Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Faire bloc
« Un bloc ». Face aux résurgences de l’antisémitisme, la République sera « un bloc », a assuré, hier, Emmanuel Macron. On aimerait que ce soit vrai ! Et pourtant… Les contorsions et les polémiques qui ont suivi les vociférations contre Alain Finkielkraut ; les palinodies et les anathèmes autour du rassemblement de la place de la République, tout cela dit assez que la classe politique est bien loin de faire bloc. Derrière les vertueuses indignations se cachent trop de calculs et d’arrière-pensées. Tous contre l’antisémitisme, bien sûr. Mais lequel ? Sous les mêmes mots, on ne met pas les mêmes choses. Pour Marine Le Pen, qui n’a eu de cesse de faire oublier les louches accointances de son père, les « Durafour-crématoire » et autres « points de détail », le mal vient des banlieues de l’islam. Il est le produit de cette islamisation rampante qu’elle n’a cessé de dénoncer et devant laquelle les pouvoirs successifs ont capitulé. La gauche et l’extrême gauche préfèrent pointer les germes du vieil antisémitisme d’ extrême droite, toujours actifs et virulents au sein de la mouvance ultra nationaliste, voire parmi les« identitaires» et autres anciens « gudards » qui gravitent dans l’orbite du Rassemblement national. Et que dire de la difficulté de certains Insoumis à dénoncer clairement l’ ignominie de l’ agression contre le philosophe académicien. Comme si ses prises de position pouvaient justifier l’injustifiable. Ou si la solidarité avec les « gilets jaunes » commandait de fermer les yeux et les oreilles devant les débordements de certains. Faire bloc, c’est – ce serait – en finir avec ces arguties. Avec les « c’est pas nous, c’est les autres ». C’est accepter de reconnaître que les préjugés antisémites sont largement partagés. Et que si les passages à l’acte sont le fait d’une petite minorité de fanatiques ou de crétins, les préjugés et les stéréotypes qui les inspirent sont bien plus répandus. D’un bout à l’autre de l’échiquier politique. Et particulièrement aux extrêmes. Tous les sondages l’attestent. Faire bloc, c’est en finir avec les outrances, les faux procès, l’intolérance, la haine irrationnelle des « élites », tout ce fatras de haine et de complotisme qui a envahi le débat public et où l’antisémitisme a mis ses oeufs. Car l’antisémitisme n’est pas seulement la haine des juifs. Il a toujours été un symptôme. Un indicateur. Il annonce que la démocratie est malade et la paix civile menacée.
« Derrière les vertueuses indignations se cachent trop de calculs et d’arrière-pensées. »