Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Bac : l’enseignement des langues régionales menacé ?
Les défenseurs des langues régionales, dont l’Occitan, dénoncent les effets de la réforme du baccalauréat et redoutent une réduction du nombre d’élèves et donc de postes
Bretons, Occitans, Corses… Ils se mobilisent pour que les langues régionales continuent d’être enseignées et de vivre. La réforme du bac fait peser, selon eux, une double menace, en raison de sa mise en concurrence avec les langues vivantes et de la perte du bonus que cette option (comme d’autres) peut apporter jusqu’à présent. Ils dénoncent la perte de son statut face à l’option latin-grec. « La réforme du lycée est le prolongement de celle des collèges, où beaucoup de professeurs ont perdu des heures. Pour sauver des postes, on en prend aux autres matières, explique Frédéric Martron, professeur d’histoire-géographie, qui enseigne aussi le provençal dans les collèges de Fayence (165 élèves) et Montauroux (93 élèves). C’est une option pour eux, d’une heure par semaine et par niveau, alors que les textes en prévoient deux. Avant la réforme du collège, j’avais 9 heures, après plus que 4 heures. Il a fallu l’intervention de Christian Estrosi à l’époque pour qu’on garde finalement sept heures d’enseignement par semaine. »
En concurrence avec les langues étrangères
Autre évolution, la création de disciplines de spécialité. Pour ce père d’une lycéenne, tout est fait pour évincer les langues régionales : « La réforme du lycée va aggraver la situation. Quand vous mettez les langues régionales en concurrence avec des langues étrangères, quel lycéen va choisir l’occitan en spécialité deuxième langue vivante quand il a fait de l’espagnol ou de l’italien au collège ?, se désole-t-il. Ça peut rester une option pour le bac. Mais bien moins incitative ». En effet, « la langue d’Oc est, comme la troisième langue, les arts, le sport… une option facultative, coefficient 2, comptant pour le bac. Seules les notes au-dessus de la moyenne sont prises en compte jusqu’à présent. Avec la réforme, le coefficient ne sera plus intéressant et en plus toutes les notes, même sous la moyenne, entreront dans le calcul », complète Matthieu Poitavin, enseignant en occitan et en cinéma, également membre de l’Association pour l’enseignement de la langue d’Oc (AELOC). Le bât blesse encore pour les Occitanistes « parce qu’elle ne vaudra plus qu’1 % de la note du bac, contrairement au latin et au grec qui passent de coefficient 2 à 3 ». estime Olivier Pasquetti, qui enseigne le nissart au lycée Massena de Nice. Il s’inquiète de l’accessibilité, car quels lycées maintiendront un enseignement de l’occitan à partir de la réforme ? « Aucun dans l’académie de Nice ne compte proposer la langue régionale en langue vivante 2, ni en enseignement de spécialité, croit savoir le professeur niçois. Ce qui laisserait deux départements sans aucune possibilité. »
Des familles mal informées
Son sentiment de mise à l’écart est puissant car les familles sont mal renseignées selon lui : « L’information des parents et des élèves n’est pas faite de la manière équitable par rapport aux autres options, notamment en troisième en vue de l’orientation. Et l’Onisep, il y a deux ou trois ans environ, mentionnait dans sa plaquette annuelle qu’il n’y avait qu’un seul lycée, privé sous contrat de surcroît, qui proposait cette option de la seconde au bac dans l’académie ». Il reproche enfin à certains responsables d’établissement de ne pas recenser les élèves correctement. « Ils oublient de dire, dans la base d’extraction, qu’ils ont 30 élèves à suivre un cours d’occitan. Ils limitent les heures et ça ne grignote pas sur le budget horaire de leur établissement. Pourtant, dans certains établissements, c’est l’option la plus suivie ». Ces enseignants demandent «a minima un alignement de traitement des langues régionales au niveau des langues de l’Antiquité » et ne comptent pas se laisser faire.