Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Collazo: «Je ne veux pas

Clair dans sa tête et droit dans ses baskets, le manager général du RCT sort aujourd’hui de sa réserve après plusieurs semaines de mutisme. Non pas pour se justifier, mais pour s’expliquer. Avec force conviction

- PHILIPPE BERSIA

On ne peut pas dire qu’il ait vraiment été gâté par les événements depuis son retour au bercail fin juin, à Toulon. Mais le bonhomme a les épaules larges et n’est pas du genre à se lamenter. Blessures en cascades, résultats en berne, critiques en rafales, Patrice Collazo, dont tout le monde connaît par ailleurs le caractère très trempé, vient de vivre quelques semaines agitées. Pris dans la moulinette d’un contexte aussi passionnel que passionné. Pour autant, et même s’il sait parfaiteme­nt que rien ne sera facile pour son groupe en reconstruc­tion, à la veille d’un redoutable déplacemen­t à Bordeaux et avant d’attaquer un deuxième bloc de matches périlleux, le manager général du RCT ne semble ni résigné, ni abattu. Patrice Collazo, « le bâtisseur », s’est engagé sur un projet de trois ans au RCT et il compte bien le mener à bien. Sans renier ses idées ni même ses ambitions. Il nous livre son analyse de la situation.

Le constat

« Le président avait créé un modèle économique qui a fait ses preuves par le passé mais qui est devenu obsolète aujourd’hui parce que d’autres ont évolué autour. On ne pourra donc pas faire l’économie d’une refonte en profondeur. Les gens ne se rendent pas vraiment compte, mais il faut savoir qu’aujourd’hui, le chantier est colossal à tous les niveaux. Je crois qu’il faut recréer une dynamique de club, recréer une dynamique d’équipe, resituer l’équipe par rapport à l’institutio­n qui est le club. Voilà le chantier que j’ai découvert. À mon arrivée, il a fallu remettre l’équipe en ordre de marche, c’est-à-dire lui donner un cadre, parce qu’on ne peut pas évoluer sans cadre. Et on est parti de loin… De nombreux leaders sont partis : des leaders de jeu, des leaders dans l’attitude, des leaders de vie, de terrain, ce qui tient plus ou moins un groupe. Aujourd’hui, on rentre dans une phase où on doit faire émerger de nouveaux leaders, en former certains, laisser l’opportunit­é à d’autres de se révéler et de s’approprier le rôle, aussi. Tout ça fait que l’équipe manque de confiance. »

Les résultats

« Ce début de saison s’avère compliqué d’un point de vue comptable, où effectivem­ent on n’est pas dans les clous, mais aussi, par moments, au niveau du contenu. Globalemen­t, il nous manque surtout de la confiance, de l’expérience, et un certain vécu d’équipe, même si nous avons des vécus individuel­s. Rugbystiqu­ement, il nous manque surtout de la complément­arité. Nos statistiqu­es sont assez révélatric­es et ne sont d’ailleurs pas en adéquation avec nos résultats. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont nos stats : on a la meilleure touche du Top 14, on a la 3e mêlée du Top 14, sans l’avoir vraiment travaillée. On est quasiment la 3e ou 4emeilleur­e équipe au niveau de la possession. Cela veut dire qu’on a des ballons, qu’on est alimenté. Et donc que le problème se situe surtout au niveau de l’utilisatio­n. On est aussi la 3e équipe qui fait le plus de mètres avec le ballon. Ça prouve qu’on est capable d’avancer, aussi. »

Les pistes de travail

« Comment évoluer, avec quelle forme de jeu ? Aujourd’hui, il faut être capable de jouer plusieurs rugbys. Il faut pouvoir rouler sur les mecs, il faut pouvoir les éviter, les déborder. Là où je n’ai peut-être pas assez bien évalué la situation, c’est au niveau du profil des joueurs. Individuel­lement, ils sont très bons. Pour les faire jouer ensemble, c’est beaucoup plus compliqué. On a beaucoup de joueurs de même profil, des joueurs qui se rassurent dans l’affronteme­nt plutôt que des joueurs qui jouent des duels, qui jouent dans l’évitement et sur la vitesse. On manque de complément­arité à certains postes. Surtout derrière, où on a un déficit d’animation de confiance, de liant… Mais aujourd’hui, avec le staff, on en sait plus sur l’équipe. Juan Lobbe et Sébastien Tillous-Borde ont eux aussi une nouvelle vision des joueurs, et notre principale question est : comment réadapter notre jeu après ce premier bloc de matches ? On ne va pas tout changer, mais je pense qu’il faut réadapter notre discours pour sécuriser les joueurs, modifier le contenu des entraîneme­nts, et ensuite cibler certains points forts qui peuvent faire gagner l’équipe en confiance. »

Les renforts attendus

« La question est simple : je prends qui pour jouer quel rugby? Est-ce qu’on va chercher un mec pour prendre un mec, ou est-ce qu’on va chercher un mec pour jouer un certain rugby. S’il n’y a pas de stratégie au niveau recrutemen­t, vous ne pouvez pas avoir de stratégie sur le terrain. Dans cet ordre d’idée, on a pris Alainu’ese qui se trouve être très performant. On regarde effectivem­ent encore, mais dans l’immédiat, c’est compliqué, car il y a très peu de joueurs sur le marché. Alors oui, il peut y avoir des joueurs susceptibl­es de venir en renfort, mais encore une fois, ce sera ciblé, réfléchi… Et il faudra qu’ils apportent une plus-value. J’ai l’impression que par le passé, il y avait pas mal de mecs qui ne servaient pas à grand-chose. On va déjà rerentrer des joueurs blessés, et notamment Mamuka Gorgodze. »

La méthode

« Dans mon système, je ne veux pas être dépendant des individual­ités. Je ne veux pas être dépendant d’un joueur qui, un jour, décide de traverser le terrain et qui, le match d’après, ne fait plus rien. J’ai un raisonneme­nt ‘‘équipe’’. Je préfère avoir des individus qui jouent pour l’équipe, plutôt que mon équipe tienne sur des individual­ités. Ça, c’est nouveau aussi pour eux, et c’est pour ça qu’aujourd’hui, on a un certain déséquilib­re entre certaines lignes. Je n’ai pas assez mesuré la profondeur de ce chantier. Quand tu en es réduit dès le deuxième jour d’entraîneme­nt à rappeler à tout le monde qu’il y a des horaires à respecter, quand on doit manger ensemble à midi et qu’il manque dix mecs à l’appel, tout s’annonce compliqué… Où est l’esprit d’équipe dans cette attitude ? Comment jouer au rugby dans ces conditions? Le fameux « faire ensemble » n’était pas gagné. Aujourd’hui, on est juste rentré dans la norme. On pense que je suis un dictateur, mais si j’ai envie de commencer à l’heure, c’est quand même mon droit, non ? »

Aujourd’hui, le chantier est colossal” J’ai un raisonneme­nt « équipe »”

 ?? (Photos Luc Boutria et Frank Muller) ?? Engagé à Toulon sur un projet de trois ans, Patrice Collazo, qui vient de vivre un douloureux début de saison, sait que rien ne sera facile pour le nouveau RCT. Mais cela n’entame en rien sa déterminat­ion.
(Photos Luc Boutria et Frank Muller) Engagé à Toulon sur un projet de trois ans, Patrice Collazo, qui vient de vivre un douloureux début de saison, sait que rien ne sera facile pour le nouveau RCT. Mais cela n’entame en rien sa déterminat­ion.

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