Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Le porte-avions Charlesde-Gaulle . est arrivé
Au bout d’un an et demi d’un chantier titanesque qui l’a fait pleinement entrer dans le XXIe siècle, le porte-avions français reprend goût au grand large. Au printemps, il sera opérationnel
Après dix-huit mois d’immobilisation dans l’étroitesse des bassins Vauban, le Charles-deGaulle avait des fourmis dans les hélices. Des envies de foncer vent de bout pour voir à nouveau voler ses avions. Comme un enfant courant sur la plage avec son cerf-volant dans le dos. Autant dire que depuis qu’il a repris la mer mi-septembre, le porteavions nucléaire s’en donne à coeur joie. À tel point que les Toulonnais ont eu jusqu’à présent bien peu d’occasions de voir à quoi ressemble le navire amiral de la Marine nationale au sortir de sa cure de jouvence.
Entièrement dédié au Rafale, seul chasseur embarqué
Qu’ils se rassurent. Même après un lifting de plus de quatre millions d’heures de travail, la silhouette du Grand Charles est parfaitement reconnaissable. Et si l’oeil de l’expert n’aura aucun mal à repérer le Smart-S, nouveau radar 3D de veille aérienne et de surface installé sur l’arrière de l’îlot, le profane, lui, n’y verra probablement que du feu. À 1,3 milliard d’euros la facture, la refonte à mivie du seul porte-avions français ne se limite pas fort heureusement à ce seul radar. Si le dernier catapultage d’un Super Étendard modernisé (SEM) remonte au mois de mars 2016, le chantier a permis de passer enfin réellement au tout Rafale. «On a ainsi pu débarquer 200 000 pièces de SEM. Mais aussi installer un troisième plot de maintenance dédié au Rafale. Ce qui, associé à un fonctionnement des ateliers en continu, nous permet d’atteindre un taux de disponibilité des appareils de 90-95 %», se réjouit le capitaine de vaisseau Boris, commandant adjoint du soutien technique aéronautique à bord.
Des qualifications de pilotes menées tambour battant
Une productivité appréciable pour les pilotes de l’aéronavale qui doivent rattraper le temps perdu. C’est que les 18 mois d’arrêt forcé du porte-avions ont créé des embouteillages sur les bancs de l’école de l’aviation embarquée. « On a vingt pilotes à qualifier de jour et de nuit en à peine onze jours. C’est tendu. Et même si les pilotes ont multiplié les heures sur simulateur et se sont entraînés
à “apponter” sur la terre ferme sur la base de Landivisiau, ce n’est pas pareil. Tant qu’on n’a pas vu le porte-avions, on ne sait pas », explique le capitaine de frégate Christophe Charpentier, commandant du groupe aérien embarqué depuis l’été dernier. Avant de préciser, presque surpris : « Jusque-là, tout se passe
bien ». Il n’est pas le seul dans ce cas-là. Pacha du porteavions, le capitaine de vaisseau Marc-Antoine de SaintGermain se dit « bluffé par la fluidité » avec laquelle « le Charles-de-Gaulle 2.0 », comme il aime à l’appeler, a repris la mer. « Les nouveaux équipements fonctionnent avec les performances attendues », se félicite le commandant. Même s’il reste encore à régler ici et là de légers problèmes de fiabilisation. C’est le cas notamment pour la table tactile installée dans le très secret central opérations (CO) et qui remplace avantageusement l’ancienne feuille de calque sur laquelle les marins suivaient laborieusement la trajectoire des navires et autres avions alentours. Symbole de ce saut dans le XXIe siècle, ce genre d’Ipad géant, développé par une société varoise en collaboration avec les marins du bord, connaît encore « quelques bugs »aux dires du capitaine de frégate Sébastien, commandant adjoint aux opérations. Mais elle permet d’avoir une vision inégalée du théâtre d’opération jusqu’à 2000 kilomètres ! Après plusieurs semaines de relâche dans le port de Toulon pour y subir quelques travaux de reprises, le Charles-de-Gaulle devrait reprendre la mer en janvier. Selon le commandant de Saint-Germain, « la remontée en puissance du bateau se terminera fin février ». À nouveau opérationnel, tout porte à croire que le porte-avions nucléaire mettra alors le cap sur le Levant.
‘‘Les nouveaux équipements fonctionnent avec les performances attendues”