Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Jérôme Chartier : « Il est temps que je porte ma propre parole »

Conseiller spécial de François Fillon pendant la campagne présidenti­elle, Jérôme Chartier sort du silence après un an et demi de diète médiatique

- PROPOS RECUEILLIS PAR DENIS CARREAUX dcarreaux@nicematin.fr 1.Après l’élection législativ­e perdue dans le Val-d’Oise. 2. La 15e édition de ce rendez-vous de réflexion se tient vendredi et samedi dans le Val-d’Oise autour du thème « Être une femme ». 3.Vir

C’est un grand brûlé de la politique. Porte-parole puis conseiller de François Fillon, Jérôme Chartier a été fidèle jusqu’au dernier jour. Encaissant coup sur coup la déroute de son candidat et sa propre défaite aux législativ­es dans le Val-d’Oise, le vice-président (LR) de la région Ile-de-France a vécu une descente aux enfers politique. Un an et demi après la présidenti­elle, il a choisi Nice-Matin pour sa première interview. Celle d’un revenant.

Vous avez disparu des radars après la défaite de François Fillon. Comment avez-vous traversé cette épreuve ?

En trois mois, je suis passé du statut de conseiller spécial du candidat élu d’avance et futur ministre du premier cercle à celui de légionnair­e du dernier carré, puis défait. Lorsque je repense à cela, je n’en tire ni amertume ni regret. Face au choc tellurique de la présidenti­elle de , j’ai pris le temps d’encaisser l’impact, de l’assimiler, de le comprendre et d’en tirer une force nouvelle.

Vous avez été fidèle jusqu’au bout à François Fillon. Vous ne l’avez jamais regretté ?

Je ne me suis jamais posé la question d’abandonner. Simplement parce que n’est pas ma nature. La fidélité est une conviction, pas une posture. Certes, on en assume ensuite les conséquenc­es, même les plus rudes. Mais ça ne peut remettre en cause ce que l’on est profondéme­nt.

Vous ne lui en avez jamais voulu ?

J’estime que beaucoup de ce qui a été reproché à François Fillon aurait pu être parfaiteme­nt expliqué si nous n’avions pas été plongés à ce moment-là dans un tsunami médiatique et judiciaire qui a dépassé ses propres acteurs. Et à cause de cela, nous sommes tous passés à côté de l’enjeu de l’élection. Ce rendez-vous présidenti­el, plus qu’un autre, c’était le choix de l’avenir du pays, et le débat a été totalement occulté. Macron croyait avoir gagné facilement en surfant sur le tsunami, il paye aujourd’hui au prix fort ce débat volé. Personne ne comprend le sens général des réformes, et impossible de demander des efforts aux Français s’ils ne savent pas à quoi ça sert. Cette incompréhe­nsion se retrouve chez les Français qui ont revêtu un gilet jaune ces derniers jours, chez les retraités avec la CSG en plus et la pension en moins, chez les maires de France qui sont le socle de la République. Quel est le sens de ces efforts. Vers où Macron veut conduire le pays ? Quel est le calendrier ? Quelle est sa vision ? Voilà à quoi sert un débat présidenti­el.

Qu’avez-vous fait après le choc de la défaite à la présidenti­elle ?

J’ai beaucoup voyagé, en France, à travers le monde. J’ai observé, écouté, parfois simplement en m’installant à la terrasse d’un café. Si le téléphone a arrêté de sonner après juillet  (), j’ai pu compter néanmoins sur des personnes d’une rare fidélité. Notamment François Fillon qui m’appelait tous les jours, on se voyait plusieurs fois par semaine. Et puis Valérie Pécresse qui m’a confirmé dans mes fonctions de numéro  de la région Ile-de-France en me confiant le portefeuil­le convoité des relations internatio­nales et celui du Grand Paris, alors que certains de mes « meilleurs amis » (rires) lui avaient chaudement recommandé de m’achever en me plantant un glaive entre les omoplates. Je pense aussi à d’autres. C’est aussi dans ces moments de reconstruc­tion qu’on reconnaît ses amis. Pour autant, vous n’avez pas décidé de faire une croix sur la politique. De quoi avez-vous envie ? Ce temps fut mon chemin de Damas. J’ai compris que mon engagement était pour mon pays et pour sa République, et qu’il n’y en avait pas d’autre pour moi. Je me sens profondéme­nt heureux aujourd’hui, comme je crois que je ne l’ai pratiqueme­nt jamais été dans une vie politique faite essentiell­ement de contrainte­s. Heureux d’agir comme je le fais à la région, aux Entretiens de Royaumont () qui sont devenus le premier rendez-vous des francophil­es du monde entier, ailleurs aussi. Je ne suis plus dans l’urgence d’exister et je n’ai plus envie de m’exprimer dans le commentair­e. Je l’ai trop fait, et ça ne grandit jamais le politique. Surtout, j’ai compris qu’il était temps que je porte désormais ma parole plutôt que de porter celle d’autres.

Votre entourage n’a pas tenté de vous faire lâcher la politique ?

J’ai la chance de partager la vie d’une femme merveilleu­se () qui a été là à tous les instants et qui est ma première supportric­e. Quand on vit une période aussi rude que celle que j’ai traversée, être aimé procure une force sans commune mesure.

Vous pensez trouver votre place au sein des Républicai­ns ?

Cette grande famille politique a été l’objet après la campagne présidenti­elle d’une tentative de déstabilis­ation de quelques-uns qui voulaient entraîner dans leur sillage les élus et militants du mouvement vers Emmanuel Macron. Un an et demi après, leur opération a échoué. Les Républicai­ns restent une grande force, qui n’a pas encore retrouvé toute sa vigueur et doit achever sa phase de remise en question. Mais ce n’est pas parce que le parti est peu audible en ce moment qu’il ne doit pas se préparer avec déterminat­ion pour être prêt au moment où il le redeviendr­a. Il doit se consacrer à la constructi­on d’une alternativ­e politique nouvelle s’appuyant sur une vision absolument réaliste de la société française d’aujourd’hui, et le faire en respectant toutes celles et tous ceux qui incarnent cette grande famille. Il y aura un moment, dans pas si longtemps, où les Français retendront l’oreille vers les Républicai­ns.

Ce moment se fait attendre...

J’estime que nous sommes dans une phase intermédia­ire de l’histoire des Républicai­ns, qui se situe entre la relance de l’UMP par Nicolas Sarkozy et la présidenti­elle de . Elle ouvre une possibilit­é majeure, celle de renouveler profondéme­nt la façon de faire de la politique pour un parti. Pendant un temps, les Français de la Droite et du Centre ont apporté leur soutien à Emmanuel Macron parce qu’ils ont pu penser qu’il incarnait un

Personne ne comprend le sens général des réformes” Nous sommes dans une phase intermédia­ire de l’histoire des Républicai­ns ”

« nouveau monde » et qu’il allait réaliser une bonne part du programme de François Fillon. Un an après, l’illusion a volé en éclats, elle n’a pas résisté à la règle du « en même temps » qui consiste à vouloir tout concilier et donc rien décider franchemen­t.

Vous avez beaucoup voyagé depuis un an. Quels enseigneme­nts en tirez-vous ?

Que les seuls politiques plébiscité­s sont ceux qui obtiennent des résultats pour l’emploi, l’économie et la sécurité. L’efficacité du politique est le seul rempart contre le populisme, et détourner le terme comme le fait le chef de l’Etat ne changera pas la nature du risque sur la démocratie. Je tire aussi de mes voyages mon effroi sur les conséquenc­es des changement­s climatique­s. La situation est encore plus grave que ce qu’on peut imaginer, l’avenir de la race humaine est directemen­t menacé. Et j’ai l’impression que les chefs d’Etat se satisfont globalemen­t de leur impuissanc­e... Ce fléau impactera tôt ou tard la France directemen­t et gravement. S’y résoudre est un fait. S’y préparer est un devoir, ça n’est même plus une option.

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(Photo Olivier Corsan/Le Parisien)

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