Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Elles parlent pour se libérer du cancer
L’opération « Octobre rose », qui a permis d’exposer les oeuvres de femmes touchées par la maladie, s’est achevée lundi à l’hôpital de Brignoles. Des tableaux émouvants et instructifs
Les mots et les maux. Il y a ces phrases, blessantes, prononcées trop fréquemment (certaines par des professionnels de santé) : « Tu vas participer au trou de la sécu »,« Tu as de la chance, ça se soigne très bien !» ou encore « Ah, c’est ta dernière chimio ? Tant mieux car JE n’en peux plus ». Et des phrases, bienveillantes, qu’elles aimeraient entendre plus souvent: «Prends soin de toi »,« Tu peux compter sur moi» ou encore «Je t’admire».
« Le soin et le bien-être »
Ces réactions ont été couchées par écrit sur de sobres panneaux à fond blanc par les femmes du groupe de parole « Mon cancer… au féminin » à l’hôpital Jean-Marcel de Brignoles. Des supports devenus des exutoires salvateurs. L’ensemble des panneaux, colorés et enrichis pour certains de photos et de dessins, a été exposé au rezde-chaussée de l’établissement hospitalier tout le mois d’octobre. «C’était important pour nous, hôpital, de proposer et de chercher à maintenir un tel groupe de parole. Nous sommes dans le soin, mais aussi désormais dans une politique de bienêtre», explique Richard Lamouroux, directeur de l’établissement. Animé par Caroline Siau dell’Antonia, psychologue en oncologie depuis vingt ans, le groupe, créé en janvier 2015, se réunit tous les premiers lundis de chaque mois au premier étage de l’hôpital (1). « Il s’agit de sensibiliser le grand public à ce que les personnes touchées par le cancer ressentent, explique-t-elle. Parce que cela n’arrive pas qu’aux autres. Pour faire connaître l’existence de ce dispositif qui permet de ne pas s’isoler. Parce que les mots échangés apaisent nos maux physiques et notre moral. Pour ouvrir notre coeur et rendre hommage au combat de toutes ces femmes… »
« Rejetées par la société!»
Un dispositif salué par toutes les femmes, d’autant plus qu’il diminue le risque de récidive. « Merci d’exister. On est seuls quand on est malade. C’est important de partager nos expériences, nos émotions, nos façons de surmonter la maladie et ses effets secondaires ici à l’hôpital. Quand les gens nous voient à l’extérieur, c’est qu’on est en haut. Le groupe permet de partager les bas », se réjouit, sans jamais utiliser le «je» Paola. La perte de ses cheveux, des ongles, de ses cils et sourcils a été une terrible épreuve pour la Flassanaise, intégrée au groupe il y a trois ans. «C’est toute votre féminité qui s’envole». L’usage d’une perruque a très rapidement été abandonné : « Quand on l’enlève, on pleure. On préfère être sans cheveux mais être là.C’est le prix de la vie. » Au combat contre la maladie s’ajoutent, tout aussi violents, les combats «sociétaux». Une double peine, source d’une infinie colère. « On se sent rejetées, exclues, reprend Paola. Les banques ne veulent pas nous accorder de crédit, on doit payer deux à trois fois plus cher les assurances. Certaines personnes disent à leur enfant de ne pas nous faire la bise (elles pensent que c’est contagieux!). C’est inadmissible: il faut qu’on ait les mêmes droits! On n’y peut rien d’être malade. Pourquoi être pénalisé? »