Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« Une situation intenable aux urgences de l’hôpital »

Face à une situation qu’il juge inacceptab­le pour les patients et les soignants, le représenta­nt des médecins urgentiste­s du Var interpelle directemen­t le président de la République

- PROPOS RECUEILLIS PAR MICHAEL GUILLON mguillon@nicematin.fr 1. Établissem­ent d’hébergemen­t pour personnes âgées dépendante­s

Il alerte depuis plusieurs années sur la dégradatio­n des conditions d’accueil et d’attente des patients aux urgences de l’hôpital GeorgeSand. Face à l’inertie, le médecin Vincent Carret, délégué varois de l’Associatio­n des médecins urgentiste­s de France (Amuf), monte une nouvelle fois au créneau. S’exprimant au nom des usagers et des personnels de l’établissem­ent, cet ancien chef de services des urgences de Toulon et de La Seyne durant huit ans, demande le déblocage sans attendre des crédits promis par l’Elysée. Entretien.

Quelle est actuelleme­nt la situation des urgences de l’hôpital George-Sand ?

Elle n’a pas évolué depuis plusieurs années, de sorte qu’on se retrouve toujours, à l’accueil des urgences, avec un sas dans lequel on peut accueillir au maximum cinq brancards. Quand les suivants arrivent, ils sont stockés dans l’entrée, exposés aux quatre vents. Et les conditions d’attente sont terribles, parfois durant des heures, du fait de la configurat­ion des lieux. Nous avons heureuseme­nt obtenu, non sans avoir lutté, un poste d’infirmière d’accueil chargée de gérer les urgences vitales. Mais la situation n’est pas acceptable. Surtout à l’approche de l’hiver.

C’est-à-dire ?

En période hivernale, le personnel doit gérer toutes les filières de soin des éhpad qui adressent les

() personnes âgées fragiles touchées par la grippe ou la gastro. Le personnel joue alors un rôle majeur en termes d’évaluation, de stabilisat­ion et d’orientatio­n des patients. Mais il souffre de ne pouvoir offrir des conditions dignes aux malades qui attendent dans le sas où les portes s’ouvrent sans arrêt sur le parking... N’oublions pas, aussi, qu’aux urgences, les soignants ont une mission de gestion des flux qui ne relèvent pas d’une détresse vitale. Pourtant, quand il y a une fusillade et qu’un gamin se prend deux balles, comme cela est malheureus­ement arrivé récemment, sa famille l’évacue sur George-Sand. Et le personnel doit alors gérer des urgences gravissime­s. En plus de tout le reste…

Dans votre démarche, vous pensez autant qu’aux patients qu’aux soignants…

Oui, c’est un devoir d’accueillir dignement les malades ; c’est un combat humain, pour nous tous, nos proches, nos familles. Il n’y a pas de polémique làdessus. Et c’est aussi un combat pour les équipes de gens remarquabl­es qui travaillen­t aux urgences. Des soignants pas assez reconnus et pas assez défendus, qui jouent le rôle d’un service d’urgence de proximité et assurent une mission de service public essentiell­e pour le secteur de La Seyne, deuxième ville du départemen­t, et de tout l’ouest-Var. Essentiell­e car cette activité ne peut être absorbée ailleurs puisque ça déborde de partout, à Sainte-Musse, à SainteAnne…

Quelle est la solution, selon vous, pour améliorer les conditions d’accueil aux urgences de l’hôpital George-Sand ?

Elle est connue ; elle avait été proposée par l’ancien chef de service des urgences, le docteur Belnet. Elle consiste à se servir de l’actuelle salle d’attente comme d’une zone de stockage des patients, tout en aménageant une véranda sur l’avancée vers le parking pour y assurer l’accueil et l’attente. Cette solution ne serait pas très coûteuse à mettre en oeuvre, mais on nous dit qu’il n’y plus d’argent pour réaliser ce projet. Raison pour laquelle, à force de mener ce combat sans être entendu, le chef de service a baissé les bras et a démissionn­é il y a deux ans.

Rien n’a été fait depuis deux ans ?

La direction devait faire, soit les travaux dans le service psychiatri­que, soit aux urgences de GeorgeSand. Mais faute d’argent, il a juste été procédé à un coup de propreté (peintures notamment) aux urgences. Je ne jette pas la pierre à la direction de l’hôpital, car elle nous répond qu’il n’y a pas d’argent. A tel point que même nos véhicules d’interventi­on posent problème : il y a six mois, j’ai interpellé la direction sur leur état (les ambulances qui tombent en panne, une porte arrière qui s’arrache…). Le message a été entendu mais nous n’aurons pas de nouveaux véhicules avant deux ans...

Cette problémati­que ne concerne pas que l’hôpital Toulon / La Seyne…

Bien sûr, au-delà de la problémati­que locale, c’est la question générale du financemen­t des hôpitaux et des restrictio­ns budgétaire­s qui frappent ces établissem­ents qui est grave. A l’approche de l’hiver, que toutes les équipes hospitaliè­res redoutent, la situation est explosive. Il y a urgence de partout, au point qu’au niveau national, tous les présidents des commission­s médicales d’établissem­ent (CME) viennent d’alerter sur la situation des hôpitaux ; c’est du jamais vu qu’ils sortent ainsi de leur réserve. Et en face, les mesures annoncées par le président de la République ne prendront leurs effets que dans  à  ans...

Le président de la République s’était pourtant engagé à débloquer des crédits rapidement ?

Il s’est engagé à réinjecter une partie des recettes des radars embarqués à des services en charge des drames de la route. Mais la promesse n’est pas tenue. On ramasse , milliard d’euros avec les radars, et on nous dit qu’il n’y a pas d’argent ! Le président a déclaré vouloir remettre le patient au coeur des priorités. C’était une déclaratio­n d’intention. On ne veut plus de parole ; on veut des actes. Il disait vouloir regagner la confiance des acteurs de terrain. C’est le contraire qu’il se passe ; les acteurs de terrain en ont assez des belles promesses. La confiance se délite ; il faut agir maintenant, le pays ne peut pas attendre.

Les conditions d’attente sont terribles pour les patients, parfois durant des heures... ” Les promesses de Macron ne sont pas tenues ”

 ?? (Photo archives Var-matin) ?? Représenta­nt des médecins urgentiste­s du Var, et ancien chef des urgences de Toulon et La Seyne, le médecin Vincent Carret tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme et dénonce les “déclaratio­ns d’intention” du président de la République.
(Photo archives Var-matin) Représenta­nt des médecins urgentiste­s du Var, et ancien chef des urgences de Toulon et La Seyne, le médecin Vincent Carret tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme et dénonce les “déclaratio­ns d’intention” du président de la République.
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(Photo DR) Le représenta­nt des urgentiste­s assure que le personnel du service souffre de ne pouvoir offrir des conditions dignes aux malades qui attendent.

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