Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Du héros au salaud

- de THIERRY PRUDHON Reporter edito@nicematin.fr

Quand ça ne veut pas… Emmanuel Macron, qui n’était pas loin de prendre François Hollande pour un fieffé zozo, doit aujourd’hui éprouver quelque compassion pour son ancien patron. Comme lui, malgré tous ses efforts pour échapper aux contingenc­es braillarde­s, il se fait éreinter à la moindre occasion. Tout est bon pour lui chercher des noises. Y compris les polémiques les plus vaines. On peut penser que Macron n’est pas le Messie attendu. De là à vouloir le repeindre en nostalgiqu­e de Vichy, il y a un pas qui tient du grotesque. Ne rien pardonner mais ne rien gommer, affirmer que Pétain a d’abord servi la France avant de la salir, comme l’avait admis de Gaulle bien avant lui, relève du simple bon sens. De l’honnêteté historique. Lors de la Première Guerre mondiale, l’ex-maréchal Pétain fit partie de « ceux qui ont fait preuve du plus de lucidité et du souci de protéger le sang des poilus », rappelle l’expert militaire Pierre Servent. C’est bien cette aura qui lui vaudra d’être, par la suite, appelé au chevet d’une patrie dont il se révélera le fossoyeur. On peut certes, comme Jacques Chirac en , avoir la formulatio­n plus acerbe : « En juin , Pétain, parvenu à l’hiver de sa vie, a couvert de sa gloire le choix funeste de l’armistice et le déshonneur de la collaborat­ion. » Cela change un poil la perspectiv­e, sans résilier les cahots de l’histoire. S’il était mort en , Pétain aurait aujourd’hui pignon sur rue dans chaque commune de France. Curieux pays immature que le nôtre, tout de même, où rappeler de simples faits transforme illico en antisémite dissimulé, soucieux de réhabilite­r l’inqualifia­ble ! Ce nouvel accès de fièvre mémorielle, après tant d’autres, vient souligner notre incapacité à regarder le passé avec sérénité et recul. La guerre d’Algérie en reste le syndrome le plus violent. Tel le gamin de CP, nous voudrions que l’histoire se cantonne à une BD en noir et blanc, gentils d’un côté, méchants de l’autre. Rien n’est jamais si tranché, à l’image de l’âme humaine, torturée, fragile et chaque matin remise en question. A quoi se résume un homme ? Chacun de nous est-il un héros et un salaud en puissance ? Voilà un sujet pour le bac philo. A traiter à tête reposée, loin de l’épuisant tumulte du tribunal politico-médiatique qui conspue à feu continu, sans jamais observer de trêve.

« Pétain a couvert de sa gloire le déshonneur de la collaborat­ion. »

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