Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Dr Vincent Carret : « Il faut une task force aux urgences »
Le médecin urgentiste, membre du directoire du centre hospitalier intercommunal Toulon-La Seyne, souhaite l’arrêt des injonctions contradictoires et un changement de culture
Si l’épidémie de grippe a porté un éclairage récent sur la crise des services d’urgences du département, médecins, spécialistes de cette discipline et personnels n’ont de cesse de dénoncer cette situation depuis longtemps. En vain. Le Dr Vincent Carret, urgentiste au centre hospitalier intercommunal de Toulon-La Seyne, ancien chef du service et membre du directoire, a pris la plume et la parole, à nouveau.
Vous avez écrit la semaine dernière à la ministre de la Santé avec copie au président de l’association des médecins urgentistes de France pour sonner l’alerte...
(lire ci-contre), On alerte, on alerte, on n’a jamais de réponse. Le système n’écoute plus le terrain, les expertises. C’est vécu comme un mépris de l’ARS (Agence Régionale de Santé), du ministère. Depuis des mois, tout est fait pour ignorer, stigmatiser. On n’est pas reconnu, la dimension humaine, il n’y en a pas. C’est le diktat du mépris. L’ensemble des équipes médicales le ressent.
Quelle est la situation ?
L’hôpital doit gérer des injonctions contradictoires permanentes. La Haute Autorité de Santé dit que les urgences doivent gérer les flux entrants (amont). Mais aujourd’hui, avec les groupements hospitaliers de territoires, on a de plus en plus de malades lourds dans les étages (aval) et quand il y a un problème, on les fait descendre aux urgences. Dimanche au soir, on ne pouvait plus admettre les vraies urgences du SMUR parce qu’on nous amenait les patients des services. Il faut voir ce que vivent les régulateurs du SAMU. En outre, on a un déficit de lits de réanimation en PACA.
Certains disent que les gens viennent pour rien aux urgences...
Tous les jours, de véritables urgences s’y cachent. On récupère des catastrophes. Des décès et des drames aux urgences, il continuera à y en avoir... Et ce n’est pas spécifique à Toulon.
Pourquoi ? Il y a un dossier qui va exploser, c’est le scandale des EHPAD. Au prix où ça coûte aux résidents, aux familles, il manque des médecins dans ces établissements. On nous
emmène les résidents pour qu’ils viennent mourir ici. On gère aussi des fins de vie de personnes hospitalisées dans d’autres services. Ça s’ajoute à tout le reste. Ce n’est pas notre rôle. On assure, car on a gardé la dimension humaine. Mais ça se fait au détriment du reste.
Quelles sont vos propositions ?
D’abord, il faut se réinventer, créer au niveau des urgences, qui sont le coeur et les poumons de l’hôpital H, une task force. Avec des directeurs expérimentés et rodés aux problèmes de garde et une capacité d’analyse et de
prise de décision immédiate. Un médecin, un directeur, c’est, à faible coût, un changement de culture, de management. Ensuite il y a trop de malades aux urgences qui dépendent de l’aval. Il faut redonner la pertinence des soins, des services. Les urgences ne peuvent plus être les variables d’ajustement de l’hôpital. On nous annonce M€ pour agrandir le service réanimation en -. Par rapport aux effets d’annonce, il faut des plans d’action. Tout de suite.