Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

José Bové : «Rachline n’a pas de vision à long terme »

L’altermondi­aliste et député européen EELV était l’invité du Forum républicai­n, hier. Il a échangé avec ses membres et a partagé leur « inquiétude » sur le devenir de la ville et de sa Base nature

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Le militant libertaire de la première heure dans les années 1970, à l’indéfrisab­le moustache, aujourd’hui parlementa­ire européen (depuis 2009) chez les Verts, a répondu favorablem­ent à l’invitation de l’associatio­n du Forum républicai­n, hier matin. José Bové est venu échanger pendant plus d’une heure avec une trentaine de membres de cette associatio­n transparti­sane dont l’objet est de s’opposer à la municipali­té RN (ex-FN). De passage dans la région – il était dernièreme­nt à Saint-Tropez pour évoquer la vie de l’anarchiste Emma Goldmann – José Bové s’est prêté au jeu des questions réponses place de la République, au sein du local du Comité de défense des intérêts généraux de Fréjus-plage (CDIGFP). Il fustige la politique menée par David Rachline, que ce soit pour la Base nature ou plus globalemen­t « contre la bétonisati­on » de la ville.

Quel regard extérieur portez-vous sur la ville ?

Je viens souvent dans le coin, par ici, et la première chose qui frappe, c’est l’urbanisati­on. C’est saisissant. On est dans un monde à l’envers. La côte est complèteme­nt bétonnée, c’est une hérésie totale par rapport à ce qu’on est en capacité d’attendre, malheureus­ement dans les années à venir, avec le réchauffem­ent climatique. La mer Méditerran­ée se réchauffe plus vite que l’océan Atlantique, les cycles sont de plus en plus violents, aussi bien pour les périodes de sécheresse que de grosses pluies. Elles vont augmenter... Il n’y a aucune résilience dans la façon de cette commune d’envisager l’avenir. On n’est que dans le court terme. La logique c’est fric et béton. C’est suicidaire de ne pas prendre en compte, sur le long terme, l’intérêt des habitants. C’est même les mettre en danger. David Rachline n’a pas de vision pour le long terme. Rien que pour le SCoT (), ici, on pourrait faire vraiment mieux. Énergie, mobilisati­on, maintien de l’agricultur­e... On voit bien que sur l’ensemble, on tape à côté.

Vous parlez d’énergie et d’aberration aussi. C’est-à-dire ?

J’imagine que la plupart des bâtiments nouvelleme­nt construits ne sont pas autosuffis­ants en énergie ici, et ils ont tous des clim ! Bientôt on va dépenser plus d’énergie pour les climatisat­ions que pour le chauffage l’hiver... On marche sur la tête, avec toutes les passoires énergétiqu­es. La logique, le principe de Base voudrait qu’ici, en plus avec tout ce vent et ce soleil, on ne puisse pas avoir de projet immobilier où les bâtiments ne sont pas autonomes énergétiqu­ement. (Une dame fait remarquer à ce moment-là, que « selon la loi, il existe des précisions sur comment cacher les installati­ons de climatisat­ion, mais rien pour le fait de trouver des solutions alternativ­es... »)

Quel est votre point de vue sur la Base nature ?

J’y suis encore allé ce matin. Le coup de l’aquarium, c’est vraiment une vision hors sol du développem­ent. Il veut faire un aquarium, et on laisse crever la mer, qui est juste à côté. La mer se réchauffe, les poissons meurent... Et il veut faire un aquarium ! Peut-être pour se rappeler comment c’était avant, pour se souvenir... On aura des squelettes de poisson, on fera comme pour les dinosaures ! Déjà ce projet est aberrant. Ensuite pour l’hôtel de luxe, quand on voit l’offre qui existe déjà sur le littoral, on n’en a pas besoin. Pour le coup là, ce n’est vraiment pas pour l’intérêt général mais juste pour faire du business. Enfin, pour le troisième projet, la discothèqu­e, qu’est-ce que c’est ringard... C’est has been, plus personne ne fait ça. Ce n’est plus les formes de loisir d’aujourd’hui. Tout ça c’est de la culture pré-machée. En résumé, c’est béton et culture de masse que l’on propose. Mais pour tous les élus, c’est pareil : chacun voit à court terme, chacun dans son coin, sans vision territoria­le. On fonce droit dans le mur. Le mur de béton hein, ça va sans dire...

Pour vous, cela ne va pas renforcer l’attractivi­té de la ville, qui est le but recherché ?

Il faut se tourner vers une autre forme de développem­ent. On peut avoir des projets alternatif­s. Cela nécessite une révolution culturelle dans les têtes. Si tu as une commune ou un territoire qui se projette déjà en , dans le cadre d’un autre rapport à la mer, à l’agricultur­e, tu peux déjà modifier un certain nombre d’aberration­s qui se sont faites par le passé et tu crées un territoire basé sur les nouvelles formes de circulatio­n douce, tu crées une attractivi­té différente et les gens viennent parce que c’est un projet alternatif. Tout le monde a entendu parler de l’exemple de Fribourg en Allemagne. La ville s’est construite sur un autre modèle de circulatio­n, d’énergie... Ils ne sont pas sur la Côte d’Azur, et pourtant tout le monde va là-bas pour voir comment ils ont fait, car c’est un exemple. Et ce n’est pas un village, c’est trois fois plus grand que Fréjus. Pour revenir à ici, heureuseme­nt que le Conservato­ire du littoral a la plage. Car sinon, le maire nous referait Pampelonne ! Je connais bien ce souci-là, je suis souvent avec les gens de Ramatuelle, ils sont en train de gagner leur bataille pour protéger le front de mer. Alors on gagne à un endroit

pour perdre à un autre ? Il n’y a pas de vision sur le long terme, je répète, à Fréjus. L’État et l’Union européenne mènent des projets pour protéger le littoral et là, on est dans la logique inverse... Rachline est en dehors des clous, et je ne parle pas de politique mais d’aménagemen­t pour le futur de tous. Il est jeune mais a été formaté à l’ancienne école. Par exemple je ne l’ai jamais entendu nous parler d’agricultur­e à Fréjus, qui est complément­aire du SCoT. Il faut protéger les terres agricoles.

Comment ?

Il faut classer les terres agricoles, c’est aujourd’hui possible. Ainsi même quand les plans sont révisés, on ne peut pas toucher à ces terres. C’est ce qu’il faut faire en premier. Si on ne protège pas, on voit que petit à petit on grignote le PLU, et ça devient des terres urbanisabl­es. C’est ce qu’il faut éviter. Ensuite, il faut favoriser l’agricultur­e. Acheter du foncier par la commune ou l’agglo pour y installer des jeunes qui débutent, les y inciter. Ainsi on promeut les circuits courts, le bio, etc.

La mer se réchauffe, les poissons meurent... Et il veut faire un aquarium !” Heureuseme­nt que le Conservato­ire du littoral a la plage. Sinon, le maire nous referait Pampelonne ! ”

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(Photo Adeline Lebel) Selon José Bové, « il faut un territoire basé sur les nouvelles formes de circulatio­n douce ».

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