Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Une hôtesse d’accueil presque invisible

Je vous ai accueillis un après-midi au Centre culturel… Mais vous ne m’avez remarquée qu’à moitié

- ANAIS GRAND saint-raphael@nicematin.fr

Se sentir seule, inexistant­e, invisible aux yeux de tous. Hôtesse d’accueil ou caissière au supermarch­é, même combat : parfois, il y a les visiteurs fidèles et adorables qui vous font des blagues. Mais il y a également ceux qui vous crient dessus, ou qui vous font clairement sentir que vous les dérangez… «Le plus dur et le plus simple en même temps, c’est d’être calme et patiente. Sinon, tu n’arriveras pas à tenir», glisse Véronique, ma collègue. Ah zut… Je n’ai, malheureus­ement, pas franchemen­t un tempéramen­t tendu vers la zen attitude. Ce n’est pas grave ; je vais faire avec… ou sans. Assise, prête à affronter les pires caractères du monde, Véronique me guide : «Tu répondras au téléphone, tu t’occuperas de la réservatio­n des billets pour les animations prévues, et tu guideras ceux qui sont perdus». Sur le papier, ça n’a pas l’air si compliqué… Et pourtant ! Premier coup de téléphone. J’attends la troisième sonnerie, pour faire croire que je suis débordée de travail. Je décroche en faisant en sorte de placer mon plus beau sourire dans ma voix. « Centre culturel, bonjour!» Bilan : débit trop rapide. Et comme d’habitude, j’ai bégayé. J’ai honte de moimême, je m’énerve et l’interlocut­eur, au bout du fil, ne comprend goutte. Mon client suivant ne m’aide pas à me calmer. D’un air impatient et supérieur, il commande: « Deux billets pour la conférence de ce soir. » Oui, qui êtes-vous ? Et le bonjour ? Et le s’il vous plaît ? Quelle conférence ? J’ai envie d’exploser, de lui cracher en pleine figure que je ne suis pas de celles qui obéissent sans être un minimum respectées. Je lui réponds tout de même avec le plus grand calme : « Oui bien sûr, je m’en occupe tout de suite ! » Panique à bord. Je n’ai jamais touché à un seul des logiciels ! Contrairem­ent à Véronique, qui met trente secondes en

moyenne pour enregistre­r une réservatio­n, je mets cinq minutes… Bah, il faut bien débuter, non ?

Les agréables… et les autres

Une dame vient d’entrer. Son attitude est sans équivoque : pour elle, je suis le genre de personnel invisible. Pas un regard, pas une parole. « C’est comme ça souvent, soupire ma collègue. Aujourd’hui, c’est calme, tu verras. Il n’y a pas trop de monde, mais ça peut vite s’accélérer ». Je redoute le moment où tout va s’accentuer, où je serais débordée de travail. Et… Ce moment arrive maintenant. Un homme vient régler son inscriptio­n pour la médiathèqu­e. Dans le même temps, le téléphone sonne, une, deux, trois fois. Une dame s’avance, paniquée, et demande son chemin. Tout doux ! Je commence par qui ? Ni une, ni deux, je choisis l’ordre d’arrivée. Premier venu, premier servi. Mais je suis moi-même totalement perdue. Je respire profondéme­nt. Ne pas s’embrouille­r, ne pas s’éparpiller, ne rien oublier, ni se tromper. Et surtout: rester calme. Mais Dieu sait que c’est compliqué! «Il faut savoir également deviner ce que veulent les gens», sourit Véronique. Mais qu’est-ce qu’on peut s’autoriser à ne pas faire ? Rien. Parce que mis à part ces qualités, ma collègue m’informe de la pluralité du travail demandé : « Il faut pouvoir venir en aide à quelqu’un, se mettre dans la peau d’un membre de la sécurité, savoir repérer un départ de feu, déclencher l’alarme, et avertir tout le monde. Guider les personnes, leur donner ce qu’ils veulent, toujours être à la hauteur et avoir réponse à tout. » Tout ça en portant des talons hauts pour être la plus accueillan­te possible ? Au Centre culturel, il y a de tout. Les jeunes, en pleine crise d’adolescenc­e, qui ne se soucient même pas de vous. Qui n’ont pas besoin de votre aide, et qui vous le font cruellemen­t sentir. Les personnes âgées qui sont perdues, que vous aidez, et dont vous illuminez la journée. Il y a également ceux qui ont honte de venir vous demander conseil, qui vous regarde de haut en bas, d’un air totalement hautain. Tous ces genres de personnes, je les ai croisés durant l’après-midi. Peutêtre que vous y étiez, et faites partie de ceux qui m’ont énervée. Peut-être, à l’inverse, que vous comptez parmi ceux dont la gentilless­e, la courtoisie m’ont réconcilié­e avec le genre humain. Ceux qui savent qu’un sourire n’appauvrit pas celui qui le donne et enrichit celui qui le reçoit.

Rester calme. Dieu sait que c’est compliqué…”

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Un vendredi sur deux, l’un de nos journalist­es teste un métier ou une activité. Un récit qui démontre que toutes les profession­s ne sont pas à la portée de tout le monde… (Photos Philippe Arnassan)
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