Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Deux visions pour un avenir commun
C’est demain que ce petit territoire stratégique de 270 000 habitants dans le Pacifique, doit décider s’il reste français – scénario le plus probable – ou s’il choisit l’indépendance
Morceau de France, la Nouvelle Calédonie n’a pas toujours voté comme la métropole. Elle a ainsi choisi Mitterrand en 1974, Giscard en 81 et Chirac en 1988. Il a fallu attendre 1995 et l’élection de ce même Chirac pour qu’elle soit en phase avec la majorité des Français. Cet ancrage à droite ne s’est depuis jamais démenti, atteignant son apogée en 2007 avec le sacre de Nicolas Sarkozy. C’est à Nouméa, une ville de 100 000 habitants, que ce dernier a fait son meilleur score, avec plus de 70 % des suffrages. En 2017, l’ex-Président est encore arrivé en tête de la primaire de la droite. Puis, malgré les consignes de Paris en faveur d’un vote Macron, Marine Le Pen a ensuite atteint 47.43 % des suffrages au second tour. En filigrane de ces résultats extrêmes et à contre-courant de la métropole, le désir d’une Calédonie française. Si les socialistes ont perdu durablement leur crédibilité quand François Mitterrand a laissé entrevoir, en 1981, l’éventualité d’une indépendance pour la Calédonie, ce sont pourtant bien eux qui ont ramené la paix en 1988, après le drame d’Ouvéa, et permis le développement pacifié du territoire jusqu’à aujourd’hui.
« Mission du dialogue »
En confiant au préfet Christian Blanc, un de ses fidèles lieutenants, le pilotage d’une « mission du dialogue » composée de religieux et de franc-maçons, Michel Rocard a initié les « chemin du destin commun ». « Le respect de l’identité kanake et de cette civilisation vieille de plusieurs millénaires n’étant pas intégré par les Européens. Jean-Marie Tjibaou [leader indépendantiste signataire des accords de paix] m’a expliqué que la raison pour laquelle il luttait pour l’indépendance, c’est qu’elle permettrait de garantir cette identité », explique aujourd’hui Christian Blanc. Conclu en 1998, dix ans après celui de Matignon, l’Accord de Nouméa, continuité de l’oeuvre de Michel Rocard, est à mettre au crédit d’un autre socialiste, Lionel Jospin. Et c’est cet accord qui a prévu le référendum d’autodétermination. A l’aube de cette étape cruciale, à Paris, la neutralité imposée par l’Accord de Nouméa est respectée : pour les acteurs politiques français, il revient aux Calédoniens et à eux seuls de décider de leur destin. Depuis 1998, un seul responsable a clairement indiqué son choix pour une Calédonie dans la France : Nicolas Sarkozy. Manuel Valls, Premier ministre de François Hollande, qui s’est montré très actif sur le dossier calédonien, n’a, en revanche, cessé de marteler qu’il était « exclu que le gouvernement se substitue au choix des acteurs calédoniens et s’engage dans un chemin qui ne recueillerait pas, au préalable, l’assentiment de tous les partenaires ». Une position, aujourd’hui, partagée par Edouard Philippe qui se rendra en Calédonie dès le lendemain du vote, le 5 novembre : « La position du gouvernement, c’est le respect des Accords, à savoir que l’Etat doit être impartial ! A l’issue du scrutin, nous prendrons un certain nombre d’initiatives pour faire en sorte que l’avenir de la Calédonie soit construit de bonne foi, avec des femmes et des hommes qui veulent s’engager. » Emmanuel Macron, qui s’est rendu s ur le « Caillou », comme on nomme l’archipel là-bas, en mai dernier, ne s’est pas prononcé. Mais le président de la République a eu cette phrase largement interprétée : « La France serait moins belle sans la Calédonie. »