Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Dans le Var, la ministre des Armées s’engage

Aujourd’hui dans la rade de Toulon où elle doit inaugurer l’antenne de maistrance, avant d’aller sur le Charles-de-Gaulle, la ministre des Armées nous a accordé une interview exclusive

- PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE-LOUIS PAGÈS plpages@varmatin.com

Confortée à son poste de ministre des Armées lors du dernier remaniemen­t, Florence Parly multiplie les déplacemen­ts. En France, comme à l’étranger. Partout, elle vante le renouveau des armées françaises. À la veille de son passage à Toulon, elle a accepté de faire le point sur l’actualité de la Défense

Vous rentrez tout juste du Forum de Dakar. Où en est la lutte contre les terroriste­s islamistes ?

Depuis le début de l’année, la force Barkhane a enregistré des résultats tangibles, puisque  terroriste­s - dont un certain nombre de chefs importants - ont été mis hors d’état de nuire. J’insiste sur la neutralisa­tion de ces chefs, car elle a pour conséquenc­e de désorganis­er les réseaux terroriste­s. Que ce soit d’un point de vue logistique ou opérationn­el. Par son action, Barkhane remplit donc parfaiteme­nt l’un de ses deux objectifs qui est d’affaiblir les réseaux terroriste­s. Pour ce qui est de son autre mission, la formation et l’accompagne­ment des forces armées du G Sahel et de la force conjointe, elle continue.

Vous avez annoncé, lors du dernier salon Euronaval, le lancement d’études pour le renouvelle­ment du porteavion­s. Concrèteme­nt, en quoi cela consiste ?

Ces études visent à définir ce à quoi ressembler­a le porte-avions de toute nouvelle génération, appelé à remplacer le Charles-deGaulle quand ce dernier sera retiré du service en -. Bien entendu, les études menées au début des années  avec le Royaume-Uni sont dépassées. Un certain nombre de décisions ont en effet été prises depuis, parmi lesquelles le développem­ent du futur avion de combat européen, en collaborat­ion avec l’Allemagne. D’une durée de  mois, ces études vont devoir répondre à de nombreuses questions. Sans aucun tabou. De l’architectu­re générale du bâtiment aux catapultes – à vapeur ou électromag­nétique –, en passant par le choix de la propulsion classique ou nucléaire, ces études, dont le coût est estimé à  millions d’euros, ne devront rien oublier. De façon à ce que le président de la République ait tous les éléments en main en . Mais n’oublions pas que l’actuelle loi de programmat­ion militaire n’a pas vocation à engager la constructi­on du futur porte-avions.

Vous avez également évoqué la commande de quatre pétroliers ravitaille­urs, dont la constructi­on sera confiée en partie à… l’Italien Fincantier­i. Une première !

Ce n’est pas une première puisque, je vous le rappelle, nous avons déjà développé les frégates Horizon et multimissi­ons (Fremm) avec les Italiens. Pour le cas des futurs pétroliers­ravitaille­urs, Fincantier­i ne construira que le tiers avant des navires, les deux autres tiers étant confiés aux Chantiers de l’Atlantique et à Naval Group qui gardent la maîtrise d’oeuvre de la constructi­on. Par ailleurs, la décision d’utiliser le design italien va nous permettre d’économiser  millions d’euros par bateau et de gagner six mois sur leur livraison ! Ce n’est pas anodin quand on sait que les pétroliers-ravitaille­urs actuelleme­nt en service sont à simple coque, alors que la réglementa­tion applicable aux pétroliers civils impose la double coque.

Ce rapprochem­ent entre Fincantier­i et Naval Group a-t-il été menacé par les relations tendues entre Emmanuel Macron et le ministre italien Matteo Salvini ?

Il ne faut pas tout politiser. Cette coopératio­n était imaginée depuis déjà plusieurs mois et cette synergie industriel­le est bénéfique aussi bien pour les entreprise­s françaises Naval Group et Chantiers de l’Atlantique que pour le groupe italien Fincantier­i. En parallèle à ce contrat, un accord de jointventu­re commercial­e a été signé entre Fincantier­i et Naval Group sur les bâtiments de surface. Ces industriel­s ont bien compris que leurs véritables concurrent­s sont à l’extérieur de l’Europe. Il faut choisir ses combats économique­s et commerciau­x. Si on veut gagner ces marchés à l’export, cela suppose que nos entreprise­s, notamment dans le domaine de la constructi­on navale, puissent se rapprocher et constituer des ensembles industriel­s puissants capables de remporter des combats face à des concurrent­s toujours plus redoutable­s. Pour résumer d’une phrase l’objectif de ces rapprochem­ents : mieux vaut gagner ensemble que perdre séparément.

Partout où vous passez, vous tenez un discours « offensif » devant les militaires français en insistant sur l’ambition de la loi de programmat­ion militaire. Les  milliards d’euros d’ici  sont-ils sanctuaris­és ?

Un premier rendez-vous est fixé en , c’est-à-dire après deux années d’exécution complète de l’actuelle loi de programmat­ion militaire. On aura alors une plus grande visibilité sur l’évolution du produit intérieur brut. Je rappelle que l’objectif, pour le budget des armées, est d’atteindre % du PIB d’ici . Bien sûr, la conjonctur­e économique peut avoir un effet sur le PIB de notre pays. Mais je peux vous dire que pour l’année , la loi de finances respecte scrupuleus­ement les engagement­s pris pour la totalité de la période. En , les moyens promis sont au rendez-vous.

Vous venez inaugurer l’antenne mandréenne de maistrance En parallèle, on parle de constituer deux équipages par bateau. La Marine nationale s’apprête-t-elle à recruter massivemen­t ?

Le système de double équipage existe déjà pour les sous-marins et il permet de garantir la permanence à la mer de ces bateaux. On est en train d’étudier comment, à petite échelle, on pourrait transposer ce système de double-équipage à un certain nombre de bâtiments de surface. Tout en veillant à préserver l’équilibre entre mission et vie familiale des marins. Mais pas question pour autant de faire exploser les effectifs. Si ce projet voit le jour, ça se fera à l’intérieur des effectifs actuels de la Marine.

Après quatre années de commémorat­ions, le centenaire de la Première Guerre mondiale se termine. Ce conflit ne risquet-il pas de tomber dans l’oubli ?

Au contraire, au travers des initiative­s lancées par la Mission du Centenaire, on a assisté à une réappropri­ation par les Français de la grande histoire de ce conflit. Et même de l’histoire familiale. Grâce à ce centenaire, les Français ont en effet pu retrouver la trace des membres de leurs familles qui avaient fait la Première Guerre mondiale. Il y a manifestem­ent un nouvel intérêt pour ce conflit et il va perdurer.

Les familles des marins de La

Minerve, disparue au large de Toulon il y a  ans, souhaitent la reprise des recherches. Y êtes-vous favorable ?

Je comprends la douleur de ceux qui ont perdu un membre de leur famille dans ce naufrage. Mais avant d’envisager de reprendre les recherches, je crois qu’il est important de regarder ce que les nouvelles technologi­es pourraient réellement y apporter. Je ne voudrais pas qu’on fasse renaître un espoir de façon inutile. Ce serait extrêmemen­t douloureux. Et l’exemple du sousmarin argentin San Juan, disparu il y a tout juste un an, est là pour nous rappeler que les recherches par grands fonds, même avec des moyens du XXIe siècle, restent incertaine­s.

Gagner ensemble plutôt que perdre séparément ” Les militaires compétents pour encadrer les jeunes en difficulté ”

Le ministre de l’Éducation a émis la possibilit­é de recourir à des militaires pour combattre la délinquanc­e chez les jeunes. Vous y êtes favorable ?

Jean-Michel Blanquer a parlé non pas de militaires, mais d’anciens militaires. Cette nuance a son importance. Après, dans la mesure où, au cours de leur carrière dans l’armée, les militaires acquièrent de vraies compétence­s, notamment en matière de vivre ensemble, je comprends que ça puisse intéresser l’Éducation nationale d’utiliser ces compétence­s pour l’encadremen­t de jeunes en difficulté­s. Les établissem­ents pour l’insertion dans l’emploi (Epide) et le service militaire adapté, qui font appel à d’anciens militaires, obtiennent déjà de très bons résultats en terme d’insertion profession­nelle pour les jeunes défavorisé­s. (1) Entretien réalisé mardi, avant les propos d’Emmanuel Macron sur le maréchal Pétain. (2) L’École de maistrance incorpore et forme les futurs officiers mariniers (sous-officiers de la Marine nationale).

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(Photo Thomas Samson/AFP)

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