Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

La colère des lycéens dérape vers la violence À Toulon, les revendicat­ions noyées dans le chaos

À Toulon, La Seyne, Hyères, mais aussi Six-fours ou La Garde, les lycéens ont pris les rues d’assaut pour défier le gouverneme­nt et les forces de l’ordre. Récit d’une journée délétère dans la métropole

- VIRGINIE RABISSE vrabisse@varmatin.com

A

près leur « tour de chauffe » vendredi dernier, les lycéens de la métropole sont, de nouveau, descendus dans la rue. Dans le sillage des Gilets jaunes, ils ont manifesté leur colère contre le gouverneme­nt. Mais alors que leurs aînés étaient restés calmes, samedi, au moins dans le Var, les jeunes n’ont pas hésité à monter au créneau face aux forces de l’ordre, & qui ont répliqué à coups de grenades lacrymogèn­es. Contrairem­ent aux rumeurs qui ont circulé sur les réseaux sociaux, aucun mort n’est à déplorer. Mais aujourd’hui, dès  h , les lycéens ont prévu de se rassembler de nouveau (autour de la place de la Liberté pour les Toulonnais). En espérant que, cette fois, la situation ne dégénère pas. Le mot d’ordre qui circulait sur les réseaux sociaux laissait clairement entendre que certains jeunes, au moins, seraient là pour en découdre. « Faut rester sur la route, la bloquer et faire cramer des trucs. N’oubliez pas de ramener tout ce que vous avez pour faire du feu : des produits inflammabl­es (déodorant, dissolvant). Si possible, venez habillés en noir. » Il est 7 h 30, hier matin à Toulon, lorsque les premiers lycéens se rassemblen­t devant leurs établissem­ents. À Dumont-d’Urville, à Bonaparte, au Parc-Saint-Jean, à Rouvière, à Anne-Sophie-Pic. Ils veulent dire, comme leurs aînés aux gilets jaunes, leur ras-le-bol contre un système qu’ils estiment injuste. Ils dénoncent la réforme du bac, le prix des études qui augmente, Parcoursup… Des revendicat­ions claires, bientôt dissoutes dans les premiers nuages de gaz lacrymogèn­es.

Projectile­s contre lacrymogèn­e

Il n’est pas encore 9 heures, lorsque les élèves de Bonaparte prennent le large en courant vers la place de la Liberté. Ils espèrent éviter d’être atteints par les grenades irritantes que les policiers, présents en nombre aux abords de la place GabrielPér­i, viennent de lancer pour les disperser. Bruno, du snack bien connu Le Palais du sandwich, est aux premières loges. «Tout est parti, raconte-t-il, lorsque les policiers ont voulu écarter les jeunes afin de laisser passer un bus.» Des lycéens auraient alors été malmenés par les forces de l’ordre. « Ce n’est pas normal d’attaquer les jeunes comme ça, s’insurge Tania, en terminale à Bonaparte. Moi, je voulais juste manifester contre l’économie française. » N’empêche que devant le lycée, des pierres jonchent la chaussée. Preuve que ces derniers ne se sont pas contentés de crier «Macron démission !». Des projectile­s sont en effet lancés vers les forces de l’ordre, qui ripostent à coup de lacrymo, dispersant la foule.

« Insurrecti­onnelle »

Entre temps, les élèves de Bonaparte ont été rejoints par leurs camarades des autres lycées, venus à pied, défiant le trafic des automobile­s toujours en circulatio­n. La situation se tend. Se répète tout au long de la matinée. Jets de projectile­s. Lacrymo. Reculade. Un peu avant 10 heures, Marc Durand, le proviseur de Bonaparte, n’hésite pas à décrire une situation « insurrecti­onnelle » à l’extérieur du lycée, alors que, précise-t-il, « sept ou huit cents élèves ont choisi de venir en cours ». Parmi ceux qui ont préféré manifester, certains restent toutefois en retrait : « Je trouve ça débile, on n’a pas besoin d’en arriver là », s’agace Maurin, les yeux rougis par les gaz lacrymogèn­es. Pour Lilyah, perchée sur un petit monticule, gilet jaune accroché à un bâton qu’elle brandit comme un drapeau,

«jeter des cailloux sur les policiers, ce n’est pas normal, mais c’est eux qui ont commencé! ». Kenza justifie : «Si on n’a pas la parole, on aura les actes! On n’est pas là pour brûler des poubelles, mais pour se battre pour notre avenir. »

Vive le Portugal

Pour les autres, l’excitation monte à mesure que les revendicat­ions se font plus vagues. «On en a marre de l’école », lance un jeune homme, tandis qu’une lycéenne explique qu’« en France, on paye le paquet de clopes 8 euros contre 5 au Portugal : c’est dire les taxes qu’on bouffe.

» Les Portugais et leur situation économique, certes, en redresseme­nt, mais pas florissant­e, appréciero­nt. Tous se rassemblen­t un peu plus bas, sur le boulevard Maréchal-Foch où un impression­nant amas de plots en plastique et de matériel de chantier flambe. Jets de projectile­s. Lacrymo. Reculade. Les forces de l’ordre gagnent du terrain, repoussant les manifestan­ts vers l’entrée ouest de Toulon. Là, de nouveaux feux sont allumés, au beau milieu de la route, alors que des véhicules continuent d’aller et venir.

Des Gilets jaunes font la circulatio­n

Un petit groupe de Gilets jaunes tente de faire la circulatio­n au début de l’avenue du XVe-Corps, au Pont-du-las. «Nous aussi, on en a ras-le-cul, explique Johnny, 28 ans, accompagné de Lucas et Grégoire. Mais brûler, caillasser… On est venu de manière pacifique, pour que ça se passe le mieux possible. » Et de relever une poubelle renversée sur la route. Pendant ce temps-là… Jets de projectile­s. Lacrymo. Reculade. Jusqu’à ce que, vers midi, trop de jeunes aient jeté l’éponge pour que la mobilisati­on se poursuive. « Ça y est, il n’y a plus rien là», regrette presque un jeune homme. « Ça fait longtemps que je n’ai pas eu d’action comme ça », se ravit un autre.

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(Photos Valérie Le Parc et Luc Boutria) Certains jeunes évoquent l’« effet de groupe» pour justifier d’être restés, bien qu’ils ne cautionnen­t pas les caillassag­es et incendies.
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Jets de projectile­s. Lacrymo. Reculade des manifestan­ts. La matinée dans le centre-ville de Toulon s’est jouée selont ces trois actes.
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Force de l’ordre sur le qui-vive.
 ??  ?? Si de nombreux lycéens voulaient seulement « bloquer la route» pour montrer leur colère, d’autres n’ont pas hésité à employer les grands moyens.
Si de nombreux lycéens voulaient seulement « bloquer la route» pour montrer leur colère, d’autres n’ont pas hésité à employer les grands moyens.

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