Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Attaqué en diffamation par Estrosi un spécialiste du djihadisme est relaxé
Pas de condamnation. Ni contre l’auteur, ni contre son éditeur. Ainsi se solde l’action en justice initiée par Christian Estrosi, en réaction à des accusations rapportées dans le livre Les Revenants, du journaliste David Thomson. Une page se tourne, mais le mot « fin » n’est pas encore écrit : hier soir, l’avocat du maire a annoncé qu’il interjetait appel. Publié en décembre 2016 chez Seuil, Les Revenants reste brûlant d’actualité. Fruit de plusieurs années de travail, il livre des récits bruts de djihadistes ou anciens du djihad. Il cite notamment Quentin, « minot niçois » de 18 ans, parti en Syrie après avoir été « embobiné » par Omar Diaby, alias Omar Omsen, délinquant devenu le principal recruteur du djihad à Nice. « Omar [Omsen] était bien connu. Quand je suis parti, ça devait faire la sixième ou septième saison de ses vidéos de propagande […] Il savait très bien ce qu’il faisait au quartier Saint-Charles. J’en veux au maire de Nice parce qu’il était au courant de tout ça, il a laissé faire », accuse Quentin. Ces propos avaient fait bondir Christian Estrosi. Après l’audience du 20 décembre dernier, le tribunal correctionnel de Nice a rendu son délibéré jeudi. Il relaxe le journaliste écrivain. Et il considère comme nulle, et prescrite, la plainte visant son éditeur. En conséquence, Christian Estrosi se voit débouté de ses demandes. Si les motivations du tribunal ne sont pas encore connues, l’avocat du maire n’en démord pas. « En aucune manière, dans sa décision, le tribunal n’a considéré que les propos que M. Thomson avait recueilli dans son livre auprès d’un jeune djihadiste étaient vrais, estime Me Adrien Verrier. En droit de la presse, on peut parfaitement être relaxé alors même que les déclarations que l’on a tenues ou recueillies sont un tissu de mensonges, ce qui est exactement le cas ici. » La profession n’est pas du même avis. Les Revenants a été récompensé par le prestigieux prix Albert-Londres 2017. Pour Me Verrier, cette distinction « a très certainement pesé dans la balance, en conduisant le tribunal à privilégier nettement le principe de liberté d’expression sur l’interdiction de calomnier autrui. » Sans attendre les motivations du tribunal, l’avocat a décidé de faire appel. Forcément, l’avocat du journaliste voit les choses autrement. Me Martin Pradel était « convaincu qu’il n’y avait pas diffamation. David Thomson s’était borné à rapporter les propos de certains habitants de la ville de Nice. Cette [citation] avait quelque chose de grave. Elle remettait en cause un mode de journalisme – l’enquête documentaire – sur un sujet majeur : l’éveil du djihadisme moderne. C’est une enquête sincère, sérieuse, fouillée. Cette décision est un soulagement pour David Thomson, et pour le journalisme en général. » Sur Twitter, l’intéressé a salué une « petite victoire du journalisme contre la post-vérité politique ».