Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
M.-S. Roger: “Mes personnages pourraient être des gilets jaunes”
L’auteure à succès est venue présenter son dernier ouvrage Les Bracassées à la librairie Papiers collés
Cent. C’est le nombre impressionnant d’ouvrages, parmi lesquels pas mal d’albums pour la jeunesse, qu’a déjà publiés Marie-Sabine Roger, ancienne enseignante se consacrant depuis 15 ans entièrement à l’écriture. Bien lui en a pris d’ailleurs. Ses livres se vendent bien et certains comme La Tête en friche ou Bon rétablissement, ont même été adaptés au cinéma par Jean Becker. Une reconnaissance mérité pour cette auteure qui n’a pas son pareil pour inventer des personnages hors du commun, comme Fleur et Harmonie, les deux héroïnes de son dernier roman, Les Bracassées, qu’elle est venue dédicacer à la librairie Papiers collés. Nous l’avons rencontrée à cette occasion.
Être adaptée au cinéma, c’est comme obtenir le Goncourt ?
Je ne sais pas, je n’ai jamais eu ce prix et donc je ne me suis jamais posé la question (rires). Mais il est certain qu’un film permet de populariser rapidement un livre et de faire connaître son auteur. C’est toutefois une arme à double tranchant car ceux qui voient d’abord le film, n’ont pas forcément envie de lire le livre ensuite.
Si vous aviez eu le choix de faire le casting de la Tête en friche, auriez-vous choisi les mêmes acteurs que Jean Becker pour interpréter les personnages du livre ?
Je trouve que Gisèle Casadesus est totalement raccord dans le rôle de Margueritte. Par contre, je n’aurai pas choisi Gérard Depardieu dans celui de Germain, le personnage de mon livre est plus jeune que lui. Depardieu est tout de même très touchant. Il a sans doute mis beaucoup de lui dans ce rôle en pensant à son propre père qui comme Germain, était analphabète. Les personnages de vos romans sont généralement peu ordinaires, comment les qualifieriez-vous ? Ils sont décalés, attachants. Dans les Bracassées, Fleur et Harmonie ont toutes les deux un handicap assez lourd à porter. L’une est obèse et agoraphobe, l’autre souffre du syndrome de Gilles de la Tourette et tient tout le temps des propos orduriers. A travers elles, je voulais montrer qu’on est tous un peu handicapés. On a tous nos fragilités, nos failles qu’on ne montre pas aux autres. Mais quand on change le regard que l’on porte sur soi ou sur les autres, ça change la vie.
Est-ce que Fleur et Harmonie pourraient faire partie des gilets jaunes ? On pourrait effectivement les rencontrer sur les ronds-points. Comme les gilets jaunes elles ne font pas partie des nantis et se trouvent un peu perdues et pas entendues dans la société. Tout en se sentant mal regardées.
Que pensez-vous justement de ce mouvement de protestation ?
Il est populaire et si l’on peut regretter les débordements, ça fait réfléchir. En tout cas ce mouvement ne va pas passer comme ça car les gens se sentent écartés du pouvoir. Ce n’est pas Mai toutefois... J’espère seulement que ce mouvement des Gilets jaunes ne sera pas récupéré, ni encarté. Et restera celui des gens tout simplement.
Dans vos livres vous traitez toujours de sujets graves, le handicap, la solitude des personnes âgées, l’hôpital... Mais toujours avec humour, c’est votre marque de fabrique ?
Je ne fais pas des livres rigolos mais on peut en rire, même si les sujets abordés sont graves. C’est pour moi un moyen de provoquer l’empathie du lecteur pour mes personnages mais sans pour autant se moquer d’eux. Du coup ils sont plus faciles à approcher. Et puis je pense que le rire est une émotion importante. Aujourd’hui on l’évacue trop souvent de la littérature. On dit même que ce n’est pas de la littérature quand on fait rire. Pourtant Molière ou Rabelais savaient le faire dans leurs oeuvres...
Où allez-vous chercher tous vos bras cassés ?
Je ne vais pas les chercher, ce sont eux qui viennent à moi et je les écoute comme si c’étaient de vrais personnages. Cela surprend les gens quand je dis ça mais ce n’est pas une posture d’auteur.