Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Cagnes Pollution lumineuse : les chauves-souris sur écoute
Depuis octobre, les lampadaires de deux rues sont éteints la nuit. Une première en France pour observer l’effet d’une réduction de la lumière artificielle sur la vie des chauves-souris
Les chauves-souris, espèce protégée en France depuis 1981, souffrent de la pollution lumineuse croissante. En 2016, une étude recensait les gîtes des chiroptères dans les Alpes-Maritimes : «Un coup d’oeil sur la carte suffit à voir le problème : tous les gîtes se situent en périphérie des zones éclairées – c’est-à-dire littorales – et reculent dans l’arrière-pays », explique Pauline Chevalier, chargée de mission biodiversité au service environnement de la Métropole Nice-Côte d’Azur.
Menacées par la lumière artificielle
Toutes les espèces de chauves-souris ne réagissent pas de la même façon face à cette pollution lumineuse. Certaines se sont adaptées, mais chez ces dernières aussi, la lumière artificielle contraint leur répartition. C’est même un facteur plus contraignant que l’artificialisation des sols, juste après l’agriculture intensive. «Parmi les espèces qui se sont adaptées, certaines – pensant qu’il fait encore jour – sortent plus tard de leur gîte pour chasser. C’est un problème, notamment l’été, car les femelles doivent non seulement se nourrir, mais aussi ravitailler leur progéniture et on observe des pertes chez les nouveau-nés », décrit Pauline Chevalier. Pour d’autres, c’est la double peine : la lumière agit comme une barrière physique et les chauves-souris sont contraintes de demeurer dans l’ombre, alors que leur principale source d’alimentation, les insectes, sont eux attirés par la lumière. Au milieu du mois d’août, les agents de la collectivité ont posé trois capteurs à Cagnes-sur-Mer, chemin des Salles et chemin du Val-deCagnes. Ces instruments de mesure, conçus par Véolia, sont alimentés par un panneau solaire. Ils détectent, enregistrent les ultrasons émis par les petits mammifères et les transmettent par Internet. L’objectif ? Mesurer l’activité des chauves-souris avant et après extinction de l’éclairage public.
Au bord de la Cagne
Depuis le 1er octobre, les lampadaires des deux zones d’expérimentation sont éteints entre 23 heures et 5 heures du matin. Les deux axes longent la Cagne. Ils n’ont pas été choisis au hasard. « On sait que les chauves-souris viennent chasser dans ce coin-là, il y a un cours d’eau et des zones non éclairées à proximité. Si on avait éteint une rue parmi d’autres en plein centre-ville, les chauves-souris n’auraient pas vu la différence» , décrypte la chargée de mission biodiversité de la Métropole. D’autres capteurs ont auparavant été installés à Nice (au Ray, à la Nécropole et à Saint-Blaise). Ils serviront d’étalon pour «vérifier que les comportements observés sont bien le fait de la réduction de l’éclairage public», complète Pauline Chevalier.
Expérience prolongée
La semaine dernière, la mairie de Cagnes-sur-Mer a accepté de prolonger l’expérience. Tandis que les premiers résultats ont été envoyés au Muséum d’Histoire naturelle de Paris pour y être analysés par une équipe de scientifiques, les capteurs vont continuer à récolter des données et les lampadaires resteront éteints chaque nuit entre 23 heures et 5 heures du matin jusqu’au printemps prochain. «C’est très nouveau, car on ne possédait jusqu’alors pas de données d’observation en période hivernale. On connaît mal les mouvements des chauves-souris en chasse dans cette période-là. Or, dans notre région, vu la douceur des températures, elles n’hibernent pas forcément », détaille Pauline Chevalier. Grâce au maintien du dispositif, dès qu’une espèce de chauve-souris apparaîtra dans la zone, les scientifiques seront alertés: chacune d’entre elles possédant un cri différent. Les pré-résultats de l’étude sur la pollution lumineuse seront, eux, transmis à la Métropole dans une dizaine de jours : « Cela nous permettra de peaufiner les mesures déployées pour réduire la pollution lumineuse et son impact sur la biodiversité».