Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Meurtre maquillé en suicide à Eze () : l’accusé avoue à l’audience

- CHRISTOPHE PERRIN

Accroché à la vitre du box de la cour d’assises des Alpes-Maritimes comme à une bouée de sauvetage, Georges Pierru, 52 ans, colosse aux pieds d’argile, raconte depuis lundi «sa» version de la mort de Drost Notthof, un Allemand de 50 ans assassiné en septembre 2011 dans sa villa à Eze (Alpes-Maritimes, lire notre édition de lundi). « Un récit rocamboles­que, quasi infantile », pour reprendre les mots d’un psychologu­e qui l’a expertisé. L’accusé dispose de certains droits, y compris celui de mentir. Le président Guissart le lui rappelle hier matin. Le magistrat joue sur la corde sensible, répète que l’accusé doit la vérité à ses proches et à Christine, la compagne du défunt.

L’appel du président

Georges Pierru, à l’imaginatio­n féconde, se vautre dans les mensonges. Malgré des charges accablante­s, il jure jusqu’à l’absurde qu’il n’est en rien responsabl­e de la mort du gérant de société retrouvé pendu après une macabre mise en scène. Le président Guissart se contient. Il est déçu voire agacé. Il subit à nouveau un récit abracadabr­ant où se mêlent mafieux de l’Est, épouse mythomane, mort inexpliqué­e… Mais Didier Guissart est aussi habile que tenace. Il interpelle à nouveau l’accusé : « La solution de facilité serait d’écouter les pires sottises, de ne rien dire et de partir délibérer.» Le magistrat en appelle à « l’homme aimable, prévenant, gentil, humain, un peu poète… », décrit par ses proches. Il glisse également que les mensonges peuvent peser lourd au moment du verdict.

« Une idée mise dans ma tête »

Me Julien Darras, avocat, se rapproche de son client comme pour l’aider à libérer sa parole, à se libérer tout court. Silhouette massive, Georges Pierru est tout près de défaillir: «Je ne sais plus ce qui est vrai, ce qui est faux.» Les larmes lui montent aux yeux, son visage devient cramoisi. Un silence pesant envahit le prétoire. « Comment une personne comme moi, en trois semaines de temps, décide de faire ça? », murmure-t-il. L’accusé se reprend : « Croyez-moi, je n’ai pas voulu mettre fin aux jours de M. Notthof, jamais. L’homme que j’ai rencontré était quelqu’un qui m’est apparu gentil, jovial, avec qui j’aurais pu m’entendre. Je ne suis pas allé pour faire ça même si cette idée était dans ma tête. » Il rectifie : «Cette idée a été mise dans ma tête. »

« Je l’idolâtrais »

Georges Pierru évoque alors son amour fou pour Grit Bergman, excompagne de Drost, rencontrée sur Facebook. «C’est une femme brillante qui voulait faire de moi quelqu’un d’extraordin­aire. Je l’idolâtrais, je voulais la protéger. »Ilse tourne vers elle: «Tu es merveilleu­se ».« Ça suffit », répond-elle, sèchement. Il montre son prénom tatoué sur son bras. «Je me suis trompé, j’étais naïf .... On s’est rendu là-bas à Eze pour rencontrer M. Notthof. Il y avait, de mon côté, non pas l’objectif de le tuer mais de lui demander des comptes pour Grit qui m’avait dit qu’il lui devait 600 000 Grit était installée en France, chez Georges depuis à peine trois semaines, elle se disait en danger, sur écoute. Elle avait déjà en poche un faux testament de Drost Notthof recopié en lettres capitales par son nouvel amoureux . En se rendant avenue de la Marne à Eze avec deux tableaux, Georges Pierru l’artiste, espérait, affirme-til, que les relations de Drost lui ouvrent les portes d’une exposition à Monaco. Le rendez-vous est d’abord cordial. « Je discutais avec M. Notthof. Grit préparait du café », se souvient l’accusé. Grit aurait alors porté un premier coup à Drost Notthof qui s’est écroulé. Pierru dit s’être retourné, avoir vu leur hôte saisir le bras de Grit. Une bagarre s’est engagée. Pierru a eu le dessus. Il passe sur le pied-de-biche qui lui a permis d’asphyxier la victime. «« Il était à terre, inanimé. Je l’ai secoué, j’ai vu ses yeux.». L’accusé cherche de l’oxygène pour poursuivre son récit. « Je lui ai dit d’appeler les secours. Elle n’a pas voulu » explique-t-il défiguré par les pleurs. Sa déposition n’est plus qu’un long sanglot. Le président Guissart veut en savoir davantage sur la scène du crime : «Grit va nettoyer. J’étais assis, je ne bougeais plus. Elle s’activait. C’est elle qui enlève la chemise de Drost tachée de sang. » L’accusé dit avoir quitté la villa dans un état second. Il accuse: « Cette femme m’a fait perdre le sens des réalités. Elle a fait de moi une image que je ne suis pas. Je n’ai pas de méchanceté. » Il épousera pourtant quatre mois après le meurtre «la diabolique» qui l’aurait manipulé. À l’issue de trois jours et demi d’audience, le président tient enfin des aveux. « Les juges que nous sommes pensent qu’ils ont le vrai Georges Pierru devant eux, se félicite le président Guissart. Il n’est jamais trop tard pour venir dire la vérité. Vos explicatio­ns sont enfin audibles. » Le verdict est attendu lundi. Le spectre de la perpétuité s’est éloigné.

Newspapers in French

Newspapers from France