Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« En , il faudra passer les quarts »

- Recueilli par Ch. DEPIOT Photos : AFP

Un petit bout de femme. Cent soixante et un centimètre­s tout juste. Une chevelure longue et blonde comme les blés encadrant de jolis yeux bleus perçants. Ce pourrait être le début du portrait d’une héroïne de série TV. Ou de roman à l’eau de rose. Que nenni. Il s’agit plus prosaïquem­ent de la jolie silhouette qui abrite une sacrée footballeu­se. Une buteuse hors pair. Avec de la foudre dans les pieds : Eugénie Le Sommer,  ans, née à Grasse au gré des pérégrinat­ions profession­nelles de son papa policier est tout simplement la meilleure buteuse de l’histoire de l’Olympique Lyonnais féminin :  buts en  matchs... Il y a du Cristiano Ronaldo chez Eugénie Le Sommer ! Et bien évidemment, cette attaquante née, qui porte fièrement le  dans le dos, est aussi une des joueuses clé de l’équipe de France. Dont elle fait le bonheur depuis  :  matchs,  buts. A l’orée d’une Coupe du monde  que les Bleues vont jouer et tenter de gagner à domicile, Eugénie, de passage au Sportel de Monaco, s’est confiée.

Eugénie, vous voir au Sportel, c’est une reconnaiss­ance ?

Oui bien sûr, inviter une joueuse de foot c’est pas forcément gagné d’avance et je pense qu’il y a dix ans, on n’y aurait peut-être pas pensé. J’en suis très fière.

Quand vous étiez gamine, vous imaginiez la dimension que cela prendrait un jour ?

Non. J’en rêvais au fond de moi, mais je ne pouvais pas l’imaginer. Les Coupes du monde  et  ont mis un coup de projecteur.

Vous qui êtes une star, avezvous envie d’être reconnue comme le sont les hommes ?

C’est un peu pour ça que je me bats, que les gens reconnaiss­ent que les sportives de haut niveau ont toute leur place dans le foot et les autres sports. J’ai peutêtre un peu moins de matchs que les garçons mais j’ai le même rythme qu’eux.

C’est-à-dire ?

A Lyon, on s’entraîne tous les jours. Parfois deux, on a beaucoup de matchs dans l’année. On vit pour ça.

Vous craignez qu’il y ait toujours ce distinguo ?

Non et je suis aussi consciente que le football masculin génère tellement d’argent et de popularité, qu’on ne peut pas être du jour au lendemain à égalité de salaire. Il faut avancer et par exemple, faire en sorte qu’on joue un véritable championna­t profession­nel. Pour moi c’est le cas, mais je joue contre des filles le week-end qui ne sont pas toujours des profession­nelles.

Soyons francs Eugénie, physiologi­quement, les filles courent moins vite et frappent moins fort dans le ballon que les garçons...

Je pense surtout qu’avec la profession­nalisation, on peut mieux s’entraîner, on s’améliore physiqueme­nt, techniquem­ent, tactiqueme­nt. Après, comme vous dites, on ne courra jamais aussi vite qu’un garçon. Mais je n’ai pas non plus envie qu’on compare le foot masculin et féminin. On ne compare pas le  mètres en athlé des femmes et des hommes...

En quoi, vous, les filles, vous différenci­ez-vous ?

On dit souvent qu’il y a moins tous ces aspects négatifs du foot masculin. Par exemple, on triche moins, c’est plus agréable à regarder, c’est peut-être moins fermé aussi. Et le fait que ce soit plus lent, on voit peut-être plus de choses. Après, on joue le même football, les contrôles, les passes, ce sont les mêmes.

La Coupe du monde en France approche, que pouvez-vous viser ?

Il y a des équipes très fortes comme les USA, l’Allemagne, l’Angleterre ou le Canada. Plein d’équipes peuvent prétendre gagner ou aller en finale. Le niveau va être très relevé.

La victoire, vous y croyez ?

Déjà, l’ambition c’est passer ce cap des quarts de finale qui nous fait défaut. Que ce soit aux Jeux, à la Coupe du monde ou à l’Euro, on a toujours buté là. En , il faudra passer les quarts. Après on se laissera le temps de rêver...

Ça a pas mal changé côté entraîneur­s chez les Bleues. Aujourd’hui, Corinne Diacre, c’est le bon choix ?

On le saura le moment venu, en juin (sourire). En tout cas on bosse bien pour ça. Et on sait qu’on sera jugées sur la Coupe du monde.

C’est mieux qu’une femme entraîne des filles ?

Pour moi ça ne change rien, ce qui compte, ce sont les compétence­s, tant sur le plan tactique que de gestion humaine.

Des entraîneur­s qui ont coaché en filles et garçons, nous disaient que c’est plus délicat avec des femmes, qui ont une autre sensibilit­é...

Moi je pense qu’on peut tout dire à partir du moment où l’on explique, en prenant conscience qu’on n’est pas des hommes. Après, c’est comme dans n’importe quelle entreprise, on est capable d’entendre les choses et d’encaisser.

La meilleure joueuse ?

Difficile comme question. Je ne pourrais pas en citer une seule, il y a l’Allemande Marozsan qui joue avec moi à Lyon (milieu), Sam Kerr l’Australien­ne (attaquante) ou encore ma coéquipièr­e Ada Hegerberg à Lyon (attaquante).

Un joueur des Bleus ?

Je vais dire Griezmann, parce que j’aime ses qualités, il marque des buts mais joue aussi pour l’équipe. Et il a l’air d’un mec sympa qui ne se prend pas la tête.

Une buteuse, ça ne pense qu’à marquer ?

Non, j’aime bien faire jouer l’équipe, quand le collectif tourne bien et qu’il y a du beau jeu. Je ne suis pas obnubilée que par le but.

Les défenseuse­s sont-elles aussi dures que chez les hommes ?

Oui, il y en a ! Avant même qu’on ait le ballon, certaines vont essayer de nous tirer le maillot, de déstabilis­er...

Parlons un peu du vestiaire, quels sont les sujets de conversati­on en dehors du foot ? Maquillage, mode ?

(elle rit) Oui, tout à fait. Nous ça parle de tout, ça parle copain, ça parle maquillage, fringues, bijoux... On se connaît peut-être plus, on connaît davantage nos vies que les garçons, peut-être.

Vous êtes depuis  ans à Lyon, c’est le meilleur club ?

Oui, avec  Ligues des champions on peut le dire !

Jamais eu envie d’ailleurs ?

J’ai eu des propositio­ns. Après, la difficulté, c’est que chez les filles, il y a moins de clubs compétitif­s...

Une joueuse pro, ça gagne /. euros mensuels ?

(elle rit) Ça dépend pour qui... C’est peut-être un peu tabou mais il y a tous les salaires, je ne connais pas les salaires maximums. Moi je pense être payée comme il faut même s’il faut penser à l’avenir et se mettre à l’abri. On aura besoin de travailler après, là ce n’est pas comme chez les hommes !

Un mot sur votre président, Jean-Michel Aulas, qui a l’air d’avoir une grande tendresse pour ses joueuses ?

C’est vrai, il vient voir chacun de nos matchs, même en championna­t. Il est très présent, il nous parle beaucoup, on est peut-être son équipe protégée. Après, on a des résultats et le jour où ça va pas, il est là pour taper du poing sur la table ! Il a été précurseur en France, comme l’a été Louis Nicollin avant lui.

Vous vous voyez continuer longtemps ?

Je ne me fixe pas trop d’âge. C’est plus mon corps qui le dira et mes envies de fonder une famille un jour.

France-Brésil amical samedi  novembre (h) à Nice, stade Allianz Riviera (www.allianz-riviera.fr)

‘‘ En athlétisme, on ne compare pas le  m masculin et féminin. Ça doit être pareil en foot ” ‘‘ J’aime faire jouer l’équipe, je ne suis pas obnubilée que par le but ”

‘‘ Après la carrière, il faudra travailler, ce n’est pas comme chez les garçons ’’

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