Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
« Une situation intenable aux urgences de l’hôpital »
Face à une situation qu’il juge inacceptable pour les patients et les soignants, le représentant des médecins urgentistes du Var interpelle directement le président de la République
Il alerte depuis plusieurs années sur la dégradation des conditions d’accueil et d’attente des patients aux urgences de l’hôpital GeorgeSand. Face à l’inertie, le médecin Vincent Carret, délégué varois de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), monte une nouvelle fois au créneau. S’exprimant au nom des usagers et des personnels de l’établissement, cet ancien chef de services des urgences de Toulon et de La Seyne durant huit ans, demande le déblocage sans attendre des crédits promis par l’Elysée. Entretien.
Quelle est actuellement la situation des urgences de l’hôpital George-Sand ?
Elle n’a pas évolué depuis plusieurs années, de sorte qu’on se retrouve toujours, à l’accueil des urgences, avec un sas dans lequel on peut accueillir au maximum cinq brancards. Quand les suivants arrivent, ils sont stockés dans l’entrée, exposés aux quatre vents. Et les conditions d’attente sont terribles, parfois durant des heures, du fait de la configuration des lieux. Nous avons heureusement obtenu, non sans avoir lutté, un poste d’infirmière d’accueil chargée de gérer les urgences vitales. Mais la situation n’est pas acceptable. Surtout à l’approche de l’hiver.
C’est-à-dire ?
En période hivernale, le personnel doit gérer toutes les filières de soin des éhpad qui adressent les
() personnes âgées fragiles touchées par la grippe ou la gastro. Le personnel joue alors un rôle majeur en termes d’évaluation, de stabilisation et d’orientation des patients. Mais il souffre de ne pouvoir offrir des conditions dignes aux malades qui attendent dans le sas où les portes s’ouvrent sans arrêt sur le parking... N’oublions pas, aussi, qu’aux urgences, les soignants ont une mission de gestion des flux qui ne relèvent pas d’une détresse vitale. Pourtant, quand il y a une fusillade et qu’un gamin se prend deux balles, comme cela est malheureusement arrivé récemment, sa famille l’évacue sur George-Sand. Et le personnel doit alors gérer des urgences gravissimes. En plus de tout le reste…
Dans votre démarche, vous pensez autant qu’aux patients qu’aux soignants…
Oui, c’est un devoir d’accueillir dignement les malades ; c’est un combat humain, pour nous tous, nos proches, nos familles. Il n’y a pas de polémique làdessus. Et c’est aussi un combat pour les équipes de gens remarquables qui travaillent aux urgences. Des soignants pas assez reconnus et pas assez défendus, qui jouent le rôle d’un service d’urgence de proximité et assurent une mission de service public essentielle pour le secteur de La Seyne, deuxième ville du département, et de tout l’ouest-Var. Essentielle car cette activité ne peut être absorbée ailleurs puisque ça déborde de partout, à Sainte-Musse, à SainteAnne…
Quelle est la solution, selon vous, pour améliorer les conditions d’accueil aux urgences de l’hôpital George-Sand ?
Elle est connue ; elle avait été proposée par l’ancien chef de service des urgences, le docteur Belnet. Elle consiste à se servir de l’actuelle salle d’attente comme d’une zone de stockage des patients, tout en aménageant une véranda sur l’avancée vers le parking pour y assurer l’accueil et l’attente. Cette solution ne serait pas très coûteuse à mettre en oeuvre, mais on nous dit qu’il n’y plus d’argent pour réaliser ce projet. Raison pour laquelle, à force de mener ce combat sans être entendu, le chef de service a baissé les bras et a démissionné il y a deux ans.
Rien n’a été fait depuis deux ans ?
La direction devait faire, soit les travaux dans le service psychiatrique, soit aux urgences de GeorgeSand. Mais faute d’argent, il a juste été procédé à un coup de propreté (peintures notamment) aux urgences. Je ne jette pas la pierre à la direction de l’hôpital, car elle nous répond qu’il n’y a pas d’argent. A tel point que même nos véhicules d’intervention posent problème : il y a six mois, j’ai interpellé la direction sur leur état (les ambulances qui tombent en panne, une porte arrière qui s’arrache…). Le message a été entendu mais nous n’aurons pas de nouveaux véhicules avant deux ans...
Cette problématique ne concerne pas que l’hôpital Toulon / La Seyne…
Bien sûr, au-delà de la problématique locale, c’est la question générale du financement des hôpitaux et des restrictions budgétaires qui frappent ces établissements qui est grave. A l’approche de l’hiver, que toutes les équipes hospitalières redoutent, la situation est explosive. Il y a urgence de partout, au point qu’au niveau national, tous les présidents des commissions médicales d’établissement (CME) viennent d’alerter sur la situation des hôpitaux ; c’est du jamais vu qu’ils sortent ainsi de leur réserve. Et en face, les mesures annoncées par le président de la République ne prendront leurs effets que dans à ans...
Le président de la République s’était pourtant engagé à débloquer des crédits rapidement ?
Il s’est engagé à réinjecter une partie des recettes des radars embarqués à des services en charge des drames de la route. Mais la promesse n’est pas tenue. On ramasse , milliard d’euros avec les radars, et on nous dit qu’il n’y a pas d’argent ! Le président a déclaré vouloir remettre le patient au coeur des priorités. C’était une déclaration d’intention. On ne veut plus de parole ; on veut des actes. Il disait vouloir regagner la confiance des acteurs de terrain. C’est le contraire qu’il se passe ; les acteurs de terrain en ont assez des belles promesses. La confiance se délite ; il faut agir maintenant, le pays ne peut pas attendre.
Les conditions d’attente sont terribles pour les patients, parfois durant des heures... ” Les promesses de Macron ne sont pas tenues ”