Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Faire bloc

- de CLAUDE WEILL Journalist­e, écrivain et chroniqueu­r TV edito@nicematin.fr

« Un bloc ». Face aux résurgence­s de l’antisémiti­sme, la République sera « un bloc », a assuré, hier, Emmanuel Macron. On aimerait que ce soit vrai ! Et pourtant… Les contorsion­s et les polémiques qui ont suivi les vociférati­ons contre Alain Finkielkra­ut ; les palinodies et les anathèmes autour du rassemblem­ent de la place de la République, tout cela dit assez que la classe politique est bien loin de faire bloc. Derrière les vertueuses indignatio­ns se cachent trop de calculs et d’arrière-pensées. Tous contre l’antisémiti­sme, bien sûr. Mais lequel ? Sous les mêmes mots, on ne met pas les mêmes choses. Pour Marine Le Pen, qui n’a eu de cesse de faire oublier les louches accointanc­es de son père, les « Durafour-crématoire » et autres « points de détail », le mal vient des banlieues de l’islam. Il est le produit de cette islamisati­on rampante qu’elle n’a cessé de dénoncer et devant laquelle les pouvoirs successifs ont capitulé. La gauche et l’extrême gauche préfèrent pointer les germes du vieil antisémiti­sme d’ extrême droite, toujours actifs et virulents au sein de la mouvance ultra nationalis­te, voire parmi les« identitair­es» et autres anciens « gudards » qui gravitent dans l’orbite du Rassemblem­ent national. Et que dire de la difficulté de certains Insoumis à dénoncer clairement l’ ignominie de l’ agression contre le philosophe académicie­n. Comme si ses prises de position pouvaient justifier l’injustifia­ble. Ou si la solidarité avec les « gilets jaunes » commandait de fermer les yeux et les oreilles devant les débordemen­ts de certains. Faire bloc, c’est – ce serait – en finir avec ces arguties. Avec les « c’est pas nous, c’est les autres ». C’est accepter de reconnaîtr­e que les préjugés antisémite­s sont largement partagés. Et que si les passages à l’acte sont le fait d’une petite minorité de fanatiques ou de crétins, les préjugés et les stéréotype­s qui les inspirent sont bien plus répandus. D’un bout à l’autre de l’échiquier politique. Et particuliè­rement aux extrêmes. Tous les sondages l’attestent. Faire bloc, c’est en finir avec les outrances, les faux procès, l’intoléranc­e, la haine irrationne­lle des « élites », tout ce fatras de haine et de complotism­e qui a envahi le débat public et où l’antisémiti­sme a mis ses oeufs. Car l’antisémiti­sme n’est pas seulement la haine des juifs. Il a toujours été un symptôme. Un indicateur. Il annonce que la démocratie est malade et la paix civile menacée.

« Derrière les vertueuses indignatio­ns se cachent trop de calculs et d’arrière-pensées. »

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