Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
«Pouvoir mettre un visage sur les sous-mariniers »
La Journée du sous-marin se tiendra demain à Toulon, berceau de la conquête des profondeurs. À cette occasion, entretien avec le patron de l’escadrille des sous-marins nucléaires
Porte-hélicoptères, frégates de défense aérienne, frégates multimissions, ou encore bâtiments de soutien et d’assistance hauturier… depuis quelques années, les arrivées de nouvelles unités se succèdent dans le port de guerre de Toulon. Un renouvellement qui gagnera également bientôt les sousmarins. Commandant de l’escadrille des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), le capitaine de vaisseau Cyril de Jaurias nous livre les grands changements attendus dans un futur proche.
Que représente pour vous cette journée du sousmarin ?
C’est un moment important pour la communauté des sous-mariniers. C’est l’occasion, pas si fréquente, de nous rassembler autour de nos valeurs. Mais aussi d’honorer la mémoire de tous ceux qui sont morts, qui ont fait le sacrifice de leur vie. C’est important de s’en souvenir car si nous naviguons en sécurité aujourd’hui, c’est grâce à eux. Et puis cette journée est un moment d’ouverture sur la nation. On oublie que les sous-marins sont présents à Toulon depuis plus de ans. Les Toulonnais vont enfin pouvoir mettre un visage sur les sous-mariniers.
Vous évoquiez les sousmariniers disparus en mer. On a commémoré cette année les ans du naufrage de Êtes-vous favorable à la reprise des recherches de l’épave ?
La Minerve. J’y suis très clairement favorable. Cinquante ans après la disparition de La Minerve, les familles de l’équipage sont encore endeuillées. À chaque tragédie, la Marine nationale est touchée dans sa chair et s’associe au deuil des familles. Et nous, sousmariniers, sommes particulièrement endeuillés par la disparition de nos frères d’armes. Pour toutes ces raisons, la Marine étudie les conditions de reprise des recherches de La Minerve .Des recherches difficiles car la zone est vaste et les eaux profondes. Mais les techniques ont énormément progressé. Un dossier sera donc prochainement présenté à la ministre des Armées à qui reviendra la décision finale.
Et cette « compassion » des sous-mariniers, cette communion plutôt, semble dépasser les frontières. Comment l’expliquez-vous ?
Effectivement. Après la disparition du sous-marin argentin San Juan ,ilyaun an, les sous-mariniers toulonnais ont éprouvé le besoin de se retrouver entre eux. Grâce aux associations très actives d’anciens sous-mariniers, une cagnotte a été collectée en soutien aux familles argentines endeuillées. Pour expliquer cette solidarité, je dirais que, outre la fierté de vivre un métier extraordinaire, les sousmariniers ont en partage l’acceptation d’une prise de risque. Et c’est cette dernière qui nous réunit au-delà des frontières.
Retour à la journée de mardi. Pour les sousmariniers qui ont fait de la discrétion un métier, c’est un besoin de reconnaissance ?
Je ne sais pas s’il y a un besoin de reconnaissance de la nation. Mais les sousmariniers peuvent être fiers de ce qu’ils font et il est légitime qu’ils aillent audevant de la nation raconter leur métier incroyable. Ou plutôt le milieu incroyable dans lequel ils font des métiers parfois basiques.
Cette journée est-elle utilisée pour recruter de nouveaux sous-mariniers ?
Des experts du recrutement seront présents sur un stand dédié. Que ce soit par les stages de e, la filière Bac Pro, ou les contrats de réserviste qu’on propose l’été, on essaye d’approcher les jeunes par petites touches. On peut également s’appuyer sur la présence de Naval Group qui fera découvrir aux visiteurs les sous-marins du futur.
Que diriez-vous, en quelques mots, à ceux intéressés par le métier de sous-marinier ?
Tentez l’expérience d’embarquer sous la mer. Une expérience humaine extraordinaire dans un univers opérationnel inédit. Et inscrivez-vous dans l’histoire des sous-marins à Toulon.
Outre les marins, il faut aussi penser à renouveler les bateaux noirs. Quelle est la date d’arrivée du premier ?
Barracuda Le Suffren, premier de la série, doit être livré à la Marine en . À Toulon, on attend son arrivée avec impatience. Et pas uniquement pour les moyens opérationnels modernes qu’il va proposer. Si les plus anciens des sousmariniers resteront certainement attachés à leurs bateaux – les SNA actuellement en service –, pour les plus jeunes, la perspective d’embarquer à bord de sous-marins du XXIe siècle s’avère plus motivante. C’est un atout indéniable pour le recrutement.
Comment vous préparezvous à accueillir le ?
Suffren Il faut adapter les bassins et les quais de la darse de Missiessy. Si, dès la fin , un premier bassin et un quai seront livrés, c’est un énorme chantier, très structurant, qui s’étalera sur dix ans. Et puis il faut préparer les équipages à ce changement de bateau. Pour y arriver, l’école de navigation sous-marine a été équipée de simulateurs en . Depuis , soixante marins sont à Cherbourg et accompagnent le projet. Et puis dès l’été prochain, un équipage complet aura été constitué en vue des premiers essais à la mer programmés pour .
Que va apporter cette nouvelle génération de sous-marins ?
Plus modernes, les capacités de détection antisurface et anti-sous-marines seront forcément plus performantes. Mais les deux grands changements résident dans la mise en oeuvre du missile de croisière naval (MdCN), avec lequel on pourra effectuer des frappes dans la profondeur, et la possibilité de fixer un Dry Deck Shelter(1) au profit des Forces spéciales. 1. Module amovible qui peut être attaché à un sous-marin pour faciliter à des plongeurs une entrée-sortie lorsque le sous-marin est immergé.
Sous-marinier, un métier extraordinaire ” La solidarité entre sous-mariniers dépasse les frontières”