Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Quel impact sur notre moral ?
Professeur à l’université de Nice, Franck Delaunay a pour principal domaine de recherches la chronobiologie. Il nous aide à décrypter le vrai du faux, écorchant au passage quelques idées reçues
Notre organisme est régi par un rythme naturel de heures
C’est la propriété même de notre horloge biologique, régie par un cycle de heures et remise à l’heure par l’alternance jour/nuit. C’est cette horloge qui nous permet de nous désynchroniser après un vol transméridien.
Nous n’avons pas tous le même besoin de sommeil
Il y a deux composantes dans le sommeil. L’une circadienne (cycle de heures), l’autre homéostasique. La première veut que nous dormions la nuit, car nous sommes des animaux diurnes. La seconde est facile à comprendre: au cours de la journée, on accumule une dette de sommeil que l’on rembourse en dormant. Notre besoin de sommeil dépend du niveau de la dette. C’est une régulation constante, avec toutefois des variations individuelles puisqu’il y a des gros et des petits dormeurs. Et même des gens «du matin» et des gens «du soir», si l’on revient à la composante circadienne. Toutes ces caractéristiques, en se combinant, produisent des différences entre les individus.
Le changement d’heure a un effet sur notre organisme
Il y a bien un effet, géré par l’horloge circadienne. Mais il est très léger. Le passage à l’heure d’hiver est ce que nous appelons un « retard de phase » : on se retarde d’une heure. Comme si l’on voyageait d’un fuseau vers l’ouest. De façon transitoire, on note une petite perturbation puisque l’environnement externe change. Mais l’horloge circadienne a précisément pour fonction de nous adapter rapidement. Pour la plupart des gens, une journée suffit pour se resynchroniser.
Les tout-petits sont plus sensibles au changement d’heure
Un sujet jeune a un cycle circadien robuste. Ce qui a tendance à se perdre avec l’âge. Il faut se méfier des idées qui ne sont pas étayées par des tests rigoureux. Ce qui est vrai, c’est que les rythmes biologiques sont un peu différents entre les jeunes enfants, les adolescents et les adultes. Typiquement, les ados ont une phase retardée par rapport aux adultes, ce qui explique leur relative difficulté à se lever tôt le matin.
Passer à l’heure d’hiver est plus facile à assimiler que passer à l’heure d’été
Le fait de se retarder est moins perturbant qu’une avance de phase. C’est tout simple : il est plus facile de se lever à h qu’à h. Mais à partir du moment où notre horloge nous resynchronise à l’heure d’été et qu’on y reste, pas de problème.
Le changement d’heure a une influence sur les animaux
Ils sont comme nous. Le mécanisme de l’horloge biologique est très ancien, on le trouve chez quasiment tout ce qui est vivant, bactéries incluses. Tous les mammifères ont quasi exactement le même système que nous et sont donc équipés de la même façon pour y répondre.
Ce décalage peut jouer sur l’appétit ou sur l’humeur
C’est très subjectif, mais on sait que le moment où l’on s’alimente a une influence sur l’horloge circadienne. Quant à l’humeur, il s’agit surtout d’une problématique de photopériode. Les populations bien éclairées, comme ici dans le sud de la France, ont des taux d’incidence d’épisodes dépressifs inférieurs à ce que l’on rencontre dans le nord.