Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Le bon coup du Sénat
Mais pourquoi diable la majorité persiste-t-elle à donner l’impression de vouloir minimiser les agissements d’Alexandre Benalla ? Quelques heures après l’annonce du placement en détention provisoire de l’ex-chef de cabinet adjoint de la Présidence, la critique en règle du travail de la commission d’enquête parlementaire du Sénat par la garde rapprochée d’Emmanuel Macron apparaît pour le moins déplacée. Certes, la présidence a annoncé, hier soir, qu’elle ne réagira pas au contenu du rapport, « par respect pour la séparation des pouvoirs », mais les propos sans équivoque de Benjamin Griveaux, Nicole Belloubet ou encore Gilles Le Gendre mettent clairement en cause le Sénat qui aurait outrepassé ses prérogatives et porté atteinte à la séparation des pouvoirs. La Chambre haute a-t-elle fait preuve d’opportunisme en scénarisant à l’excès, au fil des semaines, les travaux de sa commission d’enquête ? C’est possible. Mais les sénateurs ne se sont pas érigés pour autant en commissaires politiques. S’ils ont chargé la barque et rendu un rapport particulièrement sévère, c’est bien parce que le dossier Benalla est accablant, ses mensonges sous serment éhontés et son comportement indéfendable. En affirmant que la sécurité du Président a été affectée, en pointant « des dysfonctionnements majeurs au sein des services de l’État », le Sénat n’a pas franchi la ligne jaune. Et il n’assène pas des « contre-vérités », contrairement à ce qu’a affirmé, hier, le porte-parole du gouvernement à la sortie du Conseil des ministres. Violences, affairisme, armes, relations douteuses, utilisation frauduleuse de passeports diplomatiques : le temps n’est définitivement plus à « l’indulgence » que réclamait début novembre Emmanuel Macron vis-à-vis de son ancien collaborateur, estimant alors que celui qui dort aujourd’hui en prison n’avait pas à être traité « comme le plus grand criminel en liberté. » En livrant avec calme et mesure ce rapport nécessaire qui dérange la majorité, le Sénat a parfaitement joué son rôle de contre-pouvoir. Et démontré de manière éclatante son utilité au moment où de nombreux acteurs du Grand Débat préconisent sa disparition.