Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Signé Roselyne

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité edito@nicematin.fr

Lundi

Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’Emmanuel Macron méprise les Français. Cette antienne relève chez ses opposants de l’attaque ad

hominem pratiquée par ceux qui ne savent comment mener le combat, tant ils ont un bilan politique hasardeux et parfois un casier judiciaire chargé. Par contre, les Français, eux, se sentent méprisés. Certes, Emmanuel Macron pourrait utilement éviter certaines formules cash dont pourtant ses prédécesse­urs ne se sont pas privés, tel le général de Gaulle qui nous traitait de « veaux » ! En fait, comme disent nos ados, Macron, il est « trop ». Trop jeune, trop beau, trop mince, trop heureux dans son couple improbable, parlant trop bien l’anglais. Les Français acceptent qu’on mette l’un des leurs sur le pavois du pouvoir, mais il faut avoir payé sa livre de la chair du malheur. Avoir été plusieurs fois battu comme Mitterrand ou Chirac, avoir été trompé par sa femme comme Sarkozy, nous faisant vivre d’interminab­les scènes de rupture comme Hollande. Il faut aussi avoir arpenté le terrain pendant des années et s’installer dans le bureau de l’Élysée, couturé par les avanies et les horions. Le problème existentie­l d’Emmanuel Macron est bien là : les Français considèren­t qu’il y a une forme d’injustice dans son élection et le comble, c’est qu’ils ne semblent plus se souvenir qu’ils sont les auteurs de cette iniquité.

Mercredi

Les nouveaux députés La République en marche étaient arrivés, des étoiles plein les yeux, à l’Assemblée nationale en juin . On allait voir ce qu’on allait voir : les parlementa­ires étaient élus pour faire la loi pas pour assister à des banquets de pompiers ou flatter le c… des vaches dans les comices agricoles, et puis on est tellement bien au Palais-Bourbon, servi par des personnels d’une exquise urbanité

et d’une parfaite compétence. Éberlués, décontenan­cés, ahuris, les élus LREM voient leurs permanence­s vandalisée­s, leurs domiciles attaqués, leurs enfants injuriés, eux-mêmes reçoivent des menaces de mort. Allons, les bizuths, arrêtez de pleurnicha­iller ! Tout cela n’est pas nouveau. En cinq mandats, j’ai vu ma permanence mise à sac plusieurs fois, ma maison envahie et du fumier déversé à ma porte, mon fils battu par un instituteu­r gauchiste qui se vengeait ainsi de sa mère, ma voiture détériorée. Quand j’ai soutenu le PACS, j’ai reçu plusieurs milliers de lettres d’injures dont certaines étaient insoutenab­les. Affronter la violence fait partie de la fonction parlementa­ire, c’est tout.

Jeudi

Jean-Pierre Raffarin réclame une fois encore une « nouvelle étape de

la décentrali­sation ». Il voit avec constance le fait de confier les clés du camion aux élus locaux comme la solution à tous les maux. Peutêtre, mais reconnaiss­ons d’abord que ces derniers portent une très lourde responsabi­lité dans les désordres actuels. Car enfin, les classes

modestes qui se sont installées à la campagne, loin de leur zone d’emploi, ne l’ont pas fait pour respirer le bon air et cultiver leur jardin. Ils ont été purement et simplement chassés des villes par un phénomène massif nommé la gentrifica­tion. Les grandes villes françaises et leurs banlieues proches ont vu des politiques d’urbanisme qui ont laissé en face à face les classes moyennes supérieure­s et les ultra-pauvres trop démunis pour fuir et concentrés dans ces métropoles où ils sont logés dans des conditions d’insalubrit­é indigne à deux pas des immeubles luxueux. Même les quartiers réputés populaires il y a une vingtaine d’années n’échappent pas au phénomène. Pour faire bon poids, tous les maires, Anne Hidalgo en tête, sont résolus à chasser la voiture des centres-villes sans pour autant mettre en place les interfaces périphériq­ues qui permettrai­ent de venir y travailler. Si l’on veut réconcilie­r la question écologique et la question sociale, l’urbanisme est au coeur de notre réflexion collective. Or, depuis trente ans, ce sont les maires des zones urbaines qui ont failli. En ce domaine, la décentrali­sation voulue par François Mitterrand a été une gigantesqu­e machine à creuser les inégalités et à déménager le territoire. Sous les coups de boutoir du premier lobby de France que sont les barons locaux, toutes les réformes qui auraient permis de mettre de l’ordre ont échoué. Même avec une volonté d’airain et un consensus citoyen dont on ne voit aucunement les prémisses, il faudra un demi-siècle pour d’abord stopper la machine inégalitai­re, puis reconstrui­re une ville accessible. Raison de plus pour commencer tout de suite, mais comment expliquer à des gens qui bloquent des péages d’autoroute qu’il n’y a de solution aux difficulté­s de leur existence que dans plusieurs décennies ?

Samedi

On le savait et cela n’a pas manqué : le mouvement des « gilets jaunes » s’essouffle et se durcit. Les manifestat­ions parisienne­s n’ont rien de rassurant et l’on voit mal les annonces qui pourraient calmer le jeu. Les Champs-Élysées livrés au chaos par certains émeutiers ivres de haine sont une véritable catastroph­e pour l’image de la France. Quand on voit un manifestan­t jeter au feu un Vélib en criant : c’est toujours ça que les bobos n’auront pas, on devine que ce n’est pas une baisse du prix de l’essence qui aura raison de son ressentime­nt...

« Le problème existentie­l d’Emmanuel Macron est bien là : les Français considèren­t qu’il y a une forme d’injustice dans son élection »

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