Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Le nickel au centre de l’autonomie du territoire

- SAMUEL RIBOT/ALP

De tous les territoire­s français de l’outremer, la Nouvelle-Calédonie est le seul à pouvoir s’appuyer sur un secteur industriel de poids. Avec près d’un quart des ressources mondiales de nickel, et une production annuelle de minerai de l’ordre des 200000 tonnes qui la place au niveau de l‘Australie ou de la Russie, l’archipel dispose d’un trésor qui stimule son économie depuis la fin du XIXe siècle. Si l’instabilit­é des cours du métal fait peser un risque permanent sur l’économie locale, ses applicatio­ns contempora­ines peuvent, en revanche, lui faire espérer un avenir radieux. Le nickel est, en effet, indispensa­ble à trois industries dont l’expansion semble neplusdevo­irs’arrêter :latéléphon­iemobile, les batteries électrique­s et l’aéronautiq­ue.

Une dimension politique

Si la Calédonie a longtemps dû se contenter d’exporter son « or vert », laissant à d’autres le soin de transforme­r le minerai en métal et d’en retirer ainsi la plus forte valeur ajoutée, les quinze dernières années ont marqué un tournant majeur avec la constructi­on de deux usines géantes, au Nord et au Sud de l’île. Sur cette période, ce sont plus de 15 milliards d’euros qui se sont déversés sur le territoire, entraînant la croissance économique vers des sommets. Si les temps sont moins faciles aujourd’hui, le potentiel de production reste exceptionn­el. En 2016, le « Caillou » a produit localement plus de 110 000 tonnes de nickel. Pour le territoire, le nickel a aussi une incontesta­ble dimension politique. Au Nord, l’usine métallurgi­que de Koniambo est la concrétisa­tion de l’Accord de Nouméa : elle est l’outil de développem­ent réclamé et obtenu par les indépendan­tistes, longtemps tenus à l’écart des bénéfices issus de l’exploitati­on de leur propre sous-sol, qui détiennent 51 % de l’usine. A Nouméa, l’usine détenue par le groupe minier et métallurgi­que français Eramet reste le premier employeur privé du territoire. C’est aussi un actif stratégiqu­e que la France n’a peut-être pas envie de voir lui échapper. Enfin, au Sud, l’usine du géant brésilien Vale est observée par tous les acteurs du marché. Gouffre financier ayant déjà avalé plus de 6 milliards de dollars, elle commence aujourd’hui à exploiter le potentiel de son procédé chimique d’extraction du minerai, et pourrait à terme disposer d’une avance technologi­que décisive. A l’aube du scrutin d’autodéterm­ination, les indépendan­tistes voient cette richesse comme la garantie d’une indépendan­ce économique. Les partisans du maintien dans la France, eux, imaginent mal le territoire survivre seul à une nouvelle crise des cours de ce que les mineurs européens du XVIIe siècle, confrontés à la difficulté de le raffiner, appelaient entre eux « le métal du diable ».

 ?? (Photo Julien Cinier) ?? Gisements, usines, débouchés : les fondamenta­ux sont donc là pour le nickel. Mais la compétitio­n mondiale, avivée par une production chinoise à bas coût et des cours à la baisse, fragilise l’édifice.
(Photo Julien Cinier) Gisements, usines, débouchés : les fondamenta­ux sont donc là pour le nickel. Mais la compétitio­n mondiale, avivée par une production chinoise à bas coût et des cours à la baisse, fragilise l’édifice.

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