Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Savoir naviguer !

- de DENIS JEAMBAR Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Le passé en témoigne : depuis le début de la Ve République, aucun président, pas même le général de Gaulle, n’a réussi à résister à une éruption sociale violente. Tous ont essayé de jouer l’usure, tous ont fini par renoncer aux mesures qui avaient allumé l’incendie de la révolte. Face au mouvement des « gilets jaunes », Emmanuel Macron a jusqu’ici refusé de prendre une décision symbolique forte pour désamorcer la crise. Par exemple, un moratoire sur la hausse des taxes sur les carburants. Plus il attend, plus les revendicat­ions s’élargissen­t, s’exaspèrent et font enfler le coût politique - et économique - de la capitulati­on. Pour l’heure, cependant, le chef de l’Etat campe sur ses positions et recourt à des gestes qui rappellent l’ancien monde comme cette consultati­on par le Premier ministre des dirigeants des partis politiques et des syndicats ou cette annonce d’un débat à l’Assemblée nationale. Bref, le Président essaye de réanimer une démocratie représenta­tive qu’il n’a cessé de bousculer et convoque des interlocut­eurs qu’il a voulu discrédite­r. Il se retourne vers les battus de  qui, en outre, n’ont pas retrouvé le moindre crédit au plan national. En fait, il rejoint le camp de ceux que les Français ont rejeté il y a  mois. Rejet qui a fait son succès, dont on mesure aujourd’hui la fragilité. Ce chemin-là, de toute évidence, ne peut dessiner une sortie de crise. Or celle-ci devient urgente car le mouvement ne s’essouffle pas, il se radicalise et, comme le montre le sondage Harris Interactiv­e réalisé hier pour RTL, il conserve un soutien massif des Français : % malgré les scènes de violence inadmissib­les qui se sont déroulées samedi à Paris et que les personnes interrogée­s condamnent à %. Faut-il attendre un nouveau samedi noir pour enfin trouver une réponse symbolique qui désamorcer­ait cette machine infernale ? Le Président, qui a le culte des héros, se vit peut-être lui-même en héros résistant seul à la tête du pays dans une Histoire soudain tragique. Sa grandeur serait pourtant d’abandonner la posture du seul contre tous qu’il a prise. Certes, il en sortira abîmé mais moins que s’il laisse le pays basculer dans un drame plus grand encore. Tous ses prédécesse­urs ont pu gouverner après un sage recul devant une France cabrée. Il y a une forme de courage à savoir changer de cap pour éviter la tempête avant de reprendre sa route. Gouverner c’est prévoir mais c’est aussi savoir naviguer quand l’imprévu vous tombe dessus.

« Une sortie de crise devient urgente car le mouvement ne s’essouffle pas, il se radicalise ».

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