Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Savoir naviguer !
Le passé en témoigne : depuis le début de la Ve République, aucun président, pas même le général de Gaulle, n’a réussi à résister à une éruption sociale violente. Tous ont essayé de jouer l’usure, tous ont fini par renoncer aux mesures qui avaient allumé l’incendie de la révolte. Face au mouvement des « gilets jaunes », Emmanuel Macron a jusqu’ici refusé de prendre une décision symbolique forte pour désamorcer la crise. Par exemple, un moratoire sur la hausse des taxes sur les carburants. Plus il attend, plus les revendications s’élargissent, s’exaspèrent et font enfler le coût politique - et économique - de la capitulation. Pour l’heure, cependant, le chef de l’Etat campe sur ses positions et recourt à des gestes qui rappellent l’ancien monde comme cette consultation par le Premier ministre des dirigeants des partis politiques et des syndicats ou cette annonce d’un débat à l’Assemblée nationale. Bref, le Président essaye de réanimer une démocratie représentative qu’il n’a cessé de bousculer et convoque des interlocuteurs qu’il a voulu discréditer. Il se retourne vers les battus de qui, en outre, n’ont pas retrouvé le moindre crédit au plan national. En fait, il rejoint le camp de ceux que les Français ont rejeté il y a mois. Rejet qui a fait son succès, dont on mesure aujourd’hui la fragilité. Ce chemin-là, de toute évidence, ne peut dessiner une sortie de crise. Or celle-ci devient urgente car le mouvement ne s’essouffle pas, il se radicalise et, comme le montre le sondage Harris Interactive réalisé hier pour RTL, il conserve un soutien massif des Français : % malgré les scènes de violence inadmissibles qui se sont déroulées samedi à Paris et que les personnes interrogées condamnent à %. Faut-il attendre un nouveau samedi noir pour enfin trouver une réponse symbolique qui désamorcerait cette machine infernale ? Le Président, qui a le culte des héros, se vit peut-être lui-même en héros résistant seul à la tête du pays dans une Histoire soudain tragique. Sa grandeur serait pourtant d’abandonner la posture du seul contre tous qu’il a prise. Certes, il en sortira abîmé mais moins que s’il laisse le pays basculer dans un drame plus grand encore. Tous ses prédécesseurs ont pu gouverner après un sage recul devant une France cabrée. Il y a une forme de courage à savoir changer de cap pour éviter la tempête avant de reprendre sa route. Gouverner c’est prévoir mais c’est aussi savoir naviguer quand l’imprévu vous tombe dessus.
« Une sortie de crise devient urgente car le mouvement ne s’essouffle pas, il se radicalise ».