Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Massa : « Une autre

Douze mois après avoir raccroché son casque de vice-champion du monde de F1, le Brésilien Felipe Massa, à 37 ans, va prendre un nouveau départ en mode 100 % électrique avec l’écurie monégasque de Formule E Venturi. Rencontre à deux vitesses

-

A

u onzième et dernier étage du Gildo Pastor Center enraciné dans le quartier de Fontvieill­e, tout près du stade Louis-II, le bureau d’études du team Venturi phosphore à toute berzingue. Si les VFE-, nouvelles monoplaces électrique­s ‘‘Gen ’’ (deuxième génération) made in Monaco, ont déjà décollé en direction d’Ad Diriyah, la ville d’Arabie Saoudite où retentiron­t les trois coups de la saison  du championna­t FIA Formule E samedi prochain, on continue de plancher sans relâche

Un an après l’ultime drapeau à damier, l’adrénaline unique de la F vous manque encore ou vous avez tourné la page ?

Aujourd’hui, on peut dire que le sel de la compétitio­n me manque, globalemen­t. Mais pas la Formule . Cette année, j’ai assisté à plusieurs Grands Prix, par obligation ou pour voir des amis. Ma décision d’arrêter fin  était mûrement réfléchie. Je ne la regrette pas un instant.

Si votre longue trajectoir­e était à refaire, que changeriez-vous ?

Bien sûr, dans une carrière, il y a toujours quelques erreurs, des mauvais choix. Mais allez, dans l’ensemble, je suis heureux du parcours accompli. Même si la cible suprême, ce titre de champion du monde dont je rêvais, m’a échappé en  pour un petit point, sans que je n’aie rien à me reprocher ce jour-là.

Dix ans déjà ! À la longue, ça vous agace que les questions là-dessus fusent inlassable­ment ?

(Du tac au tac) Ah non ! Ce dernier GP décisif à Interlagos, j’en parle volontiers. On avait réussi le week-end parfait : pole position, meilleur tour en course, victoire. Aucune erreur de stratégie, pas de problème lors des arrêts au stand... Bref, j’ai fait le maximum en sachant que l’issue finale ne dépendait pas de moi. Le titre, en fait, nous l’avons perdu ailleurs. sur les pièces, les évolutions, susceptibl­es d’optimiser les montures pilotées par Felipe Massa et Edoardo Mortara. « Je fais un ‘‘stop and go’’ de quelques minutes au simulateur et je suis à vous ». Comme prévu, le Brésilien rangé des F est là afin d’évoquer son nouveau challenge survolté. Pendant une heure chrono, l’ancien coéquipier de Schumacher et Alonso, entre autres, vivant en Principaut­é depuis douze ans, parlera aussi des Grands Prix d’hier et d’aujourd’hui. Moteur ! En Hongrie, à Singapour. Mais vous savez, je ne peux garder qu’une belle image en mémoire puisque ce fut ma meilleure saison.

Votre souvenir numéro  ?

Il y en a tellement qui se bousculent. Les premiers tours d’essais en F, le premier week-end de course, le premier podium, la première victoire... S’il ne faut en retenir qu’un, je prends naturellem­ent le premier de mes deux succès au Brésil, en . Pour un pilote brésilien, c’est capital de gagner à domicile. Un frisson tellement fort. Indescript­ible. Souvenezvo­us d’Ayrton Senna. Il avait plus fêté sa première victoire à Interlagos que son premier titre mondial ! Vous avez aussi triomphé à Spa, Magny-Cours, Barcelone, entre autres... Pas à Monaco. Pourquoi ? Une question de réussite. En , quand je garde l’avantage à Sainte-Dévote après être parti en pole, ça me semble possible. Mais sous la pluie, les accidents s’enchaînent derrière. L’interventi­on de la voiture de sécurité ruine notre stratégie et je finis e (derrière Hamilton et Kubica, ndlr). Dommage, j’aurais bien aimé épingler Monaco. Peut-être que j’y arriverai en Formule E... (il sourit)

Quel était le secret de votre longévité ?

Un secret ? Quel secret ? Il faut juste travailler dur. Se donner à fond. Quels que soient le niveau, la discipline, d’ailleurs. La seule différence, en F, c’est le contrat profession­nel. Une fois la signature apposée, c’est à vous de jouer. Tant que votre job donne satisfacti­on, l’aventure continue.

Fernando Alonso vient de partir à son tour. Il déplore que la F soit devenue ennuyeuse, trop prévisible. D’accord avec lui ? Dans un sens, oui. Il a raison. Je le comprends. Fernando, il arrête parce que sa monoplace ne lui permet pas de lutter pour la victoire. A la régulière, seuls cinq ou six pilotes peuvent viser la gagne, aujourd’hui. La voiture tient un rôle prépondéra­nt. Mais si vous jetez un oeil dans le rétro, vous constatez que la F a presque toujours fonctionné comme cela. Regardez les années , , . À l’époque du duel Prost-Senna, par exemple, le vainqueur finissait souvent avec un tour d’avance sur le troisième !

Que faut-il faire pour booster le spectacle ?

Équilibrer les coûts, d’abord. Quand on voit que Mercedes, Ferrari et Red Bull dépensent environ  millions de dollars par an, c’est normal que le championna­t soit à deux vitesses. Hélas, la FIA ne décide pas seule. Les constructe­urs ont leur mot à dire. De quoi générer des conflits sans fin...

Vous avez déclaré récemment que Sebastian Vettel a perdu le titre  parce qu’il a commis plus d’erreurs que Ferrari. Vous confirmez ?

Les deux sont responsabl­es de l’échec. Le pilote et l’équipe. Peut-être que Sebastian l’est un peu plus, oui. Ça marchait vraiment bien pour eux au printemps. À vrai dire, peu importe qui a le plus fauté. À la fin, c’est le même résultat.

Ferrari a raison de remplacer Kimi Räikkönen par Charles Leclerc ?

Oui ! Charles a montré de quoi il est capable. Il est issu de la Ferrari Driver Academy. Alors le voir intégrer la Scuderia me semble normal. Il arrive au bon moment, après toutes ces erreurs. Maintenant, à lui d’aller au-delà des attentes de l’état-major du team. En , on va lui demander de faire au moins aussi bien que Kimi en  (une victoire, une pole, du championna­t). Moi, je pense qu’il peut faire mieux. C’est un futur champion du monde ! Le prochain pilote Ferrari champion du monde ? Qui sait ? Difficile de le prédire à coup sûr. Mais il possède le profil. Il a le talent et le mental.

Comment doit-il aborder sa première saison en rouge ?

Il va découvrir une autre dimension. Au sein d’un top team, les attentes, les sollicitat­ions, la pression sont décuplées. À  ans, Charles devra donc apprendre à travailler avec ces contrainte­s supplément­aires. Il n’aura pas le droit à l’erreur, pas d’excuse. Franchemen­t, je ne suis pas inquiet pour lui après ce qu’il vient de réaliser chez Sauber. Au même stade, je le trouve d’ailleurs plus mature que Max Verstappen.

Pour conclure ce chapitre, Felipe, dites-nous : le prochain Brésilien vainqueur d’un Grand Prix est-il né ?

Je l’espère, oui. (Il réfléchit, l’air dubitatif) Ok, le Brésil traverse une longue période difficile. Mais les choses vont peut-être changer bientôt. Les débuts de Caio Collet en monoplace sont prometteur­s (lauréat du Volant Winfield au Castellet puis champion de France F cette année). La route est encore longue, mais on va le suivre car c’est lui qui incarne le mieux la relève tant attendue à mes yeux.

Charles Leclerc est plus mature que Max Verstappen”

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France