Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
L’UIISC7 revoit ses classiques avant son audit
Au mois d’avril prochain, l’Unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile de Brignoles sera à nouveau auditée. De cet examen, dépendront ses déploiements sur des catastrophes naturelles à l’étranger
Des hommes casqués en uniforme, au sommet d’un amas de gravats. L’image fait immanquablement penser à la bataille d’Iwo Jima ressortie de l’oubli par Clint Eastwood au milieu des années 2000. Mais cette fois aucune bannière étoilée ne sera plantée… Immortalisée par une froide journée de ce mois de décembre, la scène se passe à Sancoins, dans l’enceinte du plateau technique du Service départemental d’incendie et de secours du Cher. À proximité immédiate, le parc des Grivelles. Un marché aux bestiaux d’où retentissent les enchères des maquignons. On est bien loin de l’océan Pacifique…
Scies-cloches et tronçonneuses
Les acteurs sont pourtant bien des militaires. Mais n’ont pour armes que des scies-cloches, des tronçonneuses et autres disqueuses. Et s’ils luttent, se bagarrent, c’est uniquement contre le temps et des matériaux – acier, bois, béton – qui ralentissent leur progression vers de potentielles victimes ensevelies après un tremblement de terre. On l’aura deviné : nos héros sont des sapeurs-sauveteurs de l’Unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile n° 7 (UIISC 7) basée à Brignoles.
La coopération internationale comme règle
Qu’on se rassure, la catastrophe sur laquelle ils interviennent n’est cette fois que fiction et se déroule dans un pays imaginaire dont la capitale a pour nom Johannestaat. Connue mondialement pour ses nombreux sauvetages réalisés partout dans le monde, on pensait l’UIISC 7 exemptée de ce genre d’exercice. On se trompait. De plus en plus appelée à travailler en coordination avec des équipes de sauvetage-déblaiement internationales, l’UIISC 7 doit régulièrement démontrer son excellence en la matière. Obtenue une première fois en 2014, sa classification INSARAG (1) arrive à échéance en avril 2019. Et pas question de la perdre. « C’est notre spécialité, alors on sait qu’on va y arriver », déclare, le capitaine Alain (2), rassurant. Mais pas question pour autant de prendre cet exercice, dernière grande répétition avant le rendezvous du printemps prochain, à la légère. « L’audit pour obtenir le renouvellement de notre classification dure 30 heures effectives. Trente heures pendant lesquelles on doit valider tout un tas de modules. Cela va de l’installation à l’arrivée dans le pays en crise d’un Reception and departure center (genre de point d’accueil des secours internationaux), à la découpe de plaque de béton de 200 mm, en passant par la construction d’une base of operation (BOO) capable de soutenir en totale autonomie une équipe de 70 sauveteurs pendant 10 jours», détaille le capitaine Alain, qui fait office de classificateur le temps de l’exercice.
De jour comme de nuit
La tâche est énorme. Alors pas de temps à perdre. Après douze heures de route, en grande partie effectuées de nuit depuis le camp Couderc à Brignoles, les sapeurs-sauveteurs se mettent à l’ouvrage. Pendant qu’une équipe logistique monte en un temps record la BOO, petite ville comprenant un poste de commandement, une infirmerie, un magasin, une cuisine… ou encore un chenil pour les chiens sauveteurs, une autre, constituée notamment d’un planning officer, d’un ingénieur structurel, d’un médecin et d’un maître-chien, procède aux reconnaissances des zones sinistrées. « L’idée est de définir quelles sont les zones où effectuer les recherches en priorité avec comme obsession la question suivante : à quel endroit ai-je le maximum de chances de trouver le maximum de personnes en vie ? », explique le capitaine Alain. Très vite, les chantiers s’organisent. Sur le fameux tas de gravats, on dégage, à l’aide d’un vérin pneumatique, une première
‘‘on C’est notre spécialité, alors sait qu’on va y arriver ”
personne coincée sous un pylône en béton. Dans la foulée, après le «marquage» d’un chien, d’autres sapeurs-sauveteurs équipés d’un «audio-rescue », un moyen d’écoute, confirment la présence d’une victime sous une épaisse dalle. «Il y a bien grattage », lâche le sergent Jérôme, écouteurs sur les oreilles. Il va falloir s’attaquer à 20 cm de béton. Près de trois heures de découpe en perspective et autant d’angoisse pour la personne ensevelie… Plus loin, dans une station essence entièrement détruite, il faut faire appel à une grue pour soulever des tonnes de béton. Un homme de 32 ans blessé à la cuisse droite est extrait des décombres. À l’arrière-plan, Malibu ,un autre berger malinois, s’illustre dans ce qu’il reste d’un immeuble écroulé « en mille-feuilles ». Pour le récompenser d’avoir détecté un infime signe de vie, son maître lui donne une balle à mordre. Le jeu et le drame se côtoient. La nuit tombe. Le froid avec. L’activité, elle, ne ralentit pas. Tic-tac. Tic-tac. La course contre la montre est loin d’être terminée. À 19 heures, la relève a lieu. Les premiers sapeurs-sauveteurs engagés ont tout donné pendant huit heures. D’autres les remplacent au pied levé. Au gré du scénario que déroulent le directeur de l’exercice et son équipe, les «plastrons», des militaires de l’UIISC7, voire de l’UIISC1 de Nogent-le-Rotrou, s’extirpent difficilement de la chaleur de leur duvet pour jouer les survivants sur les différents chantiers. Les morts, eux, de simples mannequins. Au petit matin, au pied d’une tour, une disqueuse diamant s’attaque à une épaisse plaque d’acier. Dans un vacarme ahurissant, et des gerbes de feu, le métal résiste. Au bout de deux heures d’efforts, les sapeurs-sauveteurs l’emportent. Promis, ils seront prêts en avril prochain. À la hauteur de leurs illustres aînés.
Près de trois heures de découpe en perspective
1. International search and rescue advisory group. 2. Pour des raisons de sécurité, seuls le grade et le prénom des militaires sont désormais communiqués.