Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

«Pouvoir mettre un visage sur les sous-mariniers »

La Journée du sous-marin se tiendra demain à Toulon, berceau de la conquête des profondeur­s. À cette occasion, entretien avec le patron de l’escadrille des sous-marins nucléaires

- PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE-LOUIS PAGÈS plpages@varmatin.com

Porte-hélicoptèr­es, frégates de défense aérienne, frégates multimissi­ons, ou encore bâtiments de soutien et d’assistance hauturier… depuis quelques années, les arrivées de nouvelles unités se succèdent dans le port de guerre de Toulon. Un renouvelle­ment qui gagnera également bientôt les sousmarins. Commandant de l’escadrille des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), le capitaine de vaisseau Cyril de Jaurias nous livre les grands changement­s attendus dans un futur proche.

Que représente pour vous cette journée du sousmarin ?

C’est un moment important pour la communauté des sous-mariniers. C’est l’occasion, pas si fréquente, de nous rassembler autour de nos valeurs. Mais aussi d’honorer la mémoire de tous ceux qui sont morts, qui ont fait le sacrifice de leur vie. C’est important de s’en souvenir car si nous naviguons en sécurité aujourd’hui, c’est grâce à eux. Et puis cette journée est un moment d’ouverture sur la nation. On oublie que les sous-marins sont présents à Toulon depuis plus de  ans. Les Toulonnais vont enfin pouvoir mettre un visage sur les sous-mariniers.

Vous évoquiez les sousmarini­ers disparus en mer. On a commémoré cette année les  ans du naufrage de Êtes-vous favorable à la reprise des recherches de l’épave ?

La Minerve. J’y suis très clairement favorable. Cinquante ans après la disparitio­n de La Minerve, les familles de l’équipage sont encore endeuillée­s. À chaque tragédie, la Marine nationale est touchée dans sa chair et s’associe au deuil des familles. Et nous, sousmarini­ers, sommes particuliè­rement endeuillés par la disparitio­n de nos frères d’armes. Pour toutes ces raisons, la Marine étudie les conditions de reprise des recherches de La Minerve .Des recherches difficiles car la zone est vaste et les eaux profondes. Mais les techniques ont énormément progressé. Un dossier sera donc prochainem­ent présenté à la ministre des Armées à qui reviendra la décision finale.

Et cette « compassion » des sous-mariniers, cette communion plutôt, semble dépasser les frontières. Comment l’expliquez-vous ?

Effectivem­ent. Après la disparitio­n du sous-marin argentin San Juan ,ilyaun an, les sous-mariniers toulonnais ont éprouvé le besoin de se retrouver entre eux. Grâce aux associatio­ns très actives d’anciens sous-mariniers, une cagnotte a été collectée en soutien aux familles argentines endeuillée­s. Pour expliquer cette solidarité, je dirais que, outre la fierté de vivre un métier extraordin­aire, les sousmarini­ers ont en partage l’acceptatio­n d’une prise de risque. Et c’est cette dernière qui nous réunit au-delà des frontières.

Retour à la journée de mardi. Pour les sousmarini­ers qui ont fait de la discrétion un métier, c’est un besoin de reconnaiss­ance ?

Je ne sais pas s’il y a un besoin de reconnaiss­ance de la nation. Mais les sousmarini­ers peuvent être fiers de ce qu’ils font et il est légitime qu’ils aillent audevant de la nation raconter leur métier incroyable. Ou plutôt le milieu incroyable dans lequel ils font des métiers parfois basiques.

Cette journée est-elle utilisée pour recruter de nouveaux sous-mariniers ?

Des experts du recrutemen­t seront présents sur un stand dédié. Que ce soit par les stages de e, la filière Bac Pro, ou les contrats de réserviste qu’on propose l’été, on essaye d’approcher les jeunes par petites touches. On peut également s’appuyer sur la présence de Naval Group qui fera découvrir aux visiteurs les sous-marins du futur.

Que diriez-vous, en quelques mots, à ceux intéressés par le métier de sous-marinier ?

Tentez l’expérience d’embarquer sous la mer. Une expérience humaine extraordin­aire dans un univers opérationn­el inédit. Et inscrivez-vous dans l’histoire des sous-marins à Toulon.

Outre les marins, il faut aussi penser à renouveler les bateaux noirs. Quelle est la date d’arrivée du premier ?

Barracuda Le Suffren, premier de la série, doit être livré à la Marine en . À Toulon, on attend son arrivée avec impatience. Et pas uniquement pour les moyens opérationn­els modernes qu’il va proposer. Si les plus anciens des sousmarini­ers resteront certaineme­nt attachés à leurs bateaux – les SNA actuelleme­nt en service –, pour les plus jeunes, la perspectiv­e d’embarquer à bord de sous-marins du XXIe siècle s’avère plus motivante. C’est un atout indéniable pour le recrutemen­t.

Comment vous préparezvo­us à accueillir le ?

Suffren Il faut adapter les bassins et les quais de la darse de Missiessy. Si, dès la fin , un premier bassin et un quai seront livrés, c’est un énorme chantier, très structuran­t, qui s’étalera sur dix ans. Et puis il faut préparer les équipages à ce changement de bateau. Pour y arriver, l’école de navigation sous-marine a été équipée de simulateur­s en . Depuis , soixante marins sont à Cherbourg et accompagne­nt le projet. Et puis dès l’été prochain, un équipage complet aura été constitué en vue des premiers essais à la mer programmés pour .

Que va apporter cette nouvelle génération de sous-marins ?

Plus modernes, les capacités de détection antisurfac­e et anti-sous-marines seront forcément plus performant­es. Mais les deux grands changement­s résident dans la mise en oeuvre du missile de croisière naval (MdCN), avec lequel on pourra effectuer des frappes dans la profondeur, et la possibilit­é de fixer un Dry Deck Shelter(1) au profit des Forces spéciales. 1. Module amovible qui peut être attaché à un sous-marin pour faciliter à des plongeurs une entrée-sortie lorsque le sous-marin est immergé.

Sous-marinier, un métier extraordin­aire ” La solidarité entre sous-mariniers dépasse les frontières”

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(Photo P. Bl.) Le capitaine de vaisseau Cyril de Jaurias pose devant le SNA Saphir dans la darse de Missiessy.

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