Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Les pilotes règlent leurs comptes avec St-Domingue
Bruno Odos et Pascal Fauret ont réagi à la lecture de témoignages accablants, déposés lors du premier procès en République dominicaine. « C’est une mascarade, c’est minable »
Au quatrième jour du procès Air Cocaïne, la cour d’assises a commencé à se pencher sur le volet dominicain de l’affaire. Le président Jean-Luc Tournier a fait la lecture de témoignages accablant les anciens pilotes lors du procès de Saint-Domingue. L’un des prévenus dominicains a fait le récit du chargement de valises suspectes à l’aéroport de Punta Cana avec, selon lui, la participation active des accusés français. « Une valise est tombée, elle s’est ouverte et quelques kilos (de cocaïne, Ndlr) sont sortis. Les deux pilotes l’ont attrapée et l’ont remise dans l’avion… »
« Ça fait très très mal »
« Ça fait six ans que l’on entend ça », a réagi Bruno Odos dans une déclaration décousue par un trop-plein d’émotion. À la fin du procès de Saint-Domingue ce prévenu, un militaire local, est passé du banc des prévenus au fauteuil des témoins a décrit le vétéran de l’armée de l’Air. « Tout ce qu’il a raconté, c’est pas vrai, c’est faux… On a appris qu’il avait passé un accord avec le procureur. Au procès, c’est tombé au dernier moment et on n’a pas pu s’exprimer .» « Ça fait très très mal, a ajouté Pascal Fauret. La bascule du procès c’était ce moment-là, alors que l’on pensait atteindre notre but de repartir la tête haute. » Sur les faits : « Bruno Odos s’occupait des formalités. J’étais seul dans l’avion, je devais m’assurer de la préparation matérielle, a expliqué Pascal Fauret. J’ai démarré le moteur auxiliaire pour l’alimentation en électricité. Puis j’ai entendu beaucoup de bruit. Je suis sorti. C’était des gens – trois personnes – qui étaient en train de jeter des valises dans la soute. J’ai estimé leur nombre à une quinzaine. J’ai essayé de communiquer, mais je ne parlais pas espagnol et ils ne parlaient ni anglais, ni français, alors j’ai essayé de leur montrer comment faire en touchant et en rangeant une valise… » La valise qui serait tombée et qui se serait ouverte est « un mensonge qui fait mal », a affirmé Pascal Fauret. Le président et ses assesseurs ont également lu la déposition du patron de l’office antistups qui a supervisé l’opération de Punta Cana. Le général la présente comme l’aboutissement d’une enquête de longue haleine sur la mainmise des narcotrafiquants sur l’aéroport de Punta Cana. « Au moment où nous savions que la drogue était chargée nous sommes arrivés sur place (...). Les pilotes étaient très nerveux… » Quarante-sept agents dominicains soupçonnés de corruption avaient été interpellés.
« Tous ces gens sont corrompus »
« Pour planter le décor, ce général a bien compté mes affaires, a commenté Bruno Odos, dans des propos toujours emmêlés, il a compté tout ça, il a pris mes ordinateurs, mes cartes bancaires qu’on ne m’a jamais rendus… Mes cartes se sont retrouvées dans des magasins de Saint-Domingue… »Et d’évoquer un débit de 10 000 euros alors qu’il était incarcéré. « Tous ces gens en uniforme, ils sont tous corrompus. On le savait un peu, on en a pris encore plus conscience quand on s’est retrouvé enfermé avec des policiers et des militaires… » Les Français avaient finalement été condamnés à vingt de prison par la justice dominicaine. Le prévenu qui avait passé un accord avec le parquet a écopé « d’une peine non pas faible, mais inexécutable », a souligné Me Antoine Vey, justifiant la fuite des pilotes par une certaine forme de désespoir face à « une justice crasse ». La cour d’assises ne manquera pas de revenir sur les épisodes de République dominicaine.