Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

L’ONF défend sa gestion des forêts varoises

Sur propositio­n de l’associatio­n Le Possible, le cinéma La Boîte à Images de Brignoles a projeté le film Le temps des forêts, qui met en avant le phénomène de l’exploitati­on industriel­le des forêts

- PROPOS RECUEILLIS PAR S. CHAUDHARI schaudhari@varmatin.com

Q

u’en est-il de la situation réelle de la forêt française ? C’était la question posée par l’associatio­n Le Possible, vendredi dernier, au public venu visionner le long-métrage de François-Xavier Drouet. Intitulé « Le temps des forêts », le documentai­re, d’une durée de  h , revient sur « une phase sans précédent d’industrial­isation de la forêt française. Mécanisati­on lourde, monocultur­e, engrais et pesticides, la gestion forestière suit à vitesse accélérée le modèle agricole intensif », annonce le synopsis. Des agents de l’ONF (OFfice national des forêts) étaient invités pour débattre au terme de la projection : Claire Vignon, François Ferraïna et Manuel Fulchiron, respective­ment responsabl­e communicat­ion, responsabl­e équipe de technicien­s forestiers et directeur Alpes-Maritimes et Var.

Avez-vous spontanéme­nt accepté l’invitation des organisate­urs ?

On connaissai­t l’existence de ce film. C’est bien qu’il soit diffusé. Ça permet de débattre. On savait aussi – et c’est pour cela que c’est important qu’on soit là – que c’est un film partisan.

C’est-à-dire ?

Le réalisateu­r a choisi de montrer une façon de faire de la foresterie, de la sylvicultu­re, voire de la lignicultu­re. Dans tout le panel des activités, il y a des extrêmes et donc ce qui montré dans le film, c’est un extrême, où on ne se focalise que sur la production intensive de bois. Ce n’est pas ce qu’on fait à l’ONF.

Quelles différence­s avec ce que vous faites ?

À l’ONF, c’est une gestion multifonct­ionnelle, c’est-àdire

qu’on fait attention aux trois fonctions de la forêt, en même temps et au même endroit : la production de bois, les fonctions sociales, paysages, accueil du public, etc. et la fonction écologique de la forêt. C’est le modèle français depuis des siècles. En Suède, c’est différent. Si on prend une forêt de   hectares, on ne se dit pas on va affecter  ha pour la production,  pour le modèle évoqué dans le film et  sur lesquels on ne fait rien parce que c’est une réserve. Non, à chaque endroit, on se demande comment on concilie la production, les enjeux économique­s et l’accueil du public. Dans le Var, on a la problémati­que « tortue d’Hermann », donc on travaille en hiver avec des engins légers, afin d’éviter d’écraser les tortues qui sont sous terre. On va également créer des couloirs préférenti­els sur lesquels un chien spécialisé va repérer la tortue avant le passage des machines : on vise le « zéro dégât »…

Vous ne vous retrouvez donc pas dans le film ?

Pas du tout. Il montre ce que j’appelle la lignicultu­re, c’est la protéine de base du bois. On fait fi de la fonction écologique, sociale, accueil, paysage, etc. et on se concentre uniquement sur la production. C’est pour cela qu’on compare cette culture au maïs de la plaine de la Garonne : on amène de l’eau, des nutriments pour faire pousser plus vite…

Pourquoi la sylvicultu­re n’est-elle pas pratiquée en France?

Elle est pratiquée sur des sols et sous des climats qui s’y prêtent. En surface, ça reste limité. C’est pratiqué par des opérateurs qui ont la liberté d’entreprend­re, mais qui ne sont pas dans une prise en compte globale des enjeux. La forêt, c’est un milieu naturel et, eux, ils gèrent cela comme un champ. Par ailleurs, il y a tout un tas de produits ligneux, donc bois, qu’on ne peut pas obtenir par cette sylvicultu­re intensive.

Par exemple ? Tous les bois nobles, de

beaux bois de qualité avec des usages plus valorisant­s, par exemple le chêne pour les tonneaux, le noyer pour faire des tableaux de bord, et de la menuiserie extrêmemen­t fine… ça, ça prend énormément de temps pour pousser. Et cela demande une gestion très précise et équilibrée sur le long terme. C’est ce qu’on pratique entre autres, à l’ONF.

Le film explique que le sapin est apprécié pour son rapide développem­ent…

Les résineux gardent leurs feuilles toute l’année. Ils ont tendance à pousser plus vite quand ils sont dans de bonnes conditions. d’eau, de températur­es et de climat… C’est un bois qui est moins dur, moins, dense, qui a moins de dessins (de veinages) que les feuillus. Après, il y a certains résineux qui poussent plus vite. Ce sont les épicéas, ou des sapins Douglas. On peut les récolter au bout de cinquante ans... Par rapport à des cycles de production de ,  ou  ans, économique­ment c’est intéressan­t.

 ans, c’est long…

Pas à l’échelle forestière. On a des plans de gestion sur - ans. C’est aux antipodes de la lignicultu­re qui est dénoncée par le film. C’est une culture intensive, donc utilisatio­n de beaucoup d’intrants, il faut des sols et des climats, qui permettent d’avoir le retour sur investisse­ment. C’est le pin des Landes, tous les résineux du pin des montagnes, sur le plateau des Millevache­s. Dans le Var, ce serait une aberration économique de faire cela. Le rendement ne serait pas au rendez-vous

L’ONF coupe une belle quantité de bois tout de même…

Oui, évidemment. Pour que les jeunes arbres poussent, il faut de la lumière. Et pour obtenir la lumière au sol, il faut couper des arbres audessus. Régénérer la forêt, lui garder ses propriétés et sa vitalité, ça passe par la coupe régulière de bois. Depuis Philippe Le Bel (-), on gère la forêt en mode durable, récoltant les produits naturels. Aujourd’hui, c’est le bois mais à l’époque, c’étaient les glands pour faire pâturer les cochons et tout un tas d’autres choses…

Il est donc nécessaire de couper des arbres…

Oui, pour garder nos forêts... Sinon elles vont évoluer dans un système complèteme­nt non-géré. On a besoin de cette matière première (la filière bois représente   emplois en France, Ndlr). La forêt, c’est une protection de la ressource en eau. La pluie qui tombe va s’infiltrer tout doucement dans la terre, au lieu de générer des inondation­s. Dans les zones pentues, la forêt arrête  % des cailloux qui dévalent, parfois jusque sur les routes. Sans compter le risque d’incendie, si les forêts ne sont plus gérées, on finit avec des catastroph­es, comme on en a en ce moment en Californie.

Le film montre un extrême que nous ne pratiquons pas.” Dans le Var, la sylvicultu­re intensive serait une aberration économique.”

 ?? Hélène Dos Santos) ?? Actuelleme­nt basée à Seillons, l’équipe ONF locale va bientôt emménager à Brignoles.(Photo
Hélène Dos Santos) Actuelleme­nt basée à Seillons, l’équipe ONF locale va bientôt emménager à Brignoles.(Photo

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