Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Le barreau de Draguignan dans le mouvement
déplore Charline Gaïa, avocat au barreau de Toulon. Comme cent cinquante de ses confrères, rejoints par des magistrats et des greffiers, réunis hier, sur les marches du palais de justice de Toulon, elle a répondu au mot d’ordre de grève lancé par les avocats. Nouvelle journée Justice morte, depuis le début de l’année pour la profession, soutenue notamment par des représentants syndicaux. Suivi par 150 barreaux en France, le mouvement est d’ampleur. Il a été marqué par une grève des audiences et des désignations d’avocats commis d’office.
« Trahis par la ministre »
« En colère », ils ont montré « leur détermination » à défendre « une justice de proximité, humaine, accessible à tous et attentive aux plus faibles ». A contrario de certains aspects de la réforme de la justice examinée à l’Assemblée nationale. Lesquels « bouleversent le lien entre le juge et le justiciable », selon Jérémy Vidal, bâtonnier de l’Ordre à Toulon. « Nous sommes trahis par la ministre. Il nous avait été assuré au printemps dernier qu’elle ne toucherait pas aux tribunaux d’instance et au TGI. Or, nous voyons apparaître dans le texte la création d’un tribunal judiciaire qui concentre les TI et TGI. Vous avez la création d’une usine à gaz judiciaire où l’ensemble des contentieux sont réunis. Nous craignons que l’accès au juge et aux facilités du TI soit lourdement impacté, notamment dans les territoires ruraux. À ce jour, on ne sait pas quels sont les tribunaux et les contentieux qui vont être impactés. »
«Déshumanisée»
Dans une lettre commune, quinze bâtonniers du SudEst dénoncent «les bases d’une justice déshumanisée et automatisée ». Hier matin, toutes les audiences avec avocat avaient été reportées. « C’est la seule façon possible pour les juges et les avocats de protester ,a expliqué une juge à des élèves qui étaient venus assister à l’audience. La seule façon pour signifier aux personnes qui fabriquent les lois, qu’il y a quelque chose qui ne va pas ». Le barreau de Draguignan s’est associé hier à ce mouvement, à l’image de la plupart de ceux de la région Sud-Est. Les avocats ne se sont pas présentés aux différentes audiences, déléguant quelques confrères pour faire renvoyer les affaires du jour, à d’autres audiences dans les différentes juridictions. Le bâtonnier n’a désigné aucun avocat pour les comparutions immédiates, la justice des mineurs, etc.
Vers la fin d’une justice pour tous
Il n’y a guère eu que la cours d’assises du Var à être épargnée. Le procès qui s’y était ouvert lundi dernier est allé jusqu’à son terme. Le bâtonnier Philippe Schreck a par ailleurs signé une lettre ouverte à Nicole Belloubet, ministre de la Justice. Elle émanait de la conférence régionale des bâtonniers du grand Sud-Est et de la Corse, sur les ressorts des cours d’appel d’Aix-en-Provence, Bastia et Nîmes. « La ministre revient sur tous les engagements qui avaient été pris au printemps dernier pour préserver le maillage territorial des lieux de justice. « Cette fois, on va même au-delà d’un tribunal de grande instance départemental. Le projet de loi envisage d’étendre les spécialisations des juridictions hors des limites des départements. On comprend bien qu’au final, il ne resterait que deux pôles essentiels, Marseille et Nice. » Ce nouveau mouvement est une occasion pour le bâtonnier de rappeler l’attachement de son ordre à « une justice de proximité, humaine, accessible à tous et attentive aux plus faibles ».