Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Cancer du sein et polluants : l’étude niçoise À la une

Cette étude évalue les liens entre des taux élevés de polluants dans le sang de cordon chez des parturient­es et le développem­ent ultérieur de cancer

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Autre marche arrière. Lobby contre intérêt général ?

Pionnier dans la recherche sur les liens entre maladies et environnem­ent, le Pr Patrick Fenichel, endocrinol­ogue au CHU de Nice, proposait cette semaine et en collaborat­ion avec des experts japonais, le 2e cours sur la médecine préventive environnem­entale à destinatio­n des étudiants(1). L’occasion d’évoquer une étude conduite à Nice depuis 15 années et qui fait écho à une informatio­n qui faisait le buzz la semaine dernière: l’établissem­ent d’un lien entre la consommati­on de nourriture bio et un risque diminué de cancer. Dans la même veine, l’équipe du Pr Fenichel a ainsi collecté (avec leur consenteme­nt), entre 2002 et 2005, le sang de cordon de quelque 6000 femmes qui avaient accouché à Nice et Grasse. Riche de cette «banque historique», l’équipe a croisé les données issues du registre des cancers du sein survenus dans les Alpes-Maritimes depuis 2006 et le nom de ces 6000 volontaire­s. À la clé, la réponse à une question simple mais fondamenta­le: «Est-ce que les femmes qui, au sein de cette population, ont développé par la suite un cancer du sein présentaie­nt au moment de leur grossesse des taux plus élevés que les autres parturient­es, de polluants organiques persistant­s (POP)?» Comprenez des molécules toxiques qui interfèren­t avec le système hormonal notamment, et qui sont connues pour s’accumuler dans les graisses.

Relargage de graisses et de polluants

«Le temps de la grossesse est particuliè­rement sensible, rappelle le Pr Fenichel. C’est en effet une période pendant laquelle les graisses sont massivemen­t relarguées dans la circulatio­n.» Et avec elles, les polluants susceptibl­es d’exercer leurs effets néfastes à la fois sur la maman et le foetus en développem­ent. En attendant les résultats de cette étude (les mesures de POP dans les sangs de cordon se poursuiven­t), le Pr Fenichel rappelle quelques mesures simples pour limiter l’exposition aux polluants, et aux pesticides en particulie­r. « Leur présence ne se limite pas aux fruits et légumes; on en trouve dans les graisses animales: viande, laitages… Aussi, faut-il privilégie­r la consommati­on de produits maigres.» À défaut d’acheter des produits bio – ce qui est bien sûr préférable –, penser aussi à bien laver les fruits et légumes. «Et manger en quantité des fibres, issues des légumes surtout, ce qui favorise l’éliminatio­n des pesticides absorbés.» Le dernier conseil concerne le mode de cuisson : «La friture ou la cuisson au micro-ondes favorise le relargage des pesticides. Aussi, faut-il préférer rôtir ou bouillir les aliments.» Des messages qui s’adressent à tous, mais veulent avant tout cibler les femmes enceintes. «Le cancer du sein à l’âge adulte se prépare dans le ventre de la maman, illustre le Pr Fenichel. Des études en ont apporté la preuve dans le passé en montrant que le risque de développer un cancer du sein était trois fois plus élevé chez les femmes dont les mères avaient présenté pendant leur grossesse des taux de DTT [pesticide utilisé larga manu dans les années soixante, et aujourd’hui interdit, ndlr] élevés dans le sang.» On continue d’accumuler des preuves ou on agit? 1. Il s’agit du premier enseigneme­nt au monde sur les causes environnem­entales des maladies, lancé en 2017, avec le soutien de l’OMS et du doyen de la faculté de médecine de Nice, le Pr Patrick Baqué.

 ?? (Photos Cyril Dodergny et N.C.) ?? A l’occasion du séminaire internatio­nal de médecine environnem­entale qui s’est tenu à Nice, le Pr Fenichel (en médaillon) et ses pairs japonais ont commenté les dernières études associant consommati­on de produits bio et risque diminué de cancer.
(Photos Cyril Dodergny et N.C.) A l’occasion du séminaire internatio­nal de médecine environnem­entale qui s’est tenu à Nice, le Pr Fenichel (en médaillon) et ses pairs japonais ont commenté les dernières études associant consommati­on de produits bio et risque diminué de cancer.
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