Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Le nickel au centre de l’autonomie du territoire
De tous les territoires français de l’outremer, la Nouvelle-Calédonie est le seul à pouvoir s’appuyer sur un secteur industriel de poids. Avec près d’un quart des ressources mondiales de nickel, et une production annuelle de minerai de l’ordre des 200000 tonnes qui la place au niveau de l‘Australie ou de la Russie, l’archipel dispose d’un trésor qui stimule son économie depuis la fin du XIXe siècle. Si l’instabilité des cours du métal fait peser un risque permanent sur l’économie locale, ses applications contemporaines peuvent, en revanche, lui faire espérer un avenir radieux. Le nickel est, en effet, indispensable à trois industries dont l’expansion semble neplusdevoirs’arrêter :latéléphoniemobile, les batteries électriques et l’aéronautique.
Une dimension politique
Si la Calédonie a longtemps dû se contenter d’exporter son « or vert », laissant à d’autres le soin de transformer le minerai en métal et d’en retirer ainsi la plus forte valeur ajoutée, les quinze dernières années ont marqué un tournant majeur avec la construction de deux usines géantes, au Nord et au Sud de l’île. Sur cette période, ce sont plus de 15 milliards d’euros qui se sont déversés sur le territoire, entraînant la croissance économique vers des sommets. Si les temps sont moins faciles aujourd’hui, le potentiel de production reste exceptionnel. En 2016, le « Caillou » a produit localement plus de 110 000 tonnes de nickel. Pour le territoire, le nickel a aussi une incontestable dimension politique. Au Nord, l’usine métallurgique de Koniambo est la concrétisation de l’Accord de Nouméa : elle est l’outil de développement réclamé et obtenu par les indépendantistes, longtemps tenus à l’écart des bénéfices issus de l’exploitation de leur propre sous-sol, qui détiennent 51 % de l’usine. A Nouméa, l’usine détenue par le groupe minier et métallurgique français Eramet reste le premier employeur privé du territoire. C’est aussi un actif stratégique que la France n’a peut-être pas envie de voir lui échapper. Enfin, au Sud, l’usine du géant brésilien Vale est observée par tous les acteurs du marché. Gouffre financier ayant déjà avalé plus de 6 milliards de dollars, elle commence aujourd’hui à exploiter le potentiel de son procédé chimique d’extraction du minerai, et pourrait à terme disposer d’une avance technologique décisive. A l’aube du scrutin d’autodétermination, les indépendantistes voient cette richesse comme la garantie d’une indépendance économique. Les partisans du maintien dans la France, eux, imaginent mal le territoire survivre seul à une nouvelle crise des cours de ce que les mineurs européens du XVIIe siècle, confrontés à la difficulté de le raffiner, appelaient entre eux « le métal du diable ».