Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
La colère des lycéens dérape vers la violence À Toulon, les revendications noyées dans le chaos
À Toulon, La Seyne, Hyères, mais aussi Six-fours ou La Garde, les lycéens ont pris les rues d’assaut pour défier le gouvernement et les forces de l’ordre. Récit d’une journée délétère dans la métropole
A
près leur « tour de chauffe » vendredi dernier, les lycéens de la métropole sont, de nouveau, descendus dans la rue. Dans le sillage des Gilets jaunes, ils ont manifesté leur colère contre le gouvernement. Mais alors que leurs aînés étaient restés calmes, samedi, au moins dans le Var, les jeunes n’ont pas hésité à monter au créneau face aux forces de l’ordre, & qui ont répliqué à coups de grenades lacrymogènes. Contrairement aux rumeurs qui ont circulé sur les réseaux sociaux, aucun mort n’est à déplorer. Mais aujourd’hui, dès h , les lycéens ont prévu de se rassembler de nouveau (autour de la place de la Liberté pour les Toulonnais). En espérant que, cette fois, la situation ne dégénère pas. Le mot d’ordre qui circulait sur les réseaux sociaux laissait clairement entendre que certains jeunes, au moins, seraient là pour en découdre. « Faut rester sur la route, la bloquer et faire cramer des trucs. N’oubliez pas de ramener tout ce que vous avez pour faire du feu : des produits inflammables (déodorant, dissolvant). Si possible, venez habillés en noir. » Il est 7 h 30, hier matin à Toulon, lorsque les premiers lycéens se rassemblent devant leurs établissements. À Dumont-d’Urville, à Bonaparte, au Parc-Saint-Jean, à Rouvière, à Anne-Sophie-Pic. Ils veulent dire, comme leurs aînés aux gilets jaunes, leur ras-le-bol contre un système qu’ils estiment injuste. Ils dénoncent la réforme du bac, le prix des études qui augmente, Parcoursup… Des revendications claires, bientôt dissoutes dans les premiers nuages de gaz lacrymogènes.
Projectiles contre lacrymogène
Il n’est pas encore 9 heures, lorsque les élèves de Bonaparte prennent le large en courant vers la place de la Liberté. Ils espèrent éviter d’être atteints par les grenades irritantes que les policiers, présents en nombre aux abords de la place GabrielPéri, viennent de lancer pour les disperser. Bruno, du snack bien connu Le Palais du sandwich, est aux premières loges. «Tout est parti, raconte-t-il, lorsque les policiers ont voulu écarter les jeunes afin de laisser passer un bus.» Des lycéens auraient alors été malmenés par les forces de l’ordre. « Ce n’est pas normal d’attaquer les jeunes comme ça, s’insurge Tania, en terminale à Bonaparte. Moi, je voulais juste manifester contre l’économie française. » N’empêche que devant le lycée, des pierres jonchent la chaussée. Preuve que ces derniers ne se sont pas contentés de crier «Macron démission !». Des projectiles sont en effet lancés vers les forces de l’ordre, qui ripostent à coup de lacrymo, dispersant la foule.
« Insurrectionnelle »
Entre temps, les élèves de Bonaparte ont été rejoints par leurs camarades des autres lycées, venus à pied, défiant le trafic des automobiles toujours en circulation. La situation se tend. Se répète tout au long de la matinée. Jets de projectiles. Lacrymo. Reculade. Un peu avant 10 heures, Marc Durand, le proviseur de Bonaparte, n’hésite pas à décrire une situation « insurrectionnelle » à l’extérieur du lycée, alors que, précise-t-il, « sept ou huit cents élèves ont choisi de venir en cours ». Parmi ceux qui ont préféré manifester, certains restent toutefois en retrait : « Je trouve ça débile, on n’a pas besoin d’en arriver là », s’agace Maurin, les yeux rougis par les gaz lacrymogènes. Pour Lilyah, perchée sur un petit monticule, gilet jaune accroché à un bâton qu’elle brandit comme un drapeau,
«jeter des cailloux sur les policiers, ce n’est pas normal, mais c’est eux qui ont commencé! ». Kenza justifie : «Si on n’a pas la parole, on aura les actes! On n’est pas là pour brûler des poubelles, mais pour se battre pour notre avenir. »
Vive le Portugal
Pour les autres, l’excitation monte à mesure que les revendications se font plus vagues. «On en a marre de l’école », lance un jeune homme, tandis qu’une lycéenne explique qu’« en France, on paye le paquet de clopes 8 euros contre 5 au Portugal : c’est dire les taxes qu’on bouffe.
» Les Portugais et leur situation économique, certes, en redressement, mais pas florissante, apprécieront. Tous se rassemblent un peu plus bas, sur le boulevard Maréchal-Foch où un impressionnant amas de plots en plastique et de matériel de chantier flambe. Jets de projectiles. Lacrymo. Reculade. Les forces de l’ordre gagnent du terrain, repoussant les manifestants vers l’entrée ouest de Toulon. Là, de nouveaux feux sont allumés, au beau milieu de la route, alors que des véhicules continuent d’aller et venir.
Des Gilets jaunes font la circulation
Un petit groupe de Gilets jaunes tente de faire la circulation au début de l’avenue du XVe-Corps, au Pont-du-las. «Nous aussi, on en a ras-le-cul, explique Johnny, 28 ans, accompagné de Lucas et Grégoire. Mais brûler, caillasser… On est venu de manière pacifique, pour que ça se passe le mieux possible. » Et de relever une poubelle renversée sur la route. Pendant ce temps-là… Jets de projectiles. Lacrymo. Reculade. Jusqu’à ce que, vers midi, trop de jeunes aient jeté l’éponge pour que la mobilisation se poursuive. « Ça y est, il n’y a plus rien là», regrette presque un jeune homme. « Ça fait longtemps que je n’ai pas eu d’action comme ça », se ravit un autre.