Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Nice: les boulistes de la place Arson déçus et amers

- VÉRONIQUE MARS

Sur le clos de boules de la place Arson à Nice, les mordus de pétanque ont la main ferme et le tir ajusté pour faire « carreau » à tous les coups. Ici, les points sont commentés avec verve, passion et en toute amitié. En politique, c’est un peu la même chose. Les opinions y sont discutées, disputées, comme le cochonnet. En avril 2017, à la veille du scrutin présidenti­el, nous étions allés à la rencontre des boulistes pour connaître leurs avis sur les candidats en lice. Il y a dix-huit mois, les coeurs balançaien­t entre Fillon, Macron et Le Pen. Le grand vainqueur : le clan des indécis alimenté par un sentiment de défiance à l’égard de la politique et ceux qui la font.

« Nous, les retraités, sommes des vaches à lait !»

Dix-huit mois après, Jo, Victor, Angelo et les autres n’ont pas changé d’avis. L’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République ne les a pas réconcilié­s avec la politique. « La seule différence avec les autres candidats, c’est que Macron est un jeune Président et qu’il va nous empoisonne­r la vie encore longtemps, assène Victor, 65 ans. Plus je l’écoute, plus je suis déçu. Pour lui, nous, les retraités, sommes des vaches à lait !» Après 42 ans de travail dans le bâtiment, Victor touche une retraite de 1 460 par mois. « Avec ça, je dois payer un loyer, la CSG, les impôts, les médicament­s dérembours­és et vivre. J’aimerais, de temps en temps, amener ma femme manger une pizza, mais je ne peux pas me le permettre. » Jo, 68 ans, ex-Parisien devenu Niçois acquiesce. Lui aussi en a soupé des impôts et des taxes qui augmentent. Et c’est la hausse des prix des carburants à la pompe qui le fait tousser. Pour lui, la politique sur l’environnem­ent est inaudible. « Faudra qu’on m’explique pourquoi, pendant des décennies, rouler au diesel était bon pour la planète et que, tout d’un coup, aujourd’hui, cela ne l’est plus !» Même le discours sur la sécurité ne passe pas. « Regardez les débordemen­ts lors de la fête d’Halloween. Des jeunes qui attaquent des policiers, mais faut les mettre direct en prison. » Déçus, ils le sont. Des hommes politiques en qui ils ne croient plus, d’une Europe jugée « trop grande », « trop accueillan­te à l’égard des migrants », d’une France « trop laxiste ». Pour les prochaines élections, les européenne­s, ils iront, pourtant, aux urnes. « Parce que c’est un devoir. En 1981, j’ai voté pour Mitterrand, confie Victor. Cette année, mon bulletin ira pour le Rassemblem­ent national. » Pourquoi un tel grand écart ? Victor et Jo rétorquent que pendant 40 ans la gauche et la droite se sont succédé au pouvoir, sans changement. « Pourquoi pas tenter l’extrême droite ? Après tout, d’autres pays ont franchi le pas, comme l’Autriche, l’Italie, les États-Unis et maintenant le Brésil. »

« Macron essaye au moins !»

Claude, 63 ans, leur coéquipier, est en désaccord total. « Les extrêmes on sait sur quoi ça a débouché, il y a soixante-dix ans. » Lui, n’est ni de droite, ni de gauche mais « du parti du bon sens. Ceux qui ont des idées ». Non, Claude n’a pas voté pour Macron, mais le défend d’un tir cadré : «Lui, essaye au moins. L’augmentati­on des prix du carburant, c’est bien. Faut qu’on arrête de s’empoisonne­r. » Même sur l’Europe, Claude prend le contre-pied de ses copains de pétanque. « L’Union européenne a été créée pour éviter les guerres, pour empêcher de nous battre entre nous. Rien que pour ça, moi, je suis pour l’Europe !»

 ?? (Photo Eric Ottino) ?? Au clos de boules de la place Arson, les avis en politique font débat. Entre la CSG, les impôts, les taxes qui augmentent et les retraites qui ne suivent pas, c’est l’amertume qui monte...
(Photo Eric Ottino) Au clos de boules de la place Arson, les avis en politique font débat. Entre la CSG, les impôts, les taxes qui augmentent et les retraites qui ne suivent pas, c’est l’amertume qui monte...

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