Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
«Pour un meilleur avenir»
DES LYCÉENS DE ST-MAXIMIN ENFILENT LE GILET JAUNE
Vendredi. 9heures, sur le parvis du lycée. La pluie froide n’est pas venue à bout du mot d’ordre qui a tourné la veille sur les réseaux sociaux. Entre quatre-vingts et cent lycéens, dont plus de la moitié porte le fameux gilet jaune, s’abritent contre le mur. Quelques adultes, Gilets jaunes de la première heure, sont là pour cadrer le groupe. « Ho ! Vous m’écoutez ! On va aller à la mairie, puis dans la zone du Super U, sûrement ensuite au rondpoint (de la sortie de l’autoroute, Ndlr). Tout ça dans le calme, sans rien casser, sans foutre le bordel… C’est un mouvement pacifique ! C’est clair ? ». Le proviseur adjoint, les pions du lycée et les deux médiateurs de la Région regardent le cortège se mettre en place. Un peu plus loin, les voitures des gendarmes et de la police municipale ont été garées en vue. Direction la mairie : « ils sont prévenus qu’on arrive. On entre dans le hall et on occupe si-len-cieu-sement ! Pas un bruit. Pas un mot. Et on ressort! » Une Marseillaise s’échappe d’une puissante enceinte portable. Les lycéens entonnent les paroles et se mettent en marche. Direction la mairie, à 800 m. 9h20. Les portes de la mairie ne s’ouvrent pas pour les jeunes Gilets jaunes. « Ils ont peur qu’on casse des trucs », croit avoir entendu une jeune fille. Peur injustifiée : les jeunes sont calmes, rigolent et semblent tout à fait déterminés à ne pas gâcher l’ambiance. Une courte et vaine négociation plus tard, les lycéens décident d’aller faire un tour dans le bureau de l’office de tourisme, situé non loin. Quelques minutes plus tard, après avoir profité d’un moment au sec, le cortège se reforme. « On retourne au lycée, on motive ceux qui sortent en récréation pour nous rejoindre ! ». Ambiance toujours rigolarde. Le petit groupe se retrouve devant les grilles de l’établissement. On attend la sonnerie. 9h50. Des centaines d’élèves sortent de cours. La grille reste fermée, très possiblement pour éviter l’hémorragie. Gilet jaune sur les épaules, Chantal, souriante retraitée du bâtiment, semble passer un bon moment. « C’est bien que les jeunes bougent. L’organisation est un peu floue, mais c’est bien. » Fin de la récré. Les rangs n’ont pas vraiment grossi. La pluie n’a pas du tout cessé. Qu’importe! «On va au Super U! »
10 h 30. Le cortège, un peu effilé, arrive devant l’hypermarché. Encore une fois, c’est dans le calme et la bonne humeur que les lycéens se blottissent contre les deux entrées, un peu abritées. « On ne rentre pas et on laisse passer les gens ! », rappelle l’un des adultes. La consigne est respectée et le sourire de rigueur, même face à quelques passants qui se montrent clairement hostiles. « Allez voter, connards ! », lance une élégante sexagénaire à des adolescents qui n’ont pas encore leur carte électorale. «Ça devrait être en cours plutôt qu’à faire chier le monde ! », grommelle une dame engoncée dans son manteau… jaune. D’autres clients, d’abord inquiets de ne pouvoir sortir avec leur caddie, traversent le petit groupe en souriant. Personne n’est bloqué. Un peu plus loin, l’un des responsables du magasin discute avec quatre jeunes, expliquant pourquoi il ne peut pas les laisser entrer ou bloquer les portes. Une vingtaine de lycéens est partie se poster à l’entrée du parking et enjoint les conducteurs à klaxonner devant eux. La pluie cesse enfin.
‘‘ Allez voter, connards !”
11 heures. Petit à petit, les jeunes Gilets jaunes ont quitté la zone commerciale de l’Hyper U. Près de la moitié s’est organisée pour rejoindre le rond-point des Sapeurs-pompiers, à la sortie de l’autoroute. C’est là que, depuis samedi dernier, les Gilets jaunes de la première heure ont installé un point de filtrage, devenu, au fil du temps, un véritable petit campement de fortune. Cernés par la circulation, ils se relaient pour accueillir les voitures et camions, se réchauffant auprès des feux de palettes et saluant les conducteurs qui klaxonnent à leur approche. Sur place également, une forte présence gendarmesque qui constate qu’aucun véhicule n’est bloqué. Ce vendredi, les militaires s’étaient mêlés aux manifestants et discutaient avec eux. Vers midi. Tandis que certains lycéens arrivaient seulement, d’autres quittaient les lieux, après une première matinée de démonstration. Dans l’après-midi. « On a aidé à lever les barrières de péage et à filtrer les voitures et les camions. Aucun débordement. Tout le monde est satisfait », témoigne Margot, l’une des lycéennes, présente depuis le matin. Peu nombreux (une centaine, le lycée comptant près de 1 800 élèves, Ndlr), mais motivés, les jeunes Gilets jaunes semblent heureux d’avoir pu être acteurs d’un mouvement qui pourrait leur offrir « un meilleur avenir ».