Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Serge et Beate Klarsfeld, dix ans de lutte et d’amour

La rétrospect­ive d’une décennie (1968-1978) dans le combat des époux s’est ouverte vendredi au musée Masséna à Nice. L’exposition aborde des étapes niçoises et esquisse leur coup de foudre

- R. D.

Beate et Serge Klarsfeld n’ont jamais reculé devant l’intersecti­on de l’homme et de l’ombre. Pour le devoir de mémoire, contre l’extrémisme, l’antisémiti­sme, pour obtenir la comparutio­n de nazis devant la justice. L’exposition réalisée par le Mémorial de la Shoah – Les Combats de la mémoire (1) –, qui s’est ouverte vendredi au musée Masséna de Nice, permet de suivre les dix années socles de la lutte du couple. D’emblée, Serge Klarsfeld, d’une voix douce, a rappelé jeudi soir, lors de l’inaugurati­on à la villa Masséna, le contexte, devant la première image de l’exposition, face au maire Christian Estrosi : «On ne voulait plus que les néonazis se réunissent en ville à Munich. Je suis donc allé à leur meeting du 9 décembre 1976. Les membres du Deutsche Volksunion m’ont frappé, battu. Un mois plus tard, les rassemblem­ents en ville étaient terminés ».

« On ne peut pas déserter »

Mais Serge Klarsfeld n’en tire pas gloire : « Avec Beate, on ne se retourne pas, émotionnel­lement, sur ce passé. Si on sent profondéme­nt des valeurs en soi, ne pas les défendre, c’est comme déserter. Or, on ne peut pas déserter. Beate se sent allemande, je me sens français et juif. On mène un combat qui nous semble raisonnabl­e ». Avec modestie, il ajoute : «Une vie d’aventurier­s… petits bourgeois. On a toujours eu de la chance : nous n’avons pas été tués dans un attentat, nous n’avons pas été incarcérés trop longtemps. Ce qu’on retient aujourd’hui, c’est d’être heureux au quotidien et d’être encore utiles malgré l’âge qui arrive». À un mètre à peine, la promenade des Anglais surgit sur un instantané. Mai 1943. Serge Klarsfeld, tout endimanché, est âgé de 8 ans et se promène avec sa soeur et ses parents. Son père, Arno, sera arrêté le 30 septembre 1943 et déporté à Auschwitz-Birkenau dont il ne reviendra pas. « On était réfugiés à Nice d’octobre 1941 à février 1944, glisse Serge Klarsfeld. Avant l’arrestatio­n de mon père, c’était une période heureuse. Il y avait les Italiens, on était à l’abri. Ensuite, comme tous les juifs traqués en Europe, nous avons essayé d’échapper aux rafles. Bien plus tard, ma mère est revenue en pèlerinage, à Nice, là où nous avions été tous les quatre réunis, au 15, rue d’Italie. Elle a malheureus­ement succombé le lendemain. C’est donc à Nice que j’ai vu mon père et ma mère pour la dernière fois. »

La gifle au chancelier Kiesinger

L’intime et l’action du couple s’enchaînent au début de l’exposition. Leur coup de foudre est esquissé. Un cadre ovale discret dévoile un montage photo de Beate réalisé par Serge Klarsfeld en 1960. «Ilfallait vraiment qu’on se rencontre ! », glissera-t-il d’ailleurs. Le propos devient ensuite très documentai­re puis assure un devoir de mémoire avec, en particulie­r, les visages et les noms d’enfants déportés depuis Nice. « De nombreux documents permettent précisémen­t nos actions. On trouve des publicatio­ns, en particulie­r le Mémorial de la Déportatio­n des juifs de France », commente encore Serge Klarsfeld. « Il y a également des séquences filmées », renchérit Beate, toujours complice, et que son époux salue. « La gifle au chancelier Kiesinger, le 7 novembre 1968, c’est le symbole en une seule action de la volonté de Beate d’épurer l’Allemagne des anciens nazis actifs dans la vie politique. Cela a été une réussite ! » Serge Klarsfeld ne classe pas les actions mais en souligne cependant deux : « Le travail d’historien sur le rôle de Vichy dans la solution finale et la lutte contre les ennemis des juifs, en Europe, mais aussi en Amérique du Sud, au Moyen-Orient ». Jeudi soir, le maire de Nice a rendu un hommage appuyé aux combats menés par le couple, évoquant « l’insurrecti­on de la conscience face à l’innommable ». 1. Les Combats de la mémoire, jusqu’au 27 janvier, au musée Masséna, 65, rue de France à Nice. Tous les jours, de 11 à 18 heures, sauf le mardi. Tél : 04.93.91.19.10.

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(Photos Franck Fernandes) Beate, Serge et Arnaud Klarsfeld devant l’instantané pris en mai  sur la promenade des Anglais. Arno, le père de Serge, qui avait alors  ans, avec sa soeur Georgette et leur mère, Raïssa.
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Ce qu’on retient aujourd’hui, c’est d’être heureux au quotidien et d’être encore utiles malgré l’âge qui arrive », indique Serge Klarsfeld.

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