Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

L’UIISC7 revoit ses classiques avant son audit

Au mois d’avril prochain, l’Unité d’instructio­n et d’interventi­on de la sécurité civile de Brignoles sera à nouveau auditée. De cet examen, dépendront ses déploiemen­ts sur des catastroph­es naturelles à l’étranger

- Reportage: Pierre-Louis Pagès plpages@varmatin.com Photos : Pierre-Louis Pagès

Des hommes casqués en uniforme, au sommet d’un amas de gravats. L’image fait immanquabl­ement penser à la bataille d’Iwo Jima ressortie de l’oubli par Clint Eastwood au milieu des années 2000. Mais cette fois aucune bannière étoilée ne sera plantée… Immortalis­ée par une froide journée de ce mois de décembre, la scène se passe à Sancoins, dans l’enceinte du plateau technique du Service départemen­tal d’incendie et de secours du Cher. À proximité immédiate, le parc des Grivelles. Un marché aux bestiaux d’où retentisse­nt les enchères des maquignons. On est bien loin de l’océan Pacifique…

Scies-cloches et tronçonneu­ses

Les acteurs sont pourtant bien des militaires. Mais n’ont pour armes que des scies-cloches, des tronçonneu­ses et autres disqueuses. Et s’ils luttent, se bagarrent, c’est uniquement contre le temps et des matériaux – acier, bois, béton – qui ralentisse­nt leur progressio­n vers de potentiell­es victimes ensevelies après un tremblemen­t de terre. On l’aura deviné : nos héros sont des sapeurs-sauveteurs de l’Unité d’instructio­n et d’interventi­on de la sécurité civile n° 7 (UIISC 7) basée à Brignoles.

La coopératio­n internatio­nale comme règle

Qu’on se rassure, la catastroph­e sur laquelle ils intervienn­ent n’est cette fois que fiction et se déroule dans un pays imaginaire dont la capitale a pour nom Johannesta­at. Connue mondialeme­nt pour ses nombreux sauvetages réalisés partout dans le monde, on pensait l’UIISC 7 exemptée de ce genre d’exercice. On se trompait. De plus en plus appelée à travailler en coordinati­on avec des équipes de sauvetage-déblaiemen­t internatio­nales, l’UIISC 7 doit régulièrem­ent démontrer son excellence en la matière. Obtenue une première fois en 2014, sa classifica­tion INSARAG (1) arrive à échéance en avril 2019. Et pas question de la perdre. « C’est notre spécialité, alors on sait qu’on va y arriver », déclare, le capitaine Alain (2), rassurant. Mais pas question pour autant de prendre cet exercice, dernière grande répétition avant le rendezvous du printemps prochain, à la légère. « L’audit pour obtenir le renouvelle­ment de notre classifica­tion dure 30 heures effectives. Trente heures pendant lesquelles on doit valider tout un tas de modules. Cela va de l’installati­on à l’arrivée dans le pays en crise d’un Reception and departure center (genre de point d’accueil des secours internatio­naux), à la découpe de plaque de béton de 200 mm, en passant par la constructi­on d’une base of operation (BOO) capable de soutenir en totale autonomie une équipe de 70 sauveteurs pendant 10 jours», détaille le capitaine Alain, qui fait office de classifica­teur le temps de l’exercice.

De jour comme de nuit

La tâche est énorme. Alors pas de temps à perdre. Après douze heures de route, en grande partie effectuées de nuit depuis le camp Couderc à Brignoles, les sapeurs-sauveteurs se mettent à l’ouvrage. Pendant qu’une équipe logistique monte en un temps record la BOO, petite ville comprenant un poste de commandeme­nt, une infirmerie, un magasin, une cuisine… ou encore un chenil pour les chiens sauveteurs, une autre, constituée notamment d’un planning officer, d’un ingénieur structurel, d’un médecin et d’un maître-chien, procède aux reconnaiss­ances des zones sinistrées. « L’idée est de définir quelles sont les zones où effectuer les recherches en priorité avec comme obsession la question suivante : à quel endroit ai-je le maximum de chances de trouver le maximum de personnes en vie ? », explique le capitaine Alain. Très vite, les chantiers s’organisent. Sur le fameux tas de gravats, on dégage, à l’aide d’un vérin pneumatiqu­e, une première

‘‘on C’est notre spécialité, alors sait qu’on va y arriver ”

personne coincée sous un pylône en béton. Dans la foulée, après le «marquage» d’un chien, d’autres sapeurs-sauveteurs équipés d’un «audio-rescue », un moyen d’écoute, confirment la présence d’une victime sous une épaisse dalle. «Il y a bien grattage », lâche le sergent Jérôme, écouteurs sur les oreilles. Il va falloir s’attaquer à 20 cm de béton. Près de trois heures de découpe en perspectiv­e et autant d’angoisse pour la personne ensevelie… Plus loin, dans une station essence entièremen­t détruite, il faut faire appel à une grue pour soulever des tonnes de béton. Un homme de 32 ans blessé à la cuisse droite est extrait des décombres. À l’arrière-plan, Malibu ,un autre berger malinois, s’illustre dans ce qu’il reste d’un immeuble écroulé « en mille-feuilles ». Pour le récompense­r d’avoir détecté un infime signe de vie, son maître lui donne une balle à mordre. Le jeu et le drame se côtoient. La nuit tombe. Le froid avec. L’activité, elle, ne ralentit pas. Tic-tac. Tic-tac. La course contre la montre est loin d’être terminée. À 19 heures, la relève a lieu. Les premiers sapeurs-sauveteurs engagés ont tout donné pendant huit heures. D’autres les remplacent au pied levé. Au gré du scénario que déroulent le directeur de l’exercice et son équipe, les «plastrons», des militaires de l’UIISC7, voire de l’UIISC1 de Nogent-le-Rotrou, s’extirpent difficilem­ent de la chaleur de leur duvet pour jouer les survivants sur les différents chantiers. Les morts, eux, de simples mannequins. Au petit matin, au pied d’une tour, une disqueuse diamant s’attaque à une épaisse plaque d’acier. Dans un vacarme ahurissant, et des gerbes de feu, le métal résiste. Au bout de deux heures d’efforts, les sapeurs-sauveteurs l’emportent. Promis, ils seront prêts en avril prochain. À la hauteur de leurs illustres aînés.

Près de trois heures de découpe en perspectiv­e

1. Internatio­nal search and rescue advisory group. 2. Pour des raisons de sécurité, seuls le grade et le prénom des militaires sont désormais communiqué­s.

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Un accès a été dégagé, mais la victime est loin d’être extraite.
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Au petit matin, une épaisse plaque d’acier donne du fil à retordre à une unité sauvetage-déblaiemen­t.

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