Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Archers médiévaux: flèches d’antan pour coeur de cible

Deux Dracénois, Judith Tabourin et Patrick Adloff, ont obtenu le diplôme de maître archer médiéval. Un art ancestral qui ne s’improvise pas. Plongée dans cet univers d’un autre temps

- AURÉLIEN RUESTERHOL­Z

S’échapper quelques jours de ce monde ultra-connecté. Voilà ce que se permettent ces amateurs du monde médiéval. Un bond dans le passé comme une bouffée d’oxygène. Avec des normes… féodales. L’une des premières fois où Judith a visé la mire, une réflexion l’a laissé pantoise. «“Femmes, allez ramasser les flèches !” Ca m’a quelque peu surprise… Et on m’a expliqué que c’était un honneur à l’époque. » Quand on met les pieds dans le passé, ce n’est pas qu’à moitié. «Nous sommes dans l’évocation et l’interpréta­tion», explique Patrick. C’est du sérieux. Même s’il convient qu’« en 1300, en temps jadis, il n’y avait pas d’appareil photo (rires)», les reconstitu­tions, de costumes notamment, se veulent précises. L’homme compte environ «15 kg de plus», entre l’épée, la dague, la hache, la cotte de mailles, etc. Son arc principal est une réplique de celui utilisé par les Avars, un peuple nomade du VIe siècle. Judith utilise, elle, un arc carquois, employé par ses ancêtres hongrois. Lors des événements d’époque (souvent l’espace d’un week-end), pas de place pour le contempora­in. « Quand vous partez vivre trois jours en camp, vous vous dîtes que vous n’avez finalement pas besoin de grandchose quand vous rentrez », souligne Judith. Exit les montres, canettes de soda et autres écrans ou objets du futur. L’archer en a d’ailleurs fait les frais, un jour. « Surtout pas de montres, c’est anachroniq­ue. Je me suis fait retoquer une fois, j’étais la risée de tout le monde. Des visiteurs avaient laissé une cannette de soda sur une de nos tables, il faut faire attention, il y a des historiens qui regardent… Les lunettes de soleil sont interdites mais les lunettes sont tolérées.» Ces dernières s’avèrent pratiques. Surtout quand on vise une cible.

« Pas des illuminés »

Tirer à l’arc peut sembler ludique et facile au premier abord. Il n’en est rien. On ne s’improvise pas archer. «Nous ne sommes pas des illuminés, nous nous occupons du patrimoine dracénois et nous sommes affiliés à la FFTA (Fédération française de tir à l’arc) » clament-ils. Le duo tire également en tournois classiques, sur des cibles qui représente­nt des animaux. Avant le passage à l’acte, une concentrat­ion extrême est préconisée. Patrick détaille. «C’est tout un exercice. Il y a une check-list à opérer. Il faut être stable, adopter une posture, faire face au vent, avoir les mains bien positionné­es, sélectionn­er la bonne flèche, etc. Il y a une bonne centaine de points à vérifier. » Vigilance maximale. Réussite optimale. Quel soulagemen­t lorsque la flèche quitte les doigts et atteint le mille. « C’est un effort physique et mental», estime justement Patrick. Entre sport et Histoire, les Dracénois ont trouvé le bon filon. Proches d’un monde passé, au coeur du monde d’aujourd’hui, ils s’éclatent dans leurs passions. Aussi fun que cela puisse sembler, être un archer médiéval de qualité s’apprend. Rome ne s’est pas construite en un jour, paraît-il. Les archers médiévaux non plus.

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(Photos Philippe Arnassan et Frank Tétaz) Patrick d’Ecclesia Santi Michaelis de Dragono et Dame Jutka de Hongrie portent haut les couleurs dracénoise­s.

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