à la collision entre deux navires au large du Cap Corse. Une visite attendue par des élus et une population en quête de réponses...
Le ministre de la Transition écologique et solidaire s’est rendu sur les lieux les plus touchés du Var, suite à la collision entre deux navires au large du Cap Corse. Tout sera mis en oeuvre pour effacer les traces de cette pollution. Les élus attendent des moyens. Les citoyens, des réponses.
Après-midi marathon pour François de Rugy, qui après Ramatuelle, a rejoint le port de Cavalaire pour embarquer à bord d’une navette de la gendarmerie maritime, destination Porquerolles.
Traversée
Durant la traversée le maire d’Hyères, Jean-Pierre Giran, écoutant la description par l’amiral du Ché, préfet maritime, des moyens mis en oeuvre pour les opérations de nettoyage en mer, a souligné «on a l’impression qu’on est au Moyen Âge. Et quand ça arrive sur les plages, c’est cuit ! ». « Plus de trente-quatre bateaux ont été mobilisés successivement, onze avions, et des drones les ont aidés à s’approcher des nappes d’hydrocarbures, a précisé le préfet maritime. Il faut savoir que la tête de la nappe est partie brutalement sur une quinzaine de kilomètres et s’est dispersée. Malheureusement, le vent d’Est, force 5, l’a rapportée jusqu’au courant Ligure qui l’a ramenée jusque sur nos côtes. Sur les 530 m3 qui sont partis au moment de la collision, on en a ramassé 70 %. On a pu le mesurer. Les experts disent qu’environ 20 % se sont évaporés. Il en reste 10 %. On ne peut hélas jamais tout arrêter ». Encore aujourd’hui, deux à trois avions continuent de survoler la mer pour trouver les plaques d’hydrocarbures et orienter vers elles les moyens maritimes. M. Giran a demandé au ministre «d’améliorer la communication avec les communes. On n’est pas conscient de la surveillance qui est faite, de ce déploiement de moyens. Sur le terrain, on a l’impression d’être seuls». François de Rugy a promis «de tirer les leçons » de cette expérience. «Il faut une communication volontariste, selon M. Giran. Porquerolles c’est la capitale touristique du Var. Ça peut être très dangereux économiquement ». François de Canson, maire de La Londe et président du comité régional du tourisme, a souligné que « la Région a voté jeudi une mise à disposition de fonds pour apporter une aide immédiate aux communes ». Les élus souhaitent que l’État s’engage sur le long terme pour aider au nettoyage du premier département touristique de France. «Tous les moyens depuis la collision en mer, et jusqu’à terre aujourd’hui, sont laissés sur place, le Jason , navire qui récupère le mazout, et les vedettes» a précisé le ministre. «Quand vous détruisez de l’environnement, vous détruisez de l’économie. Après, il s’agit ni de minimiser, ni de dramatiser. On regarde la réalité, on la traite, on n’agite pas les peurs. Ce sont des résidus de nappe. Avec les communes, le département, les moyens civils, militaires, la société privée Le Floch dépollution, mandatée par les assurances, les bénévoles, tout sera nettoyé jusqu’à la dernière boulette, même les côtes rocheuses ».
Bord à bord avec le Jason
À quelques encablures de Porquerolles, la vedette de la gendarmerie s’est amarrée jusqu’au Jason, dont le pacha a détaillé le rôle et la façon de procéder: «Au niveau humain, et matériel, tout le monde a poussé ses limites» a indiqué l’officier, s’adressant de bord à bord au ministre. La coque du Jason est à l’arrière, complètement noire d’hydrocarbures…
Avec les Porquerollais
À peine descendu à quai à Porquerolles, François de Rugy était accueilli par des Porquerollais qui l’attendaient de pied ferme. «Ona besoin d’explications, lui a dit Dominique Tessier, président des commerçants. Entre le 7, jour de la collision, et le 17, les arrivées sur la côte, comment en est-on arrivé là? Ça impacte l’activité économique de l’île» .Leministre a pris le temps de répondre, rappelant ce que l’amiral du Ché avait expliqué plus tôt, détaillant l’ensemble des moyens maritimes, aériens et terrestres mis en oeuvre. « Vous aviez dit au début que vous aviez maîtrisé la pollution? » l’a relancé Christophe Bonnet. « Il y a des conditions météo qu’on ne maîtrise pas, lui a-t-il été répondu. Quand il y a du vent, on ne peut pas pomper, et pomper à l’aveugle, ça ne sert à rien ». Autre inquiétude, celle d’Anaïs, sur les quantités d’hydrocarbures qui risquent encore d’arriver… Il y en aurait «de moins en moins », selon l’amiral du Ché. Maxime Prodromides, président du conseil économique social et culturel du parc de Port Cros et habitant Porquerolles, a attiré l’attention du ministre sur « la biodiversité» et a demandé « peut-on attendre une aide financière, vis-à-vis de tous les acteurs ? » François de Rugy a promis que l’État (qui comptabilise déjà plusieurs millions d’euros de frais engagés dans la lutte contre la pollution) restera engagé dans la lutte « jusqu’à la dernière boulette » avec tous ceux qui sont mobilisés et « aux côtés des territoires concernés pour demander des comptes aux responsables. Ils devront réparer et indemniser. Tant que ça ne sera pas restauré, réparé, on ne lâchera pas l’affaire. »
Plage Lequin
La nuit était sur le point de tomber à Porquerolles lorsque le ministre est allé saluer et féliciter les agents municipaux et ceux du Comité communal feu de forêt (CCFF) remontant les derniers sacs pleins de masse visqueuse et noire d’hydrocarbures. Plus d’une trentaine pour la journée, quarante la veille… Les rochers en sont encore plein et le travail est pénible. Il faudra du temps, beaucoup de temps, pour rendre à l’île son envoûtante beauté…